l'economie des droits de l'homme - creden - Université Montpellier I

impossible – et il n’est pas nécessairement souhaitable – qu’une firme assume seule
l’ensemble des mesures complémentaires. Sa responsabilité est engagée en ce qu’elle doit,
en tant que macro-unité, d’une part ne pas entraver la mise en œuvre des droits de
l’homme 25 et, d’autre part, participer à leur promotion dans leur « zone de
responsabilité » 26 .
L’hypothèse (9), conjointe ou non avec un code de conduite, est donc la voie la plus
souhaitable, à la fois d’un point de vue micro-économique (pour le travailleur) et mésoéconomique
(pour la firme), et d’un point de vue systémique. Les exemples du Pakistan
(avant les événements du 11 septembre 2001) et du Bangladesh illustrent bien l’ensemble
de la démarche contenue dans ce tableau. Au milieu des années 1990, des mouvements
contestataires ont pointé du doigt le recours au travail infantile dans ces deux pays
(notamment pour la fabrication de produits liés au football). La réponse des entrepreneurs
locaux a d’abord été de renvoyer les enfants, qui se sont retrouvés dans la rue.
L’intervention de l’OIT et de l’UNICEF a permis de trouver une autre solution. Les
fabricants, dans ces deux pays, ont accepté de collaborer avec les organismes précités afin
de développer et de gérer un programme d’éducation et de formation pour les enfants,
l’OIT se chargeant de contrôler le tout 27 .
Ainsi, l’intervention des organismes internationaux qui adaptent leurs mesures au
cas par cas afin de promouvoir les droits de l’homme en fonction du contexte économique
et social, reste essentielle. Ces organismes peuvent être aidés par une action convergente
des firmes transnationales, mais ces dernières ne peuvent pas se substituer à ces
25 On sait, en effet, que les firmes transnationales ont davantage tendance à s’opposer aux droits de l’homme
et à violer les lois internes des pays, plutôt qu’à les appliquer et à aider à leur renforcement. Sur ces
questions, voir les écrits de Noam Chomsky ; cf. également, (Bernard et Fontaine, 1984) et (Jochnick, 1999),
parmi d’autres. En outre, le problème qui se pose aujourd’hui, notamment au travers d’une certaine
opposition de certains pays du Sud à l’inclusion des droits des travailleurs dans les mécanismes de
l’Organisation Mondiale du Commerce parce qu’ils interprètent cela comme des tentatives de
protectionnisme déguisé, c’est que tant que les FTN vont dans les pays du Sud pour faire travailler des
enfants et des travailleurs sans droits syndicaux, comment faire évoluer les lois de ces pays, alors même
qu’ils sont en concurrence avec les autres pour attirer les investissements de ces FTN ? Les FTN ont donc
une responsabilité complexe en la matière, s’inscrivant dans la responsabilité commune de ceux qui ont
développé, d’une part, le sous-développement des pays du Sud et, d’autre part, la globalisation de l’économie
internationale dans les conditions actuelles. Sur des questions connexes, voir également (de Feyter, 2001).
26 Respecter les droits des travailleurs, adopter les techniques les moins polluantes, participer à la formation
de la main-d’œuvre, etc. Cela implique, naturellement, de payer des impôts – et non pas, comme en Israël, de
les considérer comme allant à l’encontre des droits de l’homme. Ce sont, au contraire, les fameuses « zones
franches » qui sont les plus susceptibles d’enfreindre les droits de l’homme et d’entraîner une perte globale
pour le système, notamment en matière de « ressources humaines ».
27 Cf. (Baccaro, 2001, p. 22-25) et (Elliott et Freeman, 2001, p. 30). Il ne faut pas ignorer, par ailleurs, que le
travail des enfants découle principalement de raisons économiques (même si le culturel n’est pas absence).
Cela implique que réclamer les droits de l’enfant per se est une démarche vaine si elle ne s’accompagne pas
d’une exigence de lutte globale contre la pauvreté ; sur ces questions, voir aussi (White, 2002).
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