l'economie des droits de l'homme - creden - Université Montpellier I

contrairement à la vision de Bentham, ces buts fondamentaux peuvent être compris comme
les fins de la société qui visent le respect des droits de l’homme.
Toutefois, dès que l’on se penche davantage sur la doctrine utilitariste, il est
possible de lui opposer, non pas son refus des droits de l’homme, mais son inadéquation
vis-à-vis de ceux-ci, qui empêche jusqu’à ses propres objectifs de se réaliser. En effet, dès
lors que l’utilitarisme est réduit à sa formule générique « le plus grand bonheur pour le plus
grand nombre », et dès lors que cela repose sur un calcul – éventuellement centralisé –
mesurant l’utilité totale, les droits de l’homme sont par essence sacrifiés, à moins de
concourir à l’accroissement de l’utilité. Le mécanisme, qui sera particulièrement développé
par Sidgwick un siècle plus tard, consiste en un cheminement en trois étapes : tout d’abord,
il convient d’être impartial à l’égard des personnes ; puis, il faut que le principe utilitariste
n’implique pas de préférence pour le présent (il est possible de sacrifier un plaisir immédiat
pour obtenir un plus grand plaisir ou moins de peine plus tard) ; enfin, et compte tenu des
deux points précédents, aucun individu ne compte plus qu’un autre, le bien d’un individu
n’ayant donc pas plus d’importance que celui de n’importe quel autre. Cette conception
amène non seulement à nier l’importance des droits de l’homme, mais encore à remettre en
cause les buts exposés par Bentham. Outre le fait qu’un système totalitaire puisse répondre
au critère utilitariste, l’objectif de maximisation des plaisirs pour le plus grand nombre peut
ne pas assurer à tous la sûreté et la subsistance. Ici, l’individu devient un simple moyen en
vue de la maximisation de l’utilité. Si l’on suppose que le manque de sûreté, voire de
subsistance, d’un individu, puisse accroître l’utilité de tous les autres, pour quelle raison
devrait-on les lui garantir ?
Bentham, en posant des buts supérieurs, rejoint donc la philosophie des droits de
l’homme et c’est peut-être pour cette raison qu’il finira par être d’accord avec Smith. En
indiquant, en outre, que ces buts relèvent à la fois des préoccupations du juriste et de celles
de l’économiste, fait-il autre chose que d’ouvrir la voie à une économie des droits de
l’homme, autant éloignée de la proclamation libérale/bourgeoise de droits abstraits, que de
l’utilitarisme qu’il a lui-même développé ? 16
16 Pour des approfondissements à propos de l’utilitarisme et de ses développements récents, cf. chapitre II,
infra et les références qui s’y trouvent.
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