l'economie des droits de l'homme - creden - Université Montpellier I

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Tableau III.2 : La prise en compte des droits de l’enfant par les firmes transnationales. Se préoccupe du travail des enfants Oui Non A mis en place un code de conduite Oui Non L’effectivité des codes de conduite à l’égard du travail des enfants est étudiée en analysant (1) les caractéristiques internes des codes ; (2) la probabilité de respect des codes. Les hypothèses suivantes peuvent en être déduites : (1) Si les codes sont stricts autant dans leurs termes que dans leur application, ils peuvent avoir des effets négatifs imprévus ; (2) Si les codes sont stricts par nature, ils peuvent s’accompagner d’efforts additionnels pour traiter effectivement le problème. (9) une firme peut ne pas prendre le risque d’avoir un code, mais prendre d’autres mesures, plus informelles, face au travail des enfants. Parmi ces mesures, peuvent figurer les alternatives suivantes : − s’engager seule ou avec d’autres firmes dans des programmes spéciaux avec les communautés concernées ; − collaborer avec les ONG spécialisées dans la promotion des droits de l’enfants ; − collaborer avec les institutions publiques (comme l’UNICEF) pour améliorer la condition des enfants qui ont besoin d’aide. Les codes de conduite ne sont pas effectifs vis-à-vis du travail des enfants si : (3) ils ne sont pas combinés avec des mesures compensatrices pour les enfants licenciés ; (4) ils ne sont pas contrôlés par des moyens indépendants ; (5) les sous-traitants devant respect le code étendent la chaîne de production, rejetant le problème sur leurs sous-traitants (économie informelle, etc.) ; (6) seul le secteur d’export-import est concerné par les codes, alors qu’il n’emploie que 5 % du travail enfantin ; (7) les normes sociales des pays du Sud empêchent le véritable exercice des codes ; (8) les codes se substituent à la régulation gouvernementale, ce qui est indésirable. (10) Les firmes transnationales sans code de conduite peuvent faire valoir qu’elles ne sont pas responsables sur la question du travail des enfants, parce que : établir des règles concernant le travail des enfants est une responsabilité publique : les firmes ne sont pas des entités « faiseur de règles » dans la société, alors que les institutions publiques sont responsables pour décréter une législation du travail. Les firmes sont seulement obligées de respecter la législation nationale des Etats où elles s’implantent. Source : Kolk et van Tulder, 2002, p. 3, notre traduction. Pour commenter ce tableau, nous commencerons par discuter l’hypothèse 10, c’està-dire celle de l’irresponsabilité des firmes. Il y a dans la justification de l’irresponsabilité des firmes un principe incontournable, celui de la suprématie de la loi par rapport à l’activité des firmes. Cependant, et c’est là que se situe l’enjeu, les droits de l’homme reposent sur des instruments de droits internationaux et, en outre, devraient être opposables à toutes les macro-unités. Autrement dit, du point de vue (théorique) économique, les firmes ont le devoir de respecter les droits de l’homme, et n’ont pas à se croire autorisées à les enfreindre sous prétexte que telle pratique n’est pas expressément interdite par tel Etat. Dans le cadre du travail des enfants, supposons qu’un Etat particulier n’ait aucune législation à cet égard, une firme qui opère dans ce pays pourrait, du seul point de vue 340

procédural, embaucher des enfants en dessous de 10 ans, par exemple. Toutefois, en procédant ainsi, cette firme violerait les droits de ces enfants et aurait donc une responsabilité – au moins morale – à leur égard. L’argument ainsi avancé est donc valable en ce sens que la firme ne doit pas se substituer aux pouvoirs publics en matière de création législative, mais il est irrecevable en ce sens que la remarque précédente n’implique en rien une irresponsabilité de la firme à l’égard des personnes (de ses salariés, de ses clients, de ses actionnaires, etc.) et de la société. Nous suivons également, sur ce point, la position de Gunnar Myrdal (1960, p. 55) qui constate que : « si, contrairement aux hypothèses de la théorie économique libérale, les entreprises privées elles-mêmes deviennent importantes au point de pouvoir par leur propre action déterminer le marché ou l’influencer d’une manière décisive, et si on les laisse détenir ce pouvoir, elles doivent être comprises dans cette infrastructure institutionnelle de l’organisation de la société moderne des pays occidentaux à qui incombe, en réalité, la politique publique. » Autrement dit, si les entreprises privées atteignent une taille telle qu’elles peuvent être en mesure d’exercer un pouvoir similaire à celui de l’Etat, alors un contrôle démocratique de ces entreprises est nécessaire et leur impose d’autres objectifs que le seul taux de profit. En ce qui concerne les effets pervers qui peuvent survenir à la suite de la mise en place d’un code ou d’un mouvement social sous-jacent, certains y ont vu les limites des campagnes « anti-sweatshop » 23 . En effet, de telles campagnes peuvent avoir pour conséquence le boycott des marchandises d’une firme qui aura tout intérêt à fermer ses usines ou à mettre fin à ses contrats dans les pays du Sud, jetant ainsi dans la rue les enfants concernés, plutôt que d’améliorer leur condition ; cf. (Adams, 2002), (Elliott et Freeman, 2001). Un tel risque reste toutefois restreint puisque les organisations qui mènent de telles campagnes en ont conscience et font en sorte de limiter de tels effets pervers 24 . Le vrai problème, nous semble-t-il, est que les conditions économiques et sociales des pays d’accueil sont telles que le travail des enfants continuera dans les secteurs informel et agricole. L’application stricte des codes est ainsi une mauvaise méthode de gestion du problème du travail des enfants. Pour être optimale, celle-ci doit s’accompagner de mesures complémentaires tenant compte de la situation du pays d’accueil. De fait, il est 23 « Sweatshop » n’a pas d’équivalent direct en français ; l’expression la plus proche serait celle de « bagne industriel », puisqu’il s’agit de lieux de travail où la main-d’œuvre est exploitée. 24 Ainsi, par exemple, réclamer une norme de salaire minimum suffisante pour vivre ne peut pas se faire par des personnes extérieures au pays, selon leurs propres critères. On rejoint ici la question de l’adaptation des mesures au niveau de développement des pays concernés, telle qu’exposée par J. K. Galbraith (1984). 341

Tableau III.2 : La prise en compte <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’enfant par les firmes transnationales.<br />

Se préoccupe du travail <strong><strong>de</strong>s</strong> enfants<br />

Oui<br />

Non<br />

A mis en place un co<strong>de</strong> <strong>de</strong> conduite<br />

Oui<br />

Non<br />

L’effectivité <strong><strong>de</strong>s</strong> co<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong> conduite à<br />

l’égard du travail <strong><strong>de</strong>s</strong> enfants est étudiée en<br />

analysant (1) les caractéristiques internes<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> co<strong><strong>de</strong>s</strong> ; (2) la probabilité <strong>de</strong> respect <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

co<strong><strong>de</strong>s</strong>. Les hypothèses suivantes peuvent en<br />

être déduites :<br />

(1) Si les co<strong><strong>de</strong>s</strong> sont stricts autant dans<br />

leurs termes que dans leur application, ils<br />

peuvent avoir <strong><strong>de</strong>s</strong> effets négatifs imprévus ;<br />

(2) Si les co<strong><strong>de</strong>s</strong> sont stricts par nature, ils<br />

peuvent s’accompagner d’efforts<br />

additionnels pour traiter effectivement le<br />

problème.<br />

(9) une firme peut ne pas prendre le risque<br />

d’avoir un co<strong>de</strong>, mais prendre d’autres<br />

mesures, plus informelles, face au travail<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> enfants. Parmi ces mesures, peuvent<br />

figurer les alternatives suivantes :<br />

− s’engager seule ou avec d’autres<br />

firmes dans <strong><strong>de</strong>s</strong> programmes spéciaux<br />

avec les communautés concernées ;<br />

− collaborer avec les ONG spécialisées<br />

dans la promotion <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>droits</strong> <strong>de</strong><br />

l’enfants ;<br />

− collaborer avec les institutions<br />

publiques (comme l’UNICEF) pour<br />

améliorer la condition <strong><strong>de</strong>s</strong> enfants qui<br />

ont besoin d’ai<strong>de</strong>.<br />

Les co<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong> conduite ne sont pas effectifs<br />

vis-à-vis du travail <strong><strong>de</strong>s</strong> enfants si :<br />

(3) ils ne sont pas combinés avec <strong><strong>de</strong>s</strong> mesures<br />

compensatrices pour les enfants licenciés ;<br />

(4) ils ne sont pas contrôlés par <strong><strong>de</strong>s</strong> moyens<br />

indépendants ;<br />

(5) les sous-traitants <strong>de</strong>vant respect le co<strong>de</strong><br />

éten<strong>de</strong>nt la chaîne <strong>de</strong> production, rejetant le<br />

problème sur leurs sous-traitants (économie<br />

informelle, etc.) ;<br />

(6) seul le secteur d’export-import est<br />

concerné par les co<strong><strong>de</strong>s</strong>, alors qu’il n’emploie<br />

que 5 % du travail enfantin ;<br />

(7) les normes sociales <strong><strong>de</strong>s</strong> pays du Sud<br />

empêchent le véritable exercice <strong><strong>de</strong>s</strong> co<strong><strong>de</strong>s</strong> ;<br />

(8) les co<strong><strong>de</strong>s</strong> se substituent à la régulation<br />

gouvernementale, ce qui est indésirable.<br />

(10) Les firmes transnationales sans co<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />

conduite peuvent faire valoir qu’elles ne sont<br />

pas responsables sur la question du travail <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

enfants, parce que :<br />

établir <strong><strong>de</strong>s</strong> règles concernant le travail <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

enfants est une responsabilité publique : les<br />

firmes ne sont pas <strong><strong>de</strong>s</strong> entités « faiseur <strong>de</strong><br />

règles » dans la société, alors que les<br />

institutions publiques sont responsables pour<br />

décréter une législation du travail. Les firmes<br />

sont seulement obligées <strong>de</strong> respecter la<br />

législation nationale <strong><strong>de</strong>s</strong> Etats où elles<br />

s’implantent.<br />

Source : Kolk et van Tul<strong>de</strong>r, 2002, p. 3, notre traduction.<br />

Pour commenter ce tableau, nous commencerons par discuter l’hypothèse 10, c’està-dire<br />

celle <strong>de</strong> l’irresponsabilité <strong><strong>de</strong>s</strong> firmes. Il y a dans la justification <strong>de</strong> l’irresponsabilité<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> firmes un principe incontournable, celui <strong>de</strong> la suprématie <strong>de</strong> la loi par rapport à<br />

l’activité <strong><strong>de</strong>s</strong> firmes. Cependant, et c’est là que se situe l’enjeu, les <strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme<br />

reposent sur <strong><strong>de</strong>s</strong> instruments <strong>de</strong> <strong>droits</strong> internationaux et, en outre, <strong>de</strong>vraient être opposables<br />

à toutes les macro-unités. Autrement dit, du point <strong>de</strong> vue (théorique) économique, les<br />

firmes ont le <strong>de</strong>voir <strong>de</strong> respecter les <strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme, et n’ont pas à se croire autorisées à<br />

les enfreindre sous prétexte que telle pratique n’est pas expressément interdite par tel Etat.<br />

Dans le cadre du travail <strong><strong>de</strong>s</strong> enfants, supposons qu’un Etat particulier n’ait aucune<br />

législation à cet égard, une firme qui opère dans ce pays pourrait, du seul point <strong>de</strong> vue<br />

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