l'economie des droits de l'homme - creden - Université Montpellier I

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dans la sphère écologique concernée. Il y a ensuite une « transformation » de cette extension en une véritable « agression », puisque l’utilisation de la marchandise en question dans les conditions données, va jusqu’à provoquer la mort. Cette agression est suivie de réactions qui partent de la sphère sociale, sous formes de luttes sociales (mouvements sociaux) et qui impulsent un mécanisme de création normative qui vise la garantie des droits de l’homme : dans ce cas, le droit à la vie avec tous ses corollaires, notamment les droits à une alimentation saine et adéquate, mais aussi le droit à l’information dont nous avons déjà dit quelques mots précédemment dans un cadre presque identique (voir supra section II). Il y a ici aussi une interaction positive entre les luttes sociales et les créateurs publics de normes, qui conduit à une modification de l’organisation de la régulation de l’économie. Dans le même cadre, nous allons voir à présent d’autres problèmes qui se posent à la mise en œuvre des codes et qui appellent effectivement l’intervention des acteurs publics internationaux. C. Une perspective globale de la mise en œuvre des codes. Du point de vue global, plusieurs limites se matérialisent face à l’application des codes de conduite et des principes des chartes d’éthique. Ces codes, dès lors qu’ils concernent essentiellement les firmes transnationales qui font appel à des sous-traitants qui ne respectent pas les droits des travailleurs, vont à l’encontre même des raisons qui poussent les firmes à faire appel à ces sous-traitants 17 . Les problèmes soulevés sont alors de deux ordres : d’une part, les codes peuvent être inapplicables du point de vue des firmes car leur multiplication peut en faire une contrainte trop forte pour les sous-traitants 18 et, d’autre part, ils peuvent conduire à des effets pervers contraires aux objectifs des 17 Nous nous intéressons ici à la sous-traitance dans les pays du Sud ; cependant, les codes de conduite peuvent remettre en cause, également, les pratiques dans les pays du Nord, y compris au sein de l’entreprise mère. Rappelons, à cet égard, que les Etats-Unis n’ont toujours pas ratifié le Pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de 1966, tout comme ils n’ont pas ratifié la Convention de 1973 de l’OIT sur l’âge minimum des travailleurs et tout comme ils bloquent la mise en place d’un tribunal international susceptible de juger les dictateurs, parmi d’autres traités et conventions de protection des droits de l’homme. De ce point de vue, les Etats-Unis sont un pays sous-développé. 18 Les sous-traitants travaillent généralement pour plusieurs FTN et le manque d’unification des codes de ces dernières peut provoquer un ensemble d’exigences trop important pour que le sous-traitant puisse y faire face. En outre, certaines FTN rejetant la responsabilité de l’application des codes sur leurs sous-traitants, on voit qu’il y a là un problème même de définition de la responsabilité. Comment les sous-traitants qui n’ont que de petits profits pourraient prendre en charge à eux seuls l’application des codes, alors que les FTN principales incriminées rejetteraient ainsi toute responsabilité ? 338

mouvements sociaux qui les ont portés 19 . Nous allons étudier plus spécialement ce cas, dans le cadre de l’interdiction du travail des enfants 20 . L’OIT, à travers la Convention 138 de 1973 sur l’âge minimum et la Convention 175 de 1999 sur l’élimination des pires formes du travail des enfants, a défini un travail tolérable comme celui qui ne peut blesser l’enfant, dans sa santé ou dans son développement, et qui ne cause pas de préjudice à son éducation ; l’enfant devant être âgé d’au moins 13 ans 21 . Les firmes transnationales qui ont adopté des codes de conduite incluant l’interdiction du travail des enfants ont des approches divergentes en la matière, certaines fixant un âge minimal supérieur à celui fixé par les conventions internationales ou par les lois des pays d’accueil. Cependant, d’après l’étude de Kolk et van Tulder (2002, p. 6, nbp 7), sur 40 codes étudiés, 43 % n’incluent pas d’âge minimum et 10 % seulement mentionnent explicitement les standards internationaux 22 . Par ailleurs, les différences d’approches et les problèmes soulevés par cette norme, peuvent être résumés dans le tableau qui suit, que nous empruntons également à ces auteurs : 19 Nous excluons, ici, l’argument consistant à faire de ces mouvements des adeptes du protectionnisme ou de simples extensions des syndicats du Nord voulant plus défendre leurs emplois que de promouvoir de meilleures conditions de travail pour les pays du Sud. D’une part, l’amélioration des conditions de travail est aussi revendiquée au sein des entreprises localisées dans les pays du Nord ; d’autre part, les mouvements sociaux précités ont rarement à voir avec des mouvements purement syndicaux : il s’agit d’une véritable contestation sociale, venant des étudiants, des consommateurs, des organisations religieuses, des ONG, etc. agissant souvent contre leur propre intérêt (i.e. : des prix bas) ; cf. (Elliott et Freeman, 2001, p. 23-24). 20 Le travail des enfants est une des préoccupations majeures mises en avant par les mouvements sociaux, puisqu’il s’agit d’un des objectifs les plus susceptibles de mobiliser l’opinion publique. On voit par là-même les limites de ce type de démarche, puisque les autres droits de l’homme passent ainsi au second plan. Notons cependant que le travail des enfants concerne un ensemble de droits : le droit syndical, le droit au travail, le droit au repos, le droit à l’hygiène et à des conditions de travail saines, le droit à l’éducation, etc. Précisons enfin que le principal problème de cette focalisation sur le travail des enfants est que celui utilisé par les FTN ne concerne que 5 % du travail des enfants dans les pays du Sud ; en effet, 95 % du travail des enfants se situe dans l’agriculture et dans le secteur informel. Résoudre le problème du travail des enfants ne pourra se faire que si, aux mesures privées, s’ajoutent des mesures publiques permettant notamment le respect des droits de l’homme pour les adultes dans ces pays. Si le père de famille peut trouver un emploi avec un salaire décent, il aura moins tendance à envoyer son fils travailler à sa place, si les droits syndicaux sont respectés et effectifs (c’est-à-dire hors syndicats jaunes, par exemple), les travailleurs de ces pays pourront eux-mêmes défendre leurs droits, etc. 21 Sur les questions traitées ici, cf. (Colloque, 2000), (Draï, 1984, p. 35s), (Kolk et van Tulder, 2002), (Monshipouri, 2001, p. 49s), (Muntarbhorn, 2001), (Verna et Bertrand, 1998), (Zwahlen, 1998). 22 Il convient, à nouveau, de préciser également que seule une minorité de firmes est concernée, puisque seules celles qui risquent d’être affectées par des campagnes contre leur image de marque vont adopter un code. Par ailleurs, il y a deux cas possibles, à savoir soit la firme n’a pas d’image de marque essentielle pour réaliser ses ventes ou travaille dans un secteur peu porteur pour ce type de campagne de boycott, soit la firme a un marché qui rend très difficile la réussite d’une telle campagne : par exemple, la firme Disney n’a pas eu à tenir compte des campagnes qui lui étaient hostiles, car les parents (occidentaux) ont du mal à priver leurs enfants des jouets de cette marque. 339

mouvements sociaux qui les ont portés 19 . Nous allons étudier plus spécialement ce cas,<br />

dans le cadre <strong>de</strong> l’interdiction du travail <strong><strong>de</strong>s</strong> enfants 20 .<br />

L’OIT, à travers la Convention 138 <strong>de</strong> 1973 sur l’âge minimum et la Convention<br />

175 <strong>de</strong> 1999 sur l’élimination <strong><strong>de</strong>s</strong> pires formes du travail <strong><strong>de</strong>s</strong> enfants, a défini un travail<br />

tolérable comme celui qui ne peut blesser l’enfant, dans sa santé ou dans son<br />

développement, et qui ne cause pas <strong>de</strong> préjudice à son éducation ; l’enfant <strong>de</strong>vant être âgé<br />

d’au moins 13 ans 21 .<br />

Les firmes transnationales qui ont adopté <strong><strong>de</strong>s</strong> co<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong> conduite incluant<br />

l’interdiction du travail <strong><strong>de</strong>s</strong> enfants ont <strong><strong>de</strong>s</strong> approches divergentes en la matière, certaines<br />

fixant un âge minimal supérieur à celui fixé par les conventions internationales ou par les<br />

lois <strong><strong>de</strong>s</strong> pays d’accueil. Cependant, d’après l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> Kolk et van Tul<strong>de</strong>r (2002, p. 6, nbp<br />

7), sur 40 co<strong><strong>de</strong>s</strong> étudiés, 43 % n’incluent pas d’âge minimum et 10 % seulement<br />

mentionnent explicitement les standards internationaux 22 . Par ailleurs, les différences<br />

d’approches et les problèmes soulevés par cette norme, peuvent être résumés dans le<br />

tableau qui suit, que nous empruntons également à ces auteurs :<br />

19 Nous excluons, ici, l’argument consistant à faire <strong>de</strong> ces mouvements <strong><strong>de</strong>s</strong> a<strong>de</strong>ptes du protectionnisme ou <strong>de</strong><br />

simples extensions <strong><strong>de</strong>s</strong> syndicats du Nord voulant plus défendre leurs emplois que <strong>de</strong> promouvoir <strong>de</strong><br />

meilleures conditions <strong>de</strong> travail pour les pays du Sud. D’une part, l’amélioration <strong><strong>de</strong>s</strong> conditions <strong>de</strong> travail est<br />

aussi revendiquée au sein <strong><strong>de</strong>s</strong> entreprises localisées dans les pays du Nord ; d’autre part, les mouvements<br />

sociaux précités ont rarement à voir avec <strong><strong>de</strong>s</strong> mouvements purement syndicaux : il s’agit d’une véritable<br />

contestation sociale, venant <strong><strong>de</strong>s</strong> étudiants, <strong><strong>de</strong>s</strong> consommateurs, <strong><strong>de</strong>s</strong> organisations religieuses, <strong><strong>de</strong>s</strong> ONG, etc.<br />

agissant souvent contre leur propre intérêt (i.e. : <strong><strong>de</strong>s</strong> prix bas) ; cf. (Elliott et Freeman, 2001, p. 23-24).<br />

20 Le travail <strong><strong>de</strong>s</strong> enfants est une <strong><strong>de</strong>s</strong> préoccupations majeures mises en avant par les mouvements sociaux,<br />

puisqu’il s’agit d’un <strong><strong>de</strong>s</strong> objectifs les plus susceptibles <strong>de</strong> mobiliser l’opinion publique. On voit par là-même<br />

les limites <strong>de</strong> ce type <strong>de</strong> démarche, puisque les autres <strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme passent ainsi au second plan. Notons<br />

cependant que le travail <strong><strong>de</strong>s</strong> enfants concerne un ensemble <strong>de</strong> <strong>droits</strong> : le droit syndical, le droit au travail, le<br />

droit au repos, le droit à l’hygiène et à <strong><strong>de</strong>s</strong> conditions <strong>de</strong> travail saines, le droit à l’éducation, etc. Précisons<br />

enfin que le principal problème <strong>de</strong> cette focalisation sur le travail <strong><strong>de</strong>s</strong> enfants est que celui utilisé par les FTN<br />

ne concerne que 5 % du travail <strong><strong>de</strong>s</strong> enfants dans les pays du Sud ; en effet, 95 % du travail <strong><strong>de</strong>s</strong> enfants se<br />

situe dans l’agriculture et dans le secteur informel. Résoudre le problème du travail <strong><strong>de</strong>s</strong> enfants ne pourra se<br />

faire que si, aux mesures privées, s’ajoutent <strong><strong>de</strong>s</strong> mesures publiques permettant notamment le respect <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

<strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme pour les adultes dans ces pays. Si le père <strong>de</strong> famille peut trouver un emploi avec un salaire<br />

décent, il aura moins tendance à envoyer son fils travailler à sa place, si les <strong>droits</strong> syndicaux sont respectés et<br />

effectifs (c’est-à-dire hors syndicats jaunes, par exemple), les travailleurs <strong>de</strong> ces pays pourront eux-mêmes<br />

défendre leurs <strong>droits</strong>, etc.<br />

21 Sur les questions traitées ici, cf. (Colloque, 2000), (Draï, 1984, p. 35s), (Kolk et van Tul<strong>de</strong>r, 2002),<br />

(Monshipouri, 2001, p. 49s), (Muntarbhorn, 2001), (Verna et Bertrand, 1998), (Zwahlen, 1998).<br />

22 Il convient, à nouveau, <strong>de</strong> préciser également que seule une minorité <strong>de</strong> firmes est concernée, puisque<br />

seules celles qui risquent d’être affectées par <strong><strong>de</strong>s</strong> campagnes contre leur image <strong>de</strong> marque vont adopter un<br />

co<strong>de</strong>. Par ailleurs, il y a <strong>de</strong>ux cas possibles, à savoir soit la firme n’a pas d’image <strong>de</strong> marque essentielle pour<br />

réaliser ses ventes ou travaille dans un secteur peu porteur pour ce type <strong>de</strong> campagne <strong>de</strong> boycott, soit la firme<br />

a un marché qui rend très difficile la réussite d’une telle campagne : par exemple, la firme Disney n’a pas eu<br />

à tenir compte <strong><strong>de</strong>s</strong> campagnes qui lui étaient hostiles, car les parents (occi<strong>de</strong>ntaux) ont du mal à priver leurs<br />

enfants <strong><strong>de</strong>s</strong> jouets <strong>de</strong> cette marque.<br />

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