l'economie des droits de l'homme - creden - Université Montpellier I

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Les codes peuvent varier considérablement d’une firme à l’autre, à la fois quant aux principes et à leur domaine d’application (jusqu’à quel degré de la chaîne de production ?...), quant à leur précision et à leurs moyens de contrôle (internes à l’entreprise, externes, non évoqués, etc.). Outre les codes de conduite, concernant le respect des normes internationales en matière de droit du travail, les firmes ont développé des codes d’éthique. Ceux-ci ne sont pas nécessairement similaires aux précédents, en ce qu’ils concernent plus spécifiquement le comportement des salariés au sein de l’entreprise « mère ». Il s’agit de codes qui précisent les valeurs qui doivent régir la vie au sein de l’entreprise : principe d’honnêteté, de respect d’autrui (autres salariés, consommateurs, etc.), de non-discrimination, de règles contre le harcèlement, etc. En ce sens, ces codes rejoignent les principes généraux des codes de conduite, mais ils sont moins susceptibles de faire appel aux droits de l’homme, puisqu’ils mettent davantage en avant « la culture d’entreprise ». B. Les processus de mise en place des codes : création de normes ? La mise en place de codes de conduite n’est pas « tombée du ciel » ; elle relève pour partie de mouvements sociaux qui se sont efforcés de discréditer certaines firmes à cause de leurs pratiques non conformes aux droits de l’homme, afin de les forcer à changer (1). Cela a conduit les firmes à prendre en compte les droits de l’homme et l’éthique dans leur politique, notamment en matière de « marketing » (2). S’il y a ainsi quelques évolutions positives, grâce à certains mouvements sociaux vigilants, il reste que le danger de récupération mercantile des droits de l’homme et de l’éthique soulève quelques critiques générales (3). 1. Le rôle des mouvements sociaux. Les mouvements sociaux, c’est-à-dire l’opinion publique conduite par certaines ONG, ont contribué à l’instauration de codes de conduite au sein des entreprises afin, pour ces dernières, de préserver leur image de marque et leur clientèle. Il y a alors deux façons de procéder, l’une sensiblement hors du paradigme et l’autre au sein de celui-ci. La première méthode consiste à dénoncer une firme transnationale pour ses pratiques et à faire en sorte que les consommateurs se préoccupent des conditions de travail ainsi dénoncées. C’est pourquoi l’accent a notamment été mis sur le travail des enfants, qui 332

a un écho particulier chez les consommateurs. Si, au bout du compte, c’est l’appui des consommateurs et les mécanismes du marché qui sont utilisés pour atteindre les objectifs visés, les mouvements de contestation se situent toutefois hors paradigme. D’une part, ils ne reposent pas sur des processus institutionnalisés (il peut s’agir, par exemple, de mouvements de lycéens) ; d’autre part, ils se substituent à l’Etat et s’opposent de front aux entreprises en prônant un double changement, dans le mode de consommation et dans le mode de production 10 . Le deuxième type d’action repose sur le partenariat entre les ONG, les entreprises et les citoyens, afin de promouvoir des productions plus respectueuses des travailleurs ou de l’environnement. Ce dernier domaine relève en effet davantage de ce type d’action de partenariat 11 . Nous remarquerons, par ailleurs, que les actions moins spécifiques, comme les rapports d’Amnesty International, n’ont qu’un impact limité sur les firmes. C’est-à-dire que, en restant dans les anciens découpages où l’Etat est au centre des responsabilités en matière de droits de l’homme, ce type d’action ne pénalise pas les entreprises qui sont installées dans les pays qui violent les droits de l’homme 12 . 2. L’intérêt des firmes. Les firmes ont plusieurs raisons d’adhérer à des chartes d’éthique, de créer des codes d’éthique ou des codes de conduite. Logiquement toutefois, si l’on maintient la logique du taux de profit à court terme comme seule valeur de l’entreprise, alors de tels engagements sont incohérents. D’où l’importance des prises de conscience collectives et de l’intervention des ONG, remplaçant les Etats dans leur devoir de faire respecter les conventions internationales. 10 Sur ces mouvements, voir en particulier (Elliott et Freeman, 2001). 11 Sur ce type d’action, cf. (Kong, Salzmann, Steger et Ionescu-Somers, 2002). 12 Beaucoup d’entreprises ont ainsi commercé en Afrique du Sud ou au Chili sous la dictature, sans avoir à subir de sanctions. Nous signalons ce point également pour indiquer l’existence d’une étude économétrique menée par des économistes et qui porte explicitement sur l’impact du respect des droits de l’homme sur les firmes, (Dag, Eije et Pennink, 1998). Cette étude montre que les déclarations de presse d’Amnesty International défavorables à l’Indonésie, n’ont en rien affecté les cours des actions des compagnies y ayant des activités. En fait, cette étude a de nombreuses limites, signalées par ailleurs par ses auteurs, à une exception près : ils restent eux aussi sur la centralité de l’Etat. En l’occurrence, les entreprises elles-mêmes ne violent-elles pas les droits de l’homme dans ce pays ? Et si oui, si c’est cela qui était dénoncé, n’y aurait-il pas un impact sur leurs profits ? De fait, les mouvements précédemment évoqués, en considérant les firmes comme les responsables de la violation des droits et comme devant donc en répondre, se situent bien hors paradigme et appellent un changement réel du comportement des firmes, que l’on peut difficilement obtenir en accusant uniquement les Etats. 333

a un écho particulier chez les consommateurs. Si, au bout du compte, c’est l’appui <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

consommateurs et les mécanismes du marché qui sont utilisés pour atteindre les objectifs<br />

visés, les mouvements <strong>de</strong> contestation se situent toutefois hors paradigme. D’une part, ils<br />

ne reposent pas sur <strong><strong>de</strong>s</strong> processus institutionnalisés (il peut s’agir, par exemple, <strong>de</strong><br />

mouvements <strong>de</strong> lycéens) ; d’autre part, ils se substituent à l’Etat et s’opposent <strong>de</strong> front aux<br />

entreprises en prônant un double changement, dans le mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> consommation et dans le<br />

mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> production 10 .<br />

Le <strong>de</strong>uxième type d’action repose sur le partenariat entre les ONG, les entreprises<br />

et les citoyens, afin <strong>de</strong> promouvoir <strong><strong>de</strong>s</strong> productions plus respectueuses <strong><strong>de</strong>s</strong> travailleurs ou<br />

<strong>de</strong> l’environnement. Ce <strong>de</strong>rnier domaine relève en effet davantage <strong>de</strong> ce type d’action <strong>de</strong><br />

partenariat 11 .<br />

Nous remarquerons, par ailleurs, que les actions moins spécifiques, comme les<br />

rapports d’Amnesty International, n’ont qu’un impact limité sur les firmes. C’est-à-dire<br />

que, en restant dans les anciens découpages où l’Etat est au centre <strong><strong>de</strong>s</strong> responsabilités en<br />

matière <strong>de</strong> <strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme, ce type d’action ne pénalise pas les entreprises qui sont<br />

installées dans les pays qui violent les <strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme 12 .<br />

2. L’intérêt <strong><strong>de</strong>s</strong> firmes.<br />

Les firmes ont plusieurs raisons d’adhérer à <strong><strong>de</strong>s</strong> chartes d’éthique, <strong>de</strong> créer <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

co<strong><strong>de</strong>s</strong> d’éthique ou <strong><strong>de</strong>s</strong> co<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong> conduite. Logiquement toutefois, si l’on maintient la<br />

logique du taux <strong>de</strong> profit à court terme comme seule valeur <strong>de</strong> l’entreprise, alors <strong>de</strong> tels<br />

engagements sont incohérents. D’où l’importance <strong><strong>de</strong>s</strong> prises <strong>de</strong> conscience collectives et <strong>de</strong><br />

l’intervention <strong><strong>de</strong>s</strong> ONG, remplaçant les Etats dans leur <strong>de</strong>voir <strong>de</strong> faire respecter les<br />

conventions internationales.<br />

10 Sur ces mouvements, voir en particulier (Elliott et Freeman, 2001).<br />

11 Sur ce type d’action, cf. (Kong, Salzmann, Steger et Ionescu-Somers, 2002).<br />

12 Beaucoup d’entreprises ont ainsi commercé en Afrique du Sud ou au Chili sous la dictature, sans avoir à<br />

subir <strong>de</strong> sanctions. Nous signalons ce point également pour indiquer l’existence d’une étu<strong>de</strong> économétrique<br />

menée par <strong><strong>de</strong>s</strong> économistes et qui porte explicitement sur l’impact du respect <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme sur les<br />

firmes, (Dag, Eije et Pennink, 1998). Cette étu<strong>de</strong> montre que les déclarations <strong>de</strong> presse d’Amnesty<br />

International défavorables à l’Indonésie, n’ont en rien affecté les cours <strong><strong>de</strong>s</strong> actions <strong><strong>de</strong>s</strong> compagnies y ayant<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> activités. En fait, cette étu<strong>de</strong> a <strong>de</strong> nombreuses limites, signalées par ailleurs par ses auteurs, à une<br />

exception près : ils restent eux aussi sur la centralité <strong>de</strong> l’Etat. En l’occurrence, les entreprises elles-mêmes<br />

ne violent-elles pas les <strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme dans ce pays ? Et si oui, si c’est cela qui était dénoncé, n’y aurait-il<br />

pas un impact sur leurs profits ? De fait, les mouvements précé<strong>de</strong>mment évoqués, en considérant les firmes<br />

comme les responsables <strong>de</strong> la violation <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>droits</strong> et comme <strong>de</strong>vant donc en répondre, se situent bien hors<br />

paradigme et appellent un changement réel du comportement <strong><strong>de</strong>s</strong> firmes, que l’on peut difficilement obtenir<br />

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