l'economie des droits de l'homme - creden - Université Montpellier I

particulier à toutes les macro-unités (entreprises comme Etats et institutions
internationales). Dès lors, l’objectif « normatif » des normes doit être précisé, il doit être
porteur d’un projet de régulation des interrelations entre les sphères.
b. La nécessité d’un « au-delà ».
Si les normes juridiques se basent sur les normes sociales en vigueur, force est de
constater que cela peut provoquer des blocages susceptibles de provoquer une crise
systémique. Comme le note Jon Elster (1995), les normes sont des contraintes à la
poursuite des fins de l’agent et, n’étant pas « sensibles aux effets de l’action qu’elles
commandent », elles peuvent provoquer des actions irrationnelles, nuisibles pour l’agent.
C’est le cas, par exemple, des normes juridiques qui limitent le droit de se marier
librement, qui peuvent provoquer des décisions contraires des agents, ébranlant l’ensemble
du système normatif. Mais cela peut aussi avoir des effets irrationnels sur le plan
individuel, qui conduisent à des effets irrationnels sur le plan collectif : la discrimination
raciale a entraîné une sous-formation de la main-d’œuvre noire, qui a conduit au blocage
des compétences humaines et a figé le système, le fragilisant face aux perturbations
externes.
La norme juridique n’est donc pas le « tout » des normes ; elle n’est pas suffisante
en soi, ce qui implique à la fois de la mettre vraiment en œuvre et de la « seconder » par les
luttes sociales capables de modifier les normes comportementales. En outre, l’objectif des
normes juridiques devant être de prescrire ce qui est Bien et d’avoir donc une vision de
l’avenir 28 , elles ne peuvent se contenter de légitimer l’organisation établie de la régulation
systémique. La formation des normes, qui passe par les luttes sociales autant que par la
reconnaissance juridique, doit conduire à des principes qui préservent un ensemble de
points de repères immuables (les droits fondamentaux, la dignité, la liberté), tout en
évoluant en permanence afin de s’adapter au mieux aux réalités présentes, de façon à ce
que ces points de repères y soient toujours respectés 29 .
28 La norme que doit fixer le législateur doit permettre de définir, parmi les mondes possibles, ceux qui sont
acceptables, c’est-à-dire les mondes « bons » ; cf., notamment, (Petit, 1995). Voir aussi Udombana (2000,
p.779) : « la loi, comme le voyageur, doit être prête pour le lendemain ».
29 Ainsi, par exemple, du principe du « juste prix », qui est devenu celui du « salaire équitable ».
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