l'economie des droits de l'homme - creden - Université Montpellier I

aisonnant à court terme, sur une échelle micro-économique, et selon les schémas de
l’ancienne régulation, ne voient ces normes que comme des coûts supplémentaires qui
réduisent le taux de profit. D’où l’action nécessaire et renouvelée des mouvements
écologiques institutionnalisés pour maintenir les acquis obtenus précédemment contre les
retours en arrière impulsés par les mouvements « réactionnaires ».
La deuxième question est alors de savoir si les mouvements sociaux, une fois leurs
objectifs et eux-mêmes institutionnalisés, peuvent être des acteurs de la prolongation des
droits de l’homme ? Aujourd’hui, le protocole de Kyoto, visant la réduction des émissions
de gaz à effet de serre, a été rejeté par les Américains, au profit de leur lobby industriel.
Les mouvements institutionnalisés peuvent d’autant moins s’opposer sur ce point au lobby
adverse que, d’une part, le protocole de Kyoto prévoit un système de marché de droits à
polluer, c’est-à-dire qu’il s’inscrit dans le mode de régulation et non contre lui ; d’autre
part, il n’y a pas de « catastrophe » visible susceptible de mobiliser les Américains sur ce
terrain. Autrement dit, si le droit à un environnement sain et équilibré appelle, pour être
garanti, la mise en œuvre de nouvelles mesures à cause des agressions du mode de
régulation capitaliste, d’une part il est assez difficile d’envisager défendre une mesure en
accord avec ce mode de régulation si les industriels s’y opposent, alors même que du point
de vue de la sphère écologique, il reste peu probable que ce système soit optimal 78 ; d’autre
part, les mouvements institutionnalisés, qui défendent les acquis et s’inscrivent dans le
paradigme dominant, seront dans l’impossibilité, à la fois de financer et d’exprimer un
point de vue extérieur à ce paradigme. D’où la nécessité de nouveaux mouvements pour
faire progresser les droits de l’homme avec, toutefois, un danger : la naissance de
mouvements extrémistes, comme la « deep ecology » 79 , qui vont à l’encontre à la fois de la
régulation économique et des droits de l’homme. A notre avis, l’analyse économique des
droits de l’homme doit donner des clefs contre ces dangers. En indiquant comment
l’environnement peut être protégé en harmonie avec une régulation économique équilibrée,
cette analyse doit permettre de garantir la sauvegarde de l’environnement en parallèle à
celle du « bien-être matériel ». L’analyse régulationniste, de ce point de vue, présente
toutefois un risque. En effet, en indiquant que les mesures favorables aux droits de
78 Cf., par exemple, (Gleizes et Moulier-Boutang, 2000) et (Maréchal, 1999).
79 La « deep ecology » (l’écologie « profonde ») considère qu’il faut ramener la nature à son état initial et
entend imposer les normes écologiques comme normes sociales. Du point de vue des droits sociaux, les
mouvements anarchistes terroristes présentaient le même genre de dangers (que l’on relise, par exemple, le
Germinal de Zola, où l’on voit un anarchiste faire exploser la mine alors même que des mineurs y
travaillent...).
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