l'economie des droits de l'homme - creden - Université Montpellier I

. L’éducation et la formation des hommes.
De fait, le même schéma que précédemment se retrouve en ce qui concerne
l’éducation 60 . Au cours du XIXe siècle, à mesure que l’industrialisation se développe, les
besoins de main-d’œuvre formée se font jour, bien que de façon limitée car contradictoire.
En effet, d’un côté l’industrie a besoin de travail abondant et peu cher, comme le travail
des enfants, l’école étant alors un facteur de réduction de la main-d’œuvre disponible et
donc d’accroissement de la masse salariale (du coût du travail) 61 . Alors que, d’un autre
côté, l’industrie a également besoin d’une main-d’œuvre sachant lire, écrire et compter, et
pouvant grâce à cela s’adapter plus facilement aux nouvelles conditions de production 62 .
C’est dans ce cadre que se développent des initiatives privées d’enseignement, qui
viennent notamment des entrepreneurs, comme Schneider qui crée, en 1837, les écoles du
Creusot pour les enfants de ses employés, formant ouvriers, contremaîtres et ingénieurs, cf.
(Chevallier, 1988, p. 305) 63 . Il y a ainsi une reconnaissance privée du droit à l’éducation et
à la formation professionnelle, mais une reconnaissance implicite et incomplète qui n’a pas
pour objectif la dignité humaine, mais bien la gestion de la main-d’œuvre au service du
capital. En outre, cette reconnaissance est d’autant plus incomplète qu’elle reste limitée à
quelques grandes entreprises ou associations, alors même que certains milieux, notamment
celui des « notables campagnards » (Chevallier, 1988, p. 308), sont hostiles à l’éducation
des masses. Par ailleurs, l’exode rural et le développement des villes créent une demande
croissante d’éducation et de formation professionnelle. Les pouvoirs publics, bien que
dominés par la bourgeoisie, sont conduits à donner des réponses à ces besoins.
De fait, la croissance des interventions de l’Etat en matière d’éducation, autant sur
le plan législatif que du point de vue des dépenses engagées, suit une tendance forte et
vient répondre à l’augmentation de la demande, c’est-à-dire à l’augmentation du nombre
60 Nous laissons ici de côté ce qui est bien connu par ailleurs, les aspects sociaux et politiques (connaissances
minimales pour participer à la démocratie, endoctrinement, reproduction de classes, etc.) et les aspects
religieux (laïcité, débat école privée/publique, etc.), pour nous concentrer sur les aspects économiques ; pour
un récapitulatif de ces trois aspects, cf. (Chevallier, 1988) et (Delorme et André, 1983, p. 555s). Sur
l’importance du droit à l’éducation comme droit de l’homme, on peut se reporter, entre autres, au recueil de
textes réunis par Friboulet, Liechti et Meyer-Bisch (2000).
61 Une thèse, que nous ne développerons pas ici, mais qui a sa pertinence, considère que les lois concernant la
scolarisation obligatoire, notamment les lois Ferry, surviennent pendant des périodes de crise et de chômage,
et ont donc pour rôle économique de réduire ce dernier.
62 Par exemple, lire les règlements intérieurs des entreprises qui régissent la discipline nécessaire à la
production.
63 Outre la formation, on peut voir là aussi un moyen de fixation de la main-d’œuvre ; c’est du moins une
hypothèse vraisemblable, si l’on étend la thèse de Moulier-Boutang (1998), que nous suivons généralement.
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