l'economie des droits de l'homme - creden - Université Montpellier I

inspiratrices des droits de l’homme, et des réflexions pré-économiques loin d’être sans
intérêt.
La première voie est celle empruntée par Thomas d’Aquin (1235-1274), à propos
de la propriété. D’après sa doctrine, les hommes ont un droit naturel sur les produits de la
terre, droit qui appartient en fait à la communauté des hommes. Pris séparément, l’homme
n’a le droit qu’à l’usage de ces produits ; mais pour que cet usage soit paisible et
harmonieux, il est préférable que chacun possède ce dont il use. Ainsi, le vol est un péché,
mais il cesse de l’être dans le cas d’extrême nécessité. En outre, chaque propriétaire a un
devoir de responsabilité à l’égard de la préservation de la propriété et de son usage. Nous
voyons ici une base du droit de propriété qui correspond à une définition de ce droit en tant
que droit de l’homme ; en outre, est définie la propriété commune de la terre qui se
retrouvera dans les écrits de Thomas Paine (1792) et de Léon Walras. Ainsi, un droit de
propriété envisagé comme un devoir et indissociable d’autres « droits naturels » dont le
droit à la vie, ne peut qu’être en accord avec une réflexion économique sur les droits de
l’homme.
La seconde voie 6 est bien sûr celle des auteurs des Lumières, avec notamment
l’Encyclopédie à laquelle participent les physiocrates. Diderot (1713-1784), quant à lui,
instigateur de cet ouvrage majeur, écrit dans son article « Homme » :
« Mais ce n’est pas assez que d’avoir des hommes, il faut les avoir industrieux et
robustes. On aura des hommes robustes, s’ils ont de bonnes mœurs et si l’aisance
est facile à acquérir et à conserver. » « On aura des hommes industrieux s’ils
sont libres. »
Il y a là des liens étroits qui se tissent entre liberté, travail, richesse et santé. Par ailleurs,
nous suivons Joseph Schumpeter (1954, I) qui montre le lien entre le droit naturel des
scolastiques et les droits de l’homme. Selon lui, c’est le caractère spéculatif de ces droits,
procédant du droit naturel, qui en a éloigné les économistes. Ainsi, si tout au long des
XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, s’est construite une réflexion autour du droit naturel, puis
de l’utilité, prônant le droit du travailleur au produit de son travail, ainsi que les libertés
civiles et politiques, inspirant les premiers économistes, le XIXe et le XXe siècles ont vu
6 Les principaux noms de ce courant, de diverses origines, sont La Boétie, Hugo de Groot dit Grotius (1583-
1645), Thomas Hobbes (1588-1679), John Locke (1632-1704), les philosophes français, dont Jean-Jacques
Rousseau (1712-1778). Sur ce dernier, voir (Jedryka, 1974). Le premier volume de la trilogie de Schumpeter
est particulièrement intéressant sur les auteurs scolastiques et nous nous permettons d’y faire renvoi. On peut
également voir des ouvrages généraux comme Strauss (1954) et Touchard (1958), ainsi que Beaud (2000).
En outre, le courant plus spécifique du droit naturel se retrouve chez les physiocrates sur lesquels nous allons
insister plus loin.
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