l'economie des droits de l'homme - creden - Université Montpellier I

l'economie des droits de l'homme - creden - Université Montpellier I l'economie des droits de l'homme - creden - Université Montpellier I

creden.univ.montp1.fr
from creden.univ.montp1.fr More from this publisher
02.10.2014 Views

de régulation, alors que les mouvements de chômeurs qui se développent actuellement sont hors paradigme ; la défense de la sécurité sociale se décompose alors entre ceux qui veulent conserver le statu quo pour éviter un retour en arrière et ceux qui, conscients du danger de ce retour en arrière, n’en veulent pas moins pousser des réformes qui vont de l’avant 46 ; les mouvements écologiques se décomposent également entre ces deux types de luttes 47 . Ces deux derniers exemples illustrent la logique d’ensemble de la régulation capitaliste : dans les deux cas, il y a promotion, par des mouvements révolutionnaires, de droits de l’homme (sécurité sociale, environnement sain, etc.) susceptibles d’accroître la demande et d’être des contre-tendances à la baisse du taux de profit à long terme 48 ; ces mouvements sont institutionnalisés afin d’accomplir leurs revendications dans le cadre des institutions existantes ou créées à cette occasion ; puis, ces droits sont attaqués pour des raisons de court terme, les mouvements institutionnalisés les défendant alors au sein du mode de régulation en vigueur ; des mouvements hors paradigme apparaissent pour revendiquer des mesures allant plus loin pour la défense des droits, susceptibles de forcer ou d’appuyer le changement du mode de régulation. Deux points restent toutefois en suspens. Tout d’abord, la question de la temporalité de la reconnaissance des droits qui soulève l’importance de la crise pour cette reconnaissance, alors même que depuis la fin de la seconde guerre mondiale, c’est plutôt l’existence d’une croissance forte qui a permis l’extension des droits sociaux ; nous verrons ce que cela implique dans notre point B, ci-après. Ensuite, la question de l’inéluctabilité de l’approfondissement conjoint du capitalisme et des droits de l’homme peut être soulevée ; dans le point qui suit, nous indiquons que d’autres formes de contretendances peuvent prendre place au sein du capitalisme, à travers l’exemple particulier des Etats fascistes des années 1930-1940. 46 Par exemple, en réformant la sécurité sociale pour la faire aller vers une individualisation des droits (dans le cas français). 47 Cf. (Coglianese, 2001). Cet auteur montre comment, dans les années 1960-70 aux Etats-Unis, les mouvements écologistes ont pris une importance majeure et ont provoqué la mise en place de lois et règlements environnementaux. Cependant, ces mouvements se sont institutionnalisés, ce qui leur permet, certes, de défendre les acquis obtenus contre les attaques des lobbies industriels, mais ce qui les empêche de promouvoir des mesures nouvelles et plus ambitieuses ; cf. infra. 48 La mise en place des droits implique des coûts à court terme qui amputent le taux de profit ; mais cette amputation peut être envisagée comme un investissement pour des profits futurs plus élevés. 268

. Le cas particulier des régimes fascistes : une autre réponse à la crise ? Nous avons déjà eu l’occasion de noter que l’arrivée au pouvoir des régimes fascistes en Europe avait des raisons économiques (cf. notre chapitre II et Kalecki, 1943). Mais nous n’avons pas détaillé le fonctionnement de ces régimes. Or, il s’agit bien d’une alternative à la crise, parallèle et en opposition avec l’autre alternative, celle du « New Deal ». Il nous semble donc important de regarder de plus près cette réponse à la crise, sa logique économique et sa logique en matière de droits de l’homme. Pour ce faire, nous nous basons sur l’étude d’Alda Del Forno (1980). * Le cas italien. De 1922 à 1926, le régime fasciste ne modifie en rien l’économie libérale puisque ce sont les industriels et les libéraux eux-mêmes qui ont favorisé l’arrivée au pouvoir de Mussolini ; le gouvernement, mélangeant fascistes et libéraux, démantèle l'appareil dirigiste instauré à l’occasion de la guerre et favorise l’équilibre budgétaire. A partir de 1926, des mesures plus dirigistes seront prises, afin de défendre une monnaie forte, de réduire les importations et d’accroître la production de matières premières. La crise de 1929 accentue cette politique. En outre, et parallèlement aux mesures économiques générales, des mesures sont prises afin de soumettre davantage le travail au capital. Les organisations syndicales sont dissoutes, la démocratie n’existe plus, les journaux et les partis d’opposition sont interdits, et les passeports sont supprimés. * Le cas allemand. Suite à la crise de 1929, le parti nazi arrive au pouvoir en Allemagne, Adolf Hitler étant nommé chancelier en janvier 1933. Le 27 février 1933, après l’incendie du Reichstag, les libertés fondamentales sont suspendues. Mais ce sont d’abord les mesures économiques qui nous intéressent. Les cartels et la concentration sont privilégiés avec l’ascendance des grands groupes mettant fin à la concurrence, les salaires sont bloqués, les syndicats sont interdits, une loi de 1938 interdit aux travailleurs de changer d’emploi sans autorisation, mais l’office de placement peut déplacer autoritairement les travailleurs en vue d’améliorer 269

<strong>de</strong> régulation, alors que les mouvements <strong>de</strong> chômeurs qui se développent actuellement sont<br />

hors paradigme ; la défense <strong>de</strong> la sécurité sociale se décompose alors entre ceux qui<br />

veulent conserver le statu quo pour éviter un retour en arrière et ceux qui, conscients du<br />

danger <strong>de</strong> ce retour en arrière, n’en veulent pas moins pousser <strong><strong>de</strong>s</strong> réformes qui vont <strong>de</strong><br />

l’avant 46 ; les mouvements écologiques se décomposent également entre ces <strong>de</strong>ux types <strong>de</strong><br />

luttes 47 . Ces <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>rniers exemples illustrent la logique d’ensemble <strong>de</strong> la régulation<br />

capitaliste : dans les <strong>de</strong>ux cas, il y a promotion, par <strong><strong>de</strong>s</strong> mouvements révolutionnaires, <strong>de</strong><br />

<strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme (sécurité sociale, environnement sain, etc.) susceptibles d’accroître la<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong> et d’être <strong><strong>de</strong>s</strong> contre-tendances à la baisse du taux <strong>de</strong> profit à long terme 48 ; ces<br />

mouvements sont institutionnalisés afin d’accomplir leurs revendications dans le cadre <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

institutions existantes ou créées à cette occasion ; puis, ces <strong>droits</strong> sont attaqués pour <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

raisons <strong>de</strong> court terme, les mouvements institutionnalisés les défendant alors au sein du<br />

mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> régulation en vigueur ; <strong><strong>de</strong>s</strong> mouvements hors paradigme apparaissent pour<br />

revendiquer <strong><strong>de</strong>s</strong> mesures allant plus loin pour la défense <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>droits</strong>, susceptibles <strong>de</strong> forcer<br />

ou d’appuyer le changement du mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> régulation.<br />

Deux points restent toutefois en suspens. Tout d’abord, la question <strong>de</strong> la temporalité<br />

<strong>de</strong> la reconnaissance <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>droits</strong> qui soulève l’importance <strong>de</strong> la crise pour cette<br />

reconnaissance, alors même que <strong>de</strong>puis la fin <strong>de</strong> la secon<strong>de</strong> guerre mondiale, c’est plutôt<br />

l’existence d’une croissance forte qui a permis l’extension <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>droits</strong> sociaux ; nous<br />

verrons ce que cela implique dans notre point B, ci-après. Ensuite, la question <strong>de</strong><br />

l’inéluctabilité <strong>de</strong> l’approfondissement conjoint du capitalisme et <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme<br />

peut être soulevée ; dans le point qui suit, nous indiquons que d’autres formes <strong>de</strong> contretendances<br />

peuvent prendre place au sein du capitalisme, à travers l’exemple particulier <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

Etats fascistes <strong><strong>de</strong>s</strong> années 1930-1940.<br />

46 Par exemple, en réformant la sécurité sociale pour la faire aller vers une individualisation <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>droits</strong> (dans<br />

le cas français).<br />

47 Cf. (Coglianese, 2001). Cet auteur montre comment, dans les années 1960-70 aux Etats-Unis, les<br />

mouvements écologistes ont pris une importance majeure et ont provoqué la mise en place <strong>de</strong> lois et<br />

règlements environnementaux. Cependant, ces mouvements se sont institutionnalisés, ce qui leur permet,<br />

certes, <strong>de</strong> défendre les acquis obtenus contre les attaques <strong><strong>de</strong>s</strong> lobbies industriels, mais ce qui les empêche <strong>de</strong><br />

promouvoir <strong><strong>de</strong>s</strong> mesures nouvelles et plus ambitieuses ; cf. infra.<br />

48 La mise en place <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>droits</strong> implique <strong><strong>de</strong>s</strong> coûts à court terme qui amputent le taux <strong>de</strong> profit ; mais cette<br />

amputation peut être envisagée comme un investissement pour <strong><strong>de</strong>s</strong> profits futurs plus élevés.<br />

268

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!