l'economie des droits de l'homme - creden - Université Montpellier I

souvent lié à la situation économique d’ensemble, que ce soit, par exemple, les
condamnations pénales très sévères du vagabondage 45 ou l’édit de Villers-Cotterêts
interdisant les coalitions ouvrières en 1539.
A partir de la fin du XVIIIe siècle, la reconnaissance des droits change de nature en
devenant plus directe. Les luttes elles-mêmes se situent davantage hors du paradigme
dominant. La Révolution française, plus que toute autre, illustre ce double fait : elle est,
malgré le rôle de la bourgeoisie, une révolution sociale qui s’appuie sur le peuple, voulant
la reconnaissance des droits de tous les hommes, y compris le « droit du pain ». En outre, il
est clair à présent que le capitalisme se développait assez bien sous l’Ancien Régime, tout
comme l’industrialisation. La Révolution française, en soi, est bien plus que la mise en
place de nouvelles structures pour le capitalisme. Elle s’inscrit, dès le début, dans un
changement de paradigme, vers une rationalisation qui inclut la revendication des droits
sociaux par le biais du Comité de Salut Public. Elle survient, par ailleurs, à une période de
crise conjoncturelle, ce qui laisse penser que le facteur économique factuel a certes joué un
rôle, mais relativement mineur ; c’est l’accumulation de la pauvreté et la montée de la
précarité de l’emploi qui sont des facteurs économiques structurels davantage susceptibles
d’avoir contribué à l’explosion de la Révolution. De même, la reconnaissance du « droit à
la vie » en tant que tel, par la loi de Speenhamland, marque le passage d’un mode de
régulation à un autre ; elle n’est pas nécessairement liée à des facteurs conjoncturels, mais
bien plutôt à des facteurs structurels, tels que la montée du vagabondage et le besoin de
main-d’œuvre dans l’agriculture. Mais dans les deux cas, les droits sociaux sont
rapidement remis en cause et abandonnés. Il y a là un retour en arrière qui ne nous semble
pas conforme à la logique de base des contre-tendances à la baisse du taux de profit, qui
devraient s’accumuler dans le temps. Mais n’est-ce pas tout simplement que les objectifs
économiques sous-tendus par ces mesures, n’ont plus besoin de tels droits pour être
atteints ? La prospérité de l’agriculture britannique n’a ainsi pas eu à souffrir du manque de
main-d’œuvre au cours du XIXe siècle, mais avait comme autre priorité le maintien du
protectionnisme agricole.
Durant le XIXe siècle, il est ainsi possible d’observer un mouvement de balancier,
oscillant entre le déni de droits précédemment reconnus et l’acceptation de droits
jusqu’alors niés. Le déni de droits relève souvent, contrairement aux périodes antérieures,
de raisons politiques plus qu’économiques, même si les deux sont intimement liées. C’est,
45 Cf., entre autres, (Bois, 2000), (Marx, 1867a) et (Moulier-Boutang, 1998).
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