l'economie des droits de l'homme - creden - Université Montpellier I

chacun selon son travail », abondamment utilisée par les libéraux, y compris les
économistes marginalistes ; mais ils ne développent finalement pas une vision si
annonciatrice des droits de l’homme, puisque s’il existe certaines esquisses de droits,
notamment à travers la démocratie athénienne, le droit à l’autodétermination reste
relativement restreint, chacun devant occuper la place que lui prescrit la société. Dans le
fond, et pour pousser la comparaison anachronique un peu plus loin, il est déjà possible d’y
lire certains défauts – vis-à-vis des droits de l’homme – des équilibres néo-classiques. Par
exemple, dans l’équilibre général l’existence de l’individu ne dépend que de son
« mérite », appelé « panier de départ » ; tout le reste est réglé par la société en une fois lors
de l’échange. Durant ce dernier, aucun individu n’a d’influence sur les prix, tout comme le
travailleur grec n’a d’influence sur les décisions de la Cité et tout comme le gardien de
Platon ne peut vivre autrement que pour la Cité.
B. Les scolastiques et les Lumières.
Au contraire des philosophes grecs, dont on peut considérer qu’ils font passer l’être
humain après la société, la pensée chrétienne et les penseurs scolastiques du Moyen-Age et
de la Renaissance affirment la valeur infinie de l’être humain. C’est toutefois en se
détachant de la religion chrétienne que certains penseurs vont développer en parallèle une
pensée économique et une pensée des droits, à travers la doctrine du droit naturel 4 .
Que nous apprend, par rapport à l’économie et aux droits de l’homme, la pensée
chrétienne et scolastique ? Si nous nous contentons d’examiner les points saillants, la
première remarque d’importance concerne l’affirmation de l’unité du genre humain et de la
valeur intrinsèque de chaque être humain. Et si saint Paul a pu dire « que celui qui ne
travaille pas ne mange pas », il n’empêche que vivre en communauté de biens, comme les
premiers chrétiens, est également une démarche acceptable. Cette démarche, qui
correspond à plusieurs égards à une pensée pré-communiste 5 , va se diversifier en un
ensemble de réflexions tendant à protéger les droits naturels de chaque être humain. Deux
voies nous intéressent plus particulièrement ici, car elles contiennent à la fois des pensées
4 Pour cette partie, notre référence principale est à nouveau (Denis, 1966), ainsi que (Schumpeter, 1954, I).
5 Par la communauté des biens certes, mais rappelons également que la Constitution de l’Union soviétique
reprenait mot à mot la Parole de Saint Paul : « qui ne travaille pas ne mange pas ». De même, une certaine
communauté d’esprit se retrouve dans les écrits d’un Thomas More (1478-1535), par exemple, qui écrit
l’Utopie en 1516 et sera canonisé par la suite (voir en particulier, Denis, 1966, p. 120s).
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