l'economie des droits de l'homme - creden - Université Montpellier I
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− La période révolutionnaire. Durant ce temps, en France, la Révolution éclate, puis l’empire vient 31 . Du point de vue des droits de l’homme comme du point de vue de l’économie, ces événements ont eu des conséquences relativement importantes, positives et pour le monde en ce qui concerne les premiers, plutôt négatives et pour la France en ce qui concerne la seconde. Ainsi, selon l’idée couramment retenue, « les seuls gains de la France, moins tangibles et plus éphémères que ceux de la richesse matérielle ou de l’avance technique, relèvent, comme il se doit, du panache : (...) celui d’avoir ouvert la voie, pour le monde entier, (...), à la démocratie et aux droits de l’homme » (Brasseul, 1997, p. 287). En général, la Révolution française est ainsi vue, sur le plan économique, comme un handicap à court et moyen terme qui a retardé profondément le développement industriel de la France ; mais, à plus long terme, elle aurait permis l’instauration, notamment sous Napoléon Ier, des institutions favorables au capitalisme (l’ensemble des Codes, la Banque de France, etc.). En fait, le moment révolutionnaire est, nous semble-t-il, le passage en France du mode de régulation féodal au mode de régulation rationaliste. Autrement dit, avant la Révolution, les lois et règlements étaient liés au bon vouloir des souverains ; après la Révolution, ils seront édictés de façon « rationnelle », reposant sur des compromis entre libéraux idéalistes et conservateurs ancrés dans le monde industriel, souvent d’ailleurs en alliance contre le monde ouvrier. Ainsi, écrit Michel Beaud (2000, p. 95), les principales aspirations de la bourgeoisie montante sont réalisées par la Révolution : l’abolition des privilèges, le démantèlement des corporations, l’abolition des monopoles des grandes compagnies. A cela, nous pouvons ajouter l’abandon rapide des mesures sociales de la Révolution ; celles réclamées, déjà, dans les cahiers de doléances (Courvoisier, 1988) : prestations positives en matière de santé, d’instruction et de secours aux pauvres. C’est le Comité de Salut Public, c’est Condorcet, Robespierre, La Rochefoucauld-Liancourt, qui défendent le droit à la subsistance contre la charité ; ce sont les lois cadres votées par la Convention en 1793 et 1794, organisant l’aide aux pauvres, les allocations familiales, la protection des enfants abandonnés et des femmes enceintes, les allocations vieillesses ; c’est la création de l’Ecole des Arts et métiers par La Rochefoucauld qui comprend le lien entre éducation et industrie et entre ceux-ci et la 31 Cf., notamment, (Brasseul, 1997), (Chianéa, 1988), (Le Bas, 1984), (Revue économique, 1989), (Servet, 1989) ; voir aussi, pour l’approche marxiste traditionnelle, Dobb et Sweezy (1977), notamment la contribution d’Albert Soboul sur les sans-culottes. 254
ichesse ou la pauvreté (Vissol, 1989), (Reberioux, 1998). Relevant ces faits, Thierry Vissol (1989, p. 294) conclut son étude sur le Comité de mendicité par cette constatation : « Non seulement les lois sociales sont établies pour compenser les effets pervers induits par le nouvel ordre social, qui a besoin de misère pour fonctionner, mais elles sont aussi pensées pour faciliter le fonctionnement de cet ordre économique considéré comme nécessaire au bien-être général. Il n’y a pas, cependant, de cynisme dans cette analyse ; ils [les membres du Comité] sont persuadés de sa justesse et de sa pertinence, et ils ont l’avantage sur nos libéraux modernes, de considérer que la répartition sociale de ces maux est un droit qui doit être accordé en respectant la dignité humaine et la liberté individuelle. » Comment ne pas faire le lien avec la tentative de Speenhamland ? 32 Cependant, tout comme cette dernière dans les décennies suivantes, les lois sociales révolutionnaires seront vite abandonnées, et laisseront la place au « libre » fonctionnement du « marché du travail ». Libre fonctionnement du marché ? En fait, tout dépend des cas. Si la loi d’Allarde (2-17 mars 1791) abolit les corporations et toutes les réglementations qui portent sur la production, et si la loi Le Chapelier (14 juin 1791) lui ajoute la suppression des réglementations du travail et l’interdiction des coalitions, ainsi que celle de la grève (Brasseul, 1997, p. 282-283), (Potier, 1989) ; il n’en reste pas moins que les réglementations sur les aliments sont maintenues, ainsi que sur d’autres types de production, après la Révolution, et souvent à la demande même des entrepreneurs. Les marchands et fabriquants souhaitent, en effet, voir maintenus les règlements sur la qualité, pour éviter les dérives de la concurrence ; mais il y a là aussi la volonté de contrôler les conditions de travail, dont dépend, cela va de soi, la bonne exécution du travail. D’où la volonté de surveiller le travailleur, car interdire le droit de grève n’est pas suffisant, encore faut-il que le travailleur reste chez son employeur, ce qui amène à imposer aux travailleurs de donner des délais à leurs employeurs avant de les quitter. Car il s’agit aussi d’éviter le débauchage et la concurrence sauvage, ce qui conduit par la suite à la création du trop célèbre livret ouvrier (Hirsch, 1991). Ce dernier s’ajoute, d’ailleurs, par le biais du Code 32 Notons ici que cette loi, ne venant qu’en 1795, montre bien qu’il n’y a pas d’écart fondamental entre la France et l’Angleterre à cette époque. En matière sociale, la Révolution française rattrape et même devance la Grande-Bretagne. En outre, la productivité industrielle française est supérieure à celle de la Grande-Bretagne durant les années 1780 (Poussou, 1989), (Asselain, 1991). La chute de cette productivité liée à la Révolution et aux guerres qui s’en sont suivies, est en grande partie à l’origine de la thèse du retard français lié à la Révolution. Le blocus continental et la chute du commerce extérieur, et donc la « faillite » des villes portuaires, feront le reste. 255
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− La pério<strong>de</strong> révolutionnaire.<br />
Durant ce temps, en France, la Révolution éclate, puis l’empire vient 31 . Du point <strong>de</strong><br />
vue <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme comme du point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> l’économie, ces événements ont eu<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> conséquences relativement importantes, positives et pour le mon<strong>de</strong> en ce qui concerne<br />
les premiers, plutôt négatives et pour la France en ce qui concerne la secon<strong>de</strong>. Ainsi, selon<br />
l’idée couramment retenue, « les seuls gains <strong>de</strong> la France, moins tangibles et plus<br />
éphémères que ceux <strong>de</strong> la richesse matérielle ou <strong>de</strong> l’avance technique, relèvent, comme il<br />
se doit, du panache : (...) celui d’avoir ouvert la voie, pour le mon<strong>de</strong> entier, (...), à la<br />
démocratie et aux <strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme » (Brasseul, 1997, p. 287).<br />
En général, la Révolution française est ainsi vue, sur le plan économique, comme<br />
un handicap à court et moyen terme qui a retardé profondément le développement<br />
industriel <strong>de</strong> la France ; mais, à plus long terme, elle aurait permis l’instauration,<br />
notamment sous Napoléon Ier, <strong><strong>de</strong>s</strong> institutions favorables au capitalisme (l’ensemble <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
Co<strong><strong>de</strong>s</strong>, la Banque <strong>de</strong> France, etc.). En fait, le moment révolutionnaire est, nous semble-t-il,<br />
le passage en France du mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> régulation féodal au mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> régulation rationaliste.<br />
Autrement dit, avant la Révolution, les lois et règlements étaient liés au bon vouloir <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
souverains ; après la Révolution, ils seront édictés <strong>de</strong> façon « rationnelle », reposant sur<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> compromis entre libéraux idéalistes et conservateurs ancrés dans le mon<strong>de</strong> industriel,<br />
souvent d’ailleurs en alliance contre le mon<strong>de</strong> ouvrier. Ainsi, écrit Michel Beaud (2000, p.<br />
95), les principales aspirations <strong>de</strong> la bourgeoisie montante sont réalisées par la Révolution :<br />
l’abolition <strong><strong>de</strong>s</strong> privilèges, le démantèlement <strong><strong>de</strong>s</strong> corporations, l’abolition <strong><strong>de</strong>s</strong> monopoles<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> gran<strong><strong>de</strong>s</strong> compagnies. A cela, nous pouvons ajouter l’abandon rapi<strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> mesures<br />
sociales <strong>de</strong> la Révolution ; celles réclamées, déjà, dans les cahiers <strong>de</strong> doléances<br />
(Courvoisier, 1988) : prestations positives en matière <strong>de</strong> santé, d’instruction et <strong>de</strong> secours<br />
aux pauvres. C’est le Comité <strong>de</strong> Salut Public, c’est Condorcet, Robespierre, La<br />
Rochefoucauld-Liancourt, qui défen<strong>de</strong>nt le droit à la subsistance contre la charité ; ce sont<br />
les lois cadres votées par la Convention en 1793 et 1794, organisant l’ai<strong>de</strong> aux pauvres, les<br />
allocations familiales, la protection <strong><strong>de</strong>s</strong> enfants abandonnés et <strong><strong>de</strong>s</strong> femmes enceintes, les<br />
allocations vieillesses ; c’est la création <strong>de</strong> l’Ecole <strong><strong>de</strong>s</strong> Arts et métiers par La<br />
Rochefoucauld qui comprend le lien entre éducation et industrie et entre ceux-ci et la<br />
31 Cf., notamment, (Brasseul, 1997), (Chianéa, 1988), (Le Bas, 1984), (Revue économique, 1989), (Servet,<br />
1989) ; voir aussi, pour l’approche marxiste traditionnelle, Dobb et Sweezy (1977), notamment la<br />
contribution d’Albert Soboul sur les sans-culottes.<br />
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