l'economie des droits de l'homme - creden - Université Montpellier I

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économique et du système politique existants 11 . Aujourd’hui, les luttes pour la régulation du marché, jusqu’à un certain point, sont des luttes internes ; les luttes qui s’opposent davantage au marché (et, dans un cas extrême, appelant une planification centrale de l’ensemble de l’économie) sont des luttes contre le paradigme sociétal actuellement dominant. Par ailleurs, la forme d’expression de ces luttes dépend de la structure institutionnelle en vigueur, c’est-à-dire de l’organisation de la sphère sociale qui encadre le mode de régulation de la sphère économique. Les luttes et les droits revendiqués n’auront pas la même forme sous un régime monarchique, dictatorial ou démocratique. Notamment, le paradigme sociétal en vigueur, en définissant le citoyen, ouvre la voie à plusieurs sortes de contestation : de façon simplifiée, celle des citoyens, d’une part, celle de ceux qui ne le sont pas, d’autre part. Outre ces distinctions attachées aux personnes, le paradigme en place détermine les droits visibles qui deviennent, ainsi, une échelle de graduation du niveau de démocratie atteint 12 . Dès lors, la mise en relation de la sphère sociale et de la sphère économique apparaît liée à deux éléments. Elle est d’abord attachée au paradigme en vigueur, c’est-àdire au compromis institutionnalisé en place qui permet aux contre-tendances à la baisse du taux de profit de se matérialiser sans entrave politique majeure. Ensuite, elle dépend également de la forme des luttes qui conduisent à la remise en cause progressive des fondements du paradigme en vigueur. Ces luttes affectent effectivement l’organisation sociale et l’organisation économique qui sont liées par ce paradigme. Ce cadre général d’analyse nous conduit à envisager le développement économique en parallèle avec le développement social ; l’étendue des droits de l’homme reconnus, ainsi que le degré de cette reconnaissance, nous donnent un outil d’estimation du progrès 11 Il est possible de faire le parallèle entre le « paradigme sociétal » de Lipietz et le « rapport social dominant » de Dockès et Rosier (1988). Nous préférons, toutefois, le terme de paradigme sociétal, car il marque davantage, selon nous, l’aspect « consensuel » du fonctionnement des institutions, c’est-à-dire l’existence d’ « armistices sociaux ». En outre, si nous nous basons sur une théorisation systémique de la société, nous n’en laissons pas moins de côté, pour diverses raisons (dont le fait que notre approche est économique et non pas philosophique), les courants philosophiques relatifs aux systèmes, notamment l’approche des systèmes autopoïétiques (Luhmann ou Teubner) et l’approche d’Habermas. Nous pouvons remarquer, toutefois, une parenté – pour nous, évidente – entre la notion de « paradigme sociétal » et celle de « monde vécu » (« Lebenswelt ») avancée par Habermas et critiquée par Luhmann. Le « monde vécu », en effet, est un « tissu composé d’actions communicationnelles », qui forme « le texte et le contexte des échanges culturels » et représente « à la fois le contenu et le support des conversations courantes, du mouvement des discours et des idées », cf. (Frydman, 2001). 12 Nous inversons ici quelque peu le propos d’Alain Lipietz. Pour celui-ci, c’est la démocratie qui, entre les paradigmes, est une échelle de valeur mesurant l’élargissement des droits réels. Pour nous, c’est la constatation et la mesure des droits réellement acquis dans chaque paradigme qui va permettre d’évaluer le degré de démocratisation de chacun d’entre eux. 244

général des civilisations. Nous allons voir que, si le progrès est ainsi cumulatif, notamment pour des raisons liées à la régulation du capitalisme, il n’en reste pas moins que des retours en arrière sont aussi possibles, le dépassement du capitalisme comme mode de gestion sociale dominant nous semblant devoir être réalisé, à terme, par le développement des droits de l’homme. 2. Les droits de l’homme comme contre-tendances à la baisse du taux de profit ? Dans l’optique grenobloise de la régulation 13 , d’inspiration marxiste, le capitalisme assure sa reproduction en généralisant des processus d’exploitations qui donnent lieu à prélèvement du surplus du travail. Ce prélèvement entraîne des taux de profit élevés permis par, et permettant, l’accumulation du capital. Cependant, il faut également qu’il y ait une correspondance suffisante entre la production et les besoins sociaux pour que les profits se réalisent. En outre, le fonctionnement général du capitalisme, qui dépend étroitement du taux de profit, subit la tendance à la baisse de celui-ci, de façon inéluctable. La pertinence de cette dernière hypothèse nous semble importante, même s’il ne s’agit pas de lui donner plus de crédit que nécessaire. Pour nous, il apparaît nettement que l’évolution de la production, liée au progrès technique, engendre de fait une tendance à la baisse du taux de profit continuellement renouvelée. Autrement dit, la concurrence étant le mode de mise en rapport de la production aux besoins, elle engendre nécessairement une pression à la baisse du taux de profit qui encourage les producteurs à se moderniser. Il y a donc, perpétuellement, une baisse potentielle du taux de profit qui contraint les structures économiques, d’une part à se modifier au sein d’un mode de régulation pour trouver des contre-tendances à cette baisse et, d’autre part, à modifier radicalement le mode de régulation en vigueur lorsque les contre-tendances mises en place n’y sont plus suffisantes. Le problème essentiel est alors que, de période en période, « le capitalisme pour assurer sa reproduction, [...] doit non seulement maintenir toutes les contre-tendances des périodes antérieures, mais en ajouter de nouvelles » (GRREC, 1980, p. 84). Nous voyons là se dessiner un cadre d’analyse du lien entre droits de l’homme et sphère économique. En effet, selon la structure générale que nous proposons, 13 Cf. (GRREC, 1983). 245

général <strong><strong>de</strong>s</strong> civilisations. Nous allons voir que, si le progrès est ainsi cumulatif, notamment<br />

pour <strong><strong>de</strong>s</strong> raisons liées à la régulation du capitalisme, il n’en reste pas moins que <strong><strong>de</strong>s</strong> retours<br />

en arrière sont aussi possibles, le dépassement du capitalisme comme mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> gestion<br />

sociale dominant nous semblant <strong>de</strong>voir être réalisé, à terme, par le développement <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

<strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme.<br />

2. Les <strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme comme contre-tendances à la baisse<br />

du taux <strong>de</strong> profit ?<br />

Dans l’optique grenobloise <strong>de</strong> la régulation 13 , d’inspiration marxiste, le capitalisme<br />

assure sa reproduction en généralisant <strong><strong>de</strong>s</strong> processus d’exploitations qui donnent lieu à<br />

prélèvement du surplus du travail. Ce prélèvement entraîne <strong><strong>de</strong>s</strong> taux <strong>de</strong> profit élevés permis<br />

par, et permettant, l’accumulation du capital. Cependant, il faut également qu’il y ait une<br />

correspondance suffisante entre la production et les besoins sociaux pour que les profits se<br />

réalisent. En outre, le fonctionnement général du capitalisme, qui dépend étroitement du<br />

taux <strong>de</strong> profit, subit la tendance à la baisse <strong>de</strong> celui-ci, <strong>de</strong> façon inéluctable.<br />

La pertinence <strong>de</strong> cette <strong>de</strong>rnière hypothèse nous semble importante, même s’il ne<br />

s’agit pas <strong>de</strong> lui donner plus <strong>de</strong> crédit que nécessaire. Pour nous, il apparaît nettement que<br />

l’évolution <strong>de</strong> la production, liée au progrès technique, engendre <strong>de</strong> fait une tendance à la<br />

baisse du taux <strong>de</strong> profit continuellement renouvelée. Autrement dit, la concurrence étant le<br />

mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> mise en rapport <strong>de</strong> la production aux besoins, elle engendre nécessairement une<br />

pression à la baisse du taux <strong>de</strong> profit qui encourage les producteurs à se mo<strong>de</strong>rniser. Il y a<br />

donc, perpétuellement, une baisse potentielle du taux <strong>de</strong> profit qui contraint les structures<br />

économiques, d’une part à se modifier au sein d’un mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> régulation pour trouver <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

contre-tendances à cette baisse et, d’autre part, à modifier radicalement le mo<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />

régulation en vigueur lorsque les contre-tendances mises en place n’y sont plus suffisantes.<br />

Le problème essentiel est alors que, <strong>de</strong> pério<strong>de</strong> en pério<strong>de</strong>, « le capitalisme pour assurer sa<br />

reproduction, [...] doit non seulement maintenir toutes les contre-tendances <strong><strong>de</strong>s</strong> pério<strong><strong>de</strong>s</strong><br />

antérieures, mais en ajouter <strong>de</strong> nouvelles » (GRREC, 1980, p. 84).<br />

Nous voyons là se <strong><strong>de</strong>s</strong>siner un cadre d’analyse du lien entre <strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme et<br />

sphère économique. En effet, selon la structure générale que nous proposons,<br />

13 Cf. (GRREC, 1983).<br />

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