l'economie des droits de l'homme - creden - Université Montpellier I
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l’homme. A. Premiers éléments d’une étude régulationniste des droits de La revendication des droits de l’homme à travers l’histoire a toujours eu partie liée avec l’organisation économique, tout autant que politique. Il s’est toujours agi de dénoncer l’oppression qui découle de l’organisation sociale, cloisonnant les êtres humains en classes, avec d’un côté les « hommes libres », les « patriciens », les « maîtres », les « nobles », les « bourgeois », etc. et, de l’autre, les « esclaves », les « plébéiens », les « apprentis », les « serfs », le « tiers état », les « ouvriers », etc. Les premiers sont les détenteurs du pouvoir, mais aussi des richesses et des moyens de production ; les seconds sont les travailleurs, aux ordres des précédents et privés de droits. La lutte pour les droits de l’homme peut donc s’analyser en partie comme une quête de reconnaissance des « basses classes » qui veulent accéder au même droit à la richesse que les autres. La stabilité de la sphère économique, sa régulation, vont dépendre des « armistices sociaux » 7 , des « compromis institutionnalisés » 8 qui créent l’entente des différentes composantes de la société sur des moyens d’action pour atteindre des objectifs communs. Nous voulons définir un cadre général d’analyse, que nous empruntons en partie à l’étude d’Alain Lipietz (1990), mettant en relation démocratie et mode de régulation (1). Puis, nous étudions une série de faits historiques stylisés, afin de voir si les droits de l’homme peuvent être pensés comme des contre-tendances à la baisse du taux de profit au sein de chaque mode de régulation (2). 7 D’après l’expression de Maurice Hauriou, que reprend F. Perroux : « les institutions sont des « armistices sociaux ». Elles établissent une sorte de protocole d’une situation rendue équilibrée par l’épuisement temporaire de l’énergie de changement d’adversaires qui, après s’être affrontés, acceptent, au moins pour un temps, les bases d’une coopération ; les conditions venant à changer les luttes reprennent. Les conquêtes politiques et sociales jugées aujourd’hui comme les plus précieuses dans les sociétés occidentales n’ont pas d’autre origine historique. » (Perroux, 1981, p. 159). 8 Selon Christine André (1995, p. 146), les compromis institutionnalisés « résultent d’une situation de tensions et de conflits entre groupes socio-économiques pendant une période longue, à l’issue de laquelle une forme d’organisation est mise en place, créant des règles, des droits et des obligations pour les parties prenantes ». 242
1. Un cadre général d’analyse : le parallèle mode de régulation/démocratie. Il semble que le capitalisme soit un mode de fonctionnement économique très adaptatif et donc indifférent à la nature du pouvoir politique, qu’il soit démocratique ou oligarchique. Cela signifie que la démocratie n’est pas nécessairement un produit du capitalisme 9 , mais qu’elle est liée aux luttes sociales qui se sont succédées au sein des différents modes de régulation du capitalisme (Drakulic, 1990), (Moulier-Boutang, 1998). Ces luttes, d’après Alain Lipietz (1990), peuvent prendre deux formes : les luttes à l’intérieur du « paradigme sociétal » (par la suite également : paradigme), qui visent l’amélioration des mécanismes régulateurs ; les luttes contre ce paradigme, au nom d’autres intérêts ou valeurs. Pour préciser ce propos, en restant dans le cadre d’analyse régulationniste, nous adoptons les deux hypothèses qui suivent : les luttes sociales incluent des « luttes de classes », mais aussi des « mouvements sociaux » plus généraux 10 ; ces luttes sociales naissent hors du paradigme sociétal, participent à sa modification, puis s’institutionnalisent pour maintenir les acquis obtenus, et deviennent donc des luttes internes au (nouveau) paradigme sociétal, ce qui libère un espace pour l’apparition de nouvelles luttes hors paradigme. Le paradigme sociétal est « un mode de structuration des identités et des intérêts légitimement défendables au sein de l’Univers des discours et des représentations politiques » (Lipietz, 1990, p. 100). C’est donc la base idéologique du système socio- 9 D’ailleurs, les auteurs néo-libéraux n’en font pas mystère : « Le capitalisme ne peut s’effondrer, c’est l’état naturel de la société. La démocratie n’est pas l’état naturel de la société. Le marché oui », Alain Minc, La mondialisation heureuse, Plon, Paris, 1997, cité par René Passet (2000a, p. 183). Il va de soi que nous ne sommes pas en accord avec cette analyse néo-libérale : le capitalisme n’est pas un état naturel et indestructible ; en outre, l’argument « naturel » n’est pas nécessairement valide en toute circonstance. Le marché est une construction sociale dont les rythmes ne sont pas identiques à ceux de la nature. Le problème écologique découle de ce denier point : la pollution et la remise en cause des cycles naturels, susceptibles de nuire à la vie humaine elle-même, proviennent du fonctionnement du capitalisme. Le qualifier de « naturel » est donc tout à fait inapproprié. 10 Sur les mouvements sociaux, cf. (Coglianese, 2001) et (Stammers, 1999). De ce dernier, nous pouvons prendre la définition suivante : « Les mouvements sociaux sont typiquement définis comme des acteurs collectifs formés d’individus qui se considèrent porteurs d’un intérêt commun et qui s’identifient ainsi avec les autres jusqu’à un certain point. Les mouvements sociaux relèvent avant tout d’une volonté de changer un aspect de la société, et reposent pour ce faire sur la mobilisation de masse ou sur la menace de celle-ci comme sanction politique majeure » (Stammers, 1999, p. 984, notre traduction). 243
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A. Premiers éléments d’une étu<strong>de</strong> régulationniste <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>droits</strong> <strong>de</strong><br />
La revendication <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme à travers l’histoire a toujours eu partie liée<br />
avec l’organisation économique, tout autant que politique. Il s’est toujours agi <strong>de</strong> dénoncer<br />
l’oppression qui découle <strong>de</strong> l’organisation sociale, cloisonnant les êtres humains en classes,<br />
avec d’un côté les « hommes libres », les « patriciens », les « maîtres », les « nobles », les<br />
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« serfs », le « tiers état », les « ouvriers », etc. Les premiers sont les détenteurs du pouvoir,<br />
mais aussi <strong><strong>de</strong>s</strong> richesses et <strong><strong>de</strong>s</strong> moyens <strong>de</strong> production ; les seconds sont les travailleurs, aux<br />
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La lutte pour les <strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme peut donc s’analyser en partie comme une quête<br />
<strong>de</strong> reconnaissance <strong><strong>de</strong>s</strong> « basses classes » qui veulent accé<strong>de</strong>r au même droit à la richesse<br />
que les autres. La stabilité <strong>de</strong> la sphère économique, sa régulation, vont dépendre <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
« armistices sociaux » 7 , <strong><strong>de</strong>s</strong> « compromis institutionnalisés » 8 qui créent l’entente <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
différentes composantes <strong>de</strong> la société sur <strong><strong>de</strong>s</strong> moyens d’action pour atteindre <strong><strong>de</strong>s</strong> objectifs<br />
communs. Nous voulons définir un cadre général d’analyse, que nous empruntons en partie<br />
à l’étu<strong>de</strong> d’Alain Lipietz (1990), mettant en relation démocratie et mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> régulation (1).<br />
Puis, nous étudions une série <strong>de</strong> faits historiques stylisés, afin <strong>de</strong> voir si les <strong>droits</strong> <strong>de</strong><br />
l’homme peuvent être pensés comme <strong><strong>de</strong>s</strong> contre-tendances à la baisse du taux <strong>de</strong> profit au<br />
sein <strong>de</strong> chaque mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> régulation (2).<br />
7 D’après l’expression <strong>de</strong> Maurice Hauriou, que reprend F. Perroux : « les institutions sont <strong><strong>de</strong>s</strong> « armistices<br />
sociaux ». Elles établissent une sorte <strong>de</strong> protocole d’une situation rendue équilibrée par l’épuisement<br />
temporaire <strong>de</strong> l’énergie <strong>de</strong> changement d’adversaires qui, après s’être affrontés, acceptent, au moins pour un<br />
temps, les bases d’une coopération ; les conditions venant à changer les luttes reprennent. Les conquêtes<br />
politiques et sociales jugées aujourd’hui comme les plus précieuses dans les sociétés occi<strong>de</strong>ntales n’ont pas<br />
d’autre origine historique. » (Perroux, 1981, p. 159).<br />
8 Selon Christine André (1995, p. 146), les compromis institutionnalisés « résultent d’une situation <strong>de</strong><br />
tensions et <strong>de</strong> conflits entre groupes socio-économiques pendant une pério<strong>de</strong> longue, à l’issue <strong>de</strong> laquelle une<br />
forme d’organisation est mise en place, créant <strong><strong>de</strong>s</strong> règles, <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>droits</strong> et <strong><strong>de</strong>s</strong> obligations pour les parties<br />
prenantes ».<br />
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