l'economie des droits de l'homme - creden - Université Montpellier I

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la crise 6 d’où émerge un nouveau mode de régulation. Avant que cela ne se produise, il existe toutefois des contre-tendances à la baisse du taux de profit, historiquement déterminées, qui permettent au mode de régulation en place de perdurer tant que ses contradictions ne seront pas assez fortes. Dans ce cadre, les droits de l’homme pourraient être envisagés comme des contre-tendances à la baisse du taux de profit. Pour la théorie systémique de la régulation, le mode de production capitaliste tend vers une suraccumulation structurelle du capital constant, qui entraîne la crise. Il y aurait alors, au sein de la période de crise elle-même, une régulation spécifique de la transformation structurelle du mode de régulation ancien en un nouveau. Ce dernier crée les conditions du retour à une phase de croissance. Dans ce cadre, les droits de l’homme peuvent être interprétés comme des outils potentiels de la régulation de sortie de crise. En analysant ainsi les droits de l’homme, il s’agit d’indiquer leurs liens avec l’économie et de préciser les limites d’une analyse uniquement économique de ces droits. En effet, certains droits ne peuvent avoir qu’une corrélation très faible, voire inexistante, avec des considérations économiques ; il n’empêche qu’ils seront défendus et instaurés, qu’ils auront une valeur en soi et qu’ils pourront même s’opposer à la logique économique, en étant, le cas échéant, des facteurs de la baisse du taux de profit, plutôt que des contretendances de celle-ci. En montrant comment les droits de l’homme facilitent, dans certains cas, le fonctionnement/reproduction du mode de régulation, il ne sera que plus aisé de comprendre comment ils peuvent s’opposer à une « régulation » uniquement capitaliste de la société. Ils définissent, dès lors, une norme qui s’impose à tous les acteurs de la vie économique et sociale et qui garantit le progrès social et le développement humain. Un premier point (A) étudie l’insertion théorique des droits de l’homme au sein du processus régulationniste et en tire les conséquences à partir des enseignements de l’histoire. Un second point (B) vient renforcer notre analyse grâce à l’apport de la théorie de la régulation systémique, qui nous semble la plus susceptible d’accueillir les rapports juridiques en son sein. 6 La crise peut se produire au sein du mode de régulation ; il s’agit d’une période pendant laquelle s’opère une dévalorisation du capital qui n’arrive plus à se valoriser. Une crise plus profonde implique le changement du mode de régulation. Lors d’une telle crise, il y a d’abord une dévalorisation du capital : faillites d’entreprises, développement d’investissements « improductifs » par accroissement des dépenses socialisées relativement aux dépenses privées – notamment allocation chômage allant de pair avec l’accroissement de celui-ci, etc. Ensuite, une régulation de crise se met en place et mélange des éléments anciens avec de nouveaux processus de régulation qui tentent de s’imposer. C’est ce qui ce passe depuis les années 1980. La solution à une telle crise ne repose pas sur l’augmentation conjoncturelle de la croissance, incapable de relancer structurellement l’emploi, mais sur la création d’un mode de régulation cohérent, susceptible d’offrir sur le long terme des occasions soutenues de réalisation de taux de profit élevés, ou bien faisant sortir la société de la seule logique capitaliste ; sur des questions proches, voir aussi (Pascallon, 1977 ; 1993). 240

Il nous faut, toutefois, avant d’aller plus loin, apporter une précision, presque en forme d’excuses. Nous laissons ici de côté, en partie pour des raisons pratiques, un aspect essentiel de la régulation de l’économie, traité par ailleurs par des auteurs comme Raimo Vayrynen, et, en partie dans le prolongement de la régulation grenobloise, à la suite des travaux de Braudel, Wallerstein et Perroux, notamment par Bernard Gerbier (1997 ; 2002) ; voir aussi (Attali, 1980). Il s’agit, d’une part, de l’aspect international de la régulation de la sphère économique, entre autres au sens des économies-mondes, et, d’autre part, de l’importance du facteur militaire (mise en avant notamment par la théorie des cycles hégémoniques). Ce dernier est l’un des postes de dépenses de l’Etat les plus importants, la guerre en soi étant aussi un moyen de destruction du capital susceptible d’être assimilé à un outil de la régulation de la suraccumulation de ce capital. De fait, nous adoptons un découpage des grands modes de régulation en trois étapes, intercalées par des guerres, du moins pour la France : un mode de régulation féodal, du XIIIe au XVIIIe siècle, un mode de régulation bourgeois ou rationaliste, de la fin du XVIIIe à 1929, et le mode de régulation fordiste, de 1945 à nos jours (du moins à la crise débutée dans les années 1970). Nous noterons au passage que les modes de régulation semblent ainsi aller en se rétrécissant, à mesure que les taux de profit en leur sein augmentent. Enfin, il nous faut préciser que si nous ne traitons pas de la question de la guerre, cela se justifie à plusieurs égards. Notre propos est d’indiquer l’importance du facteur « droits de l’homme » au sein de la régulation. Ceux-ci, par leur développement, doivent être des moyens d’éviter la guerre et, sur le plan économique, doivent aider à résoudre le problème de la suraccumulation du capital par des moyens pacifiques et, nécessairement, plus « efficaces » (plus « optimaux ») que la guerre. Nécessairement, d’une part parce que la guerre signifie gaspillage et, d’autre part, parce que les droits de l’homme contribuent, plus que la guerre, à l’amélioration structurelle du capital et des hommes. Ceci étant précisé, nous allons donc introduire à présent les droits de l’homme dans l’analyse régulationniste, afin d’éclairer des modalités de fonctionnement de l’interaction entre les différentes sphères rarement mises en avant, bien que non négligeables selon nous. 241

la crise 6 d’où émerge un nouveau mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> régulation. Avant que cela ne se produise, il<br />

existe toutefois <strong><strong>de</strong>s</strong> contre-tendances à la baisse du taux <strong>de</strong> profit, historiquement<br />

déterminées, qui permettent au mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> régulation en place <strong>de</strong> perdurer tant que ses<br />

contradictions ne seront pas assez fortes. Dans ce cadre, les <strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme pourraient<br />

être envisagés comme <strong><strong>de</strong>s</strong> contre-tendances à la baisse du taux <strong>de</strong> profit.<br />

Pour la théorie systémique <strong>de</strong> la régulation, le mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> production capitaliste tend<br />

vers une suraccumulation structurelle du capital constant, qui entraîne la crise. Il y aurait<br />

alors, au sein <strong>de</strong> la pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> crise elle-même, une régulation spécifique <strong>de</strong> la<br />

transformation structurelle du mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> régulation ancien en un nouveau. Ce <strong>de</strong>rnier crée<br />

les conditions du retour à une phase <strong>de</strong> croissance. Dans ce cadre, les <strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme<br />

peuvent être interprétés comme <strong><strong>de</strong>s</strong> outils potentiels <strong>de</strong> la régulation <strong>de</strong> sortie <strong>de</strong> crise.<br />

En analysant ainsi les <strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme, il s’agit d’indiquer leurs liens avec<br />

l’économie et <strong>de</strong> préciser les limites d’une analyse uniquement économique <strong>de</strong> ces <strong>droits</strong>.<br />

En effet, certains <strong>droits</strong> ne peuvent avoir qu’une corrélation très faible, voire inexistante,<br />

avec <strong><strong>de</strong>s</strong> considérations économiques ; il n’empêche qu’ils seront défendus et instaurés,<br />

qu’ils auront une valeur en soi et qu’ils pourront même s’opposer à la logique économique,<br />

en étant, le cas échéant, <strong><strong>de</strong>s</strong> facteurs <strong>de</strong> la baisse du taux <strong>de</strong> profit, plutôt que <strong><strong>de</strong>s</strong> contretendances<br />

<strong>de</strong> celle-ci. En montrant comment les <strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme facilitent, dans certains<br />

cas, le fonctionnement/reproduction du mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> régulation, il ne sera que plus aisé <strong>de</strong><br />

comprendre comment ils peuvent s’opposer à une « régulation » uniquement capitaliste <strong>de</strong><br />

la société. Ils définissent, dès lors, une norme qui s’impose à tous les acteurs <strong>de</strong> la vie<br />

économique et sociale et qui garantit le progrès social et le développement humain. Un<br />

premier point (A) étudie l’insertion théorique <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme au sein du processus<br />

régulationniste et en tire les conséquences à partir <strong><strong>de</strong>s</strong> enseignements <strong>de</strong> l’histoire. Un<br />

second point (B) vient renforcer notre analyse grâce à l’apport <strong>de</strong> la théorie <strong>de</strong> la régulation<br />

systémique, qui nous semble la plus susceptible d’accueillir les rapports juridiques en son<br />

sein.<br />

6 La crise peut se produire au sein du mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> régulation ; il s’agit d’une pério<strong>de</strong> pendant laquelle s’opère<br />

une dévalorisation du capital qui n’arrive plus à se valoriser. Une crise plus profon<strong>de</strong> implique le changement<br />

du mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> régulation. Lors d’une telle crise, il y a d’abord une dévalorisation du capital : faillites<br />

d’entreprises, développement d’investissements « improductifs » par accroissement <strong><strong>de</strong>s</strong> dépenses socialisées<br />

relativement aux dépenses privées – notamment allocation chômage allant <strong>de</strong> pair avec l’accroissement <strong>de</strong><br />

celui-ci, etc. Ensuite, une régulation <strong>de</strong> crise se met en place et mélange <strong><strong>de</strong>s</strong> éléments anciens avec <strong>de</strong><br />

nouveaux processus <strong>de</strong> régulation qui tentent <strong>de</strong> s’imposer. C’est ce qui ce passe <strong>de</strong>puis les années 1980. La<br />

solution à une telle crise ne repose pas sur l’augmentation conjoncturelle <strong>de</strong> la croissance, incapable <strong>de</strong><br />

relancer structurellement l’emploi, mais sur la création d’un mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> régulation cohérent, susceptible d’offrir<br />

sur le long terme <strong><strong>de</strong>s</strong> occasions soutenues <strong>de</strong> réalisation <strong>de</strong> taux <strong>de</strong> profit élevés, ou bien faisant sortir la<br />

société <strong>de</strong> la seule logique capitaliste ; sur <strong><strong>de</strong>s</strong> questions proches, voir aussi (Pascallon, 1977 ; 1993).<br />

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