l'economie des droits de l'homme - creden - Université Montpellier I
l'economie des droits de l'homme - creden - Université Montpellier I l'economie des droits de l'homme - creden - Université Montpellier I
Section première : Droits de l’homme, histoire et formation des normes. Si les droits de l’homme ont une histoire plus que millénaire sur le plan des idées, cela est aussi vrai sur le plan empirique 1 . Toutefois, notre étude se limite essentiellement aux XVIIIe, XIXe et XXe siècles, ainsi qu’aux pays occidentaux dont, plus spécialement, la France, l’Angleterre et les Etats-Unis. Il s’agit, en effet, de déterminer la place des droits de l’homme dans le développement du capitalisme, qui a surtout pris ses formes en Europe occidentale, puis aux Etats-Unis, de même, d’ailleurs, que les droits de l’homme pensés comme tels. Cela n’implique pas, pour nous, une vision ethnocentriste européenne, ni, a contrario, le déni de l’universalité des droits de l’homme. Il semble simplement que, dans un premier temps, l’analyse historique du développement des droits de l’homme au sein du capitalisme amène nécessairement un centrage sur les pays reconnus comme les premiers à s’être engagés dans cette voie. En outre, il nous semble naturel de parler davantage, et avec plus de sûreté, des pays et des cultures que nous connaissons le mieux – mais, à nouveau, sans aucun désir d’imposer la vision occidentale du développement économique et social à l’ensemble du monde. Nous voulons montrer, au cours de cette section, comment les droits de l’homme ont pu se mettre en place parallèlement à l’évolution économique. Plusieurs optiques peuvent être adoptées pour indiquer les liens et les oppositions entre la sphère économique et les droits de l’homme, notamment celle de l’école grenobloise de la régulation (de Bernis et les membres du GRREC) et celle de l’école systémique de la régulation (Boccara, Fontvieille, notamment). Nous privilégions ces deux courants par rapport à celui, plus développé et plus connu, de l’école parisienne de la régulation (Boyer, Aglietta, etc.) et ce essentiellement pour deux raisons. Premièrement, nous nous inscrivons dans une démarche systémique, à la suite des travaux de René Passet et d’Henri Bartoli, ce qui nous incite à favoriser les démarches qui s’inscrivent dans ce prolongement 2 . Deuxièmement, l’objectif est ici une première approximation du rôle des droits de l’homme dans la régulation. Or, nous semble-t-il, le cadre général de l’analyse parisienne, 1 Cf. (Bayet, 1939) et (Sayegh, 2000). 2 C’est le cas, selon nous, de Boccara (1993a, b, c, d). Ce dernier, à travers son étude de l’anthroponomie, c’est-à-dire de l’intersection des sphères économique et humaine, a une démarche très proche de celle de René Passet. Cependant, nous n’avons pas prétention à connaître tous les développements qui se rattachent à l’école parisienne ; certains d’entre eux pourraient donc aussi entrer dans ce cadre, et nous avoir échappé. 238
c’est-à-dire le découpage en formes institutionnelles des rapports sociaux 3 , n’est pas pleinement satisfaisant pour un tel objectif. Le grand point de cette section utilise donc certains développements théoriques de la régulation, essentiellement ceux d’inspiration marxiste. Son but est de savoir si les droits de l’homme peuvent être pensés comme des outils de la régulation du capitalisme. Il s’agit de comprendre comment les droits de l’homme viennent à émerger et comment ils perdurent d’un mode de régulation à un autre. Pour ce faire, nous recourons à plusieurs observations historiques générales et, dans une certaine mesure, suffisamment balisées pour ne pas être sujettes à caution. Quelle(s) place(s) pour les droits de l’homme dans la régulation ? Les théories françaises de la régulation s’intéressent au fonctionnement des modes de régulation 4 de l’économie capitaliste, la sphère économique entrant en interaction, pour assurer sa reproduction, avec la sphère écologique, d’où viennent les ressources naturelles, et avec la sphère sociale, d’où viennent les ressources humaines et institutionnelles. Nous nous basons essentiellement, pour notre part, sur deux théories spécifiques, l’école grenobloise et l’école systémique 5 . Pour la théorie grenobloise de la régulation, il existe une tendance à la baisse du taux de profit qui conduit inéluctablement le mode de régulation en cours à sombrer dans 3 En général, cinq formes institutionnelles sont ainsi distinguées : les formes de la contrainte monétaire, les configurations du rapport salarial, les formes de la concurrence, les formes de l’insertion internationale, les formes de l’Etat. 4 D’après les termes de Robert Boyer, un mode de régulation est un ensemble de procédures et de comportements qui a la propriété de : reproduire les rapports sociaux à travers la conjonction de formes institutionnelles historiquement déterminées ; soutenir et « piloter » le régime d’accumulation existant ; assurer la compatibilité dynamique d’un ensemble de décisions décentralisées, sans que soit nécessaire l’intériorisation par les acteurs économiques des principes de l’ajustement de l’ensemble du système ; cf. le glossaire de (Boyer et Saillard, 1995). Le mode de régulation est ainsi l’ensemble des normes et des institutions qui ajustent les anticipations des agents économiques, cf. (Lipietz, 1990). 5 La troisième théorie est donc celle de l’école parisienne, à laquelle se rattachent des auteurs comme Boyer, Aglietta, Lipietz, Delorme et André, etc. et que nous n’utiliserons que de façon limitée. 239
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Section première : Droits <strong>de</strong> l’homme, histoire et formation <strong><strong>de</strong>s</strong> normes.<br />
Si les <strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme ont une histoire plus que millénaire sur le plan <strong><strong>de</strong>s</strong> idées,<br />
cela est aussi vrai sur le plan empirique 1 . Toutefois, notre étu<strong>de</strong> se limite essentiellement<br />
aux XVIIIe, XIXe et XXe siècles, ainsi qu’aux pays occi<strong>de</strong>ntaux dont, plus spécialement,<br />
la France, l’Angleterre et les Etats-Unis. Il s’agit, en effet, <strong>de</strong> déterminer la place <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>droits</strong><br />
<strong>de</strong> l’homme dans le développement du capitalisme, qui a surtout pris ses formes en Europe<br />
occi<strong>de</strong>ntale, puis aux Etats-Unis, <strong>de</strong> même, d’ailleurs, que les <strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme pensés<br />
comme tels. Cela n’implique pas, pour nous, une vision ethnocentriste européenne, ni, a<br />
contrario, le déni <strong>de</strong> l’universalité <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme. Il semble simplement que, dans<br />
un premier temps, l’analyse historique du développement <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme au sein du<br />
capitalisme amène nécessairement un centrage sur les pays reconnus comme les premiers à<br />
s’être engagés dans cette voie. En outre, il nous semble naturel <strong>de</strong> parler davantage, et avec<br />
plus <strong>de</strong> sûreté, <strong><strong>de</strong>s</strong> pays et <strong><strong>de</strong>s</strong> cultures que nous connaissons le mieux – mais, à nouveau,<br />
sans aucun désir d’imposer la vision occi<strong>de</strong>ntale du développement économique et social à<br />
l’ensemble du mon<strong>de</strong>. Nous voulons montrer, au cours <strong>de</strong> cette section, comment les <strong>droits</strong><br />
<strong>de</strong> l’homme ont pu se mettre en place parallèlement à l’évolution économique. Plusieurs<br />
optiques peuvent être adoptées pour indiquer les liens et les oppositions entre la sphère<br />
économique et les <strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme, notamment celle <strong>de</strong> l’école grenobloise <strong>de</strong> la<br />
régulation (<strong>de</strong> Bernis et les membres du GRREC) et celle <strong>de</strong> l’école systémique <strong>de</strong> la<br />
régulation (Boccara, Fontvieille, notamment). Nous privilégions ces <strong>de</strong>ux courants par<br />
rapport à celui, plus développé et plus connu, <strong>de</strong> l’école parisienne <strong>de</strong> la régulation (Boyer,<br />
Aglietta, etc.) et ce essentiellement pour <strong>de</strong>ux raisons. Premièrement, nous nous inscrivons<br />
dans une démarche systémique, à la suite <strong><strong>de</strong>s</strong> travaux <strong>de</strong> René Passet et d’Henri Bartoli, ce<br />
qui nous incite à favoriser les démarches qui s’inscrivent dans ce prolongement 2 .<br />
Deuxièmement, l’objectif est ici une première approximation du rôle <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>droits</strong> <strong>de</strong><br />
l’homme dans la régulation. Or, nous semble-t-il, le cadre général <strong>de</strong> l’analyse parisienne,<br />
1 Cf. (Bayet, 1939) et (Sayegh, 2000).<br />
2 C’est le cas, selon nous, <strong>de</strong> Boccara (1993a, b, c, d). Ce <strong>de</strong>rnier, à travers son étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’anthroponomie,<br />
c’est-à-dire <strong>de</strong> l’intersection <strong><strong>de</strong>s</strong> sphères économique et humaine, a une démarche très proche <strong>de</strong> celle <strong>de</strong><br />
René Passet. Cependant, nous n’avons pas prétention à connaître tous les développements qui se rattachent à<br />
l’école parisienne ; certains d’entre eux pourraient donc aussi entrer dans ce cadre, et nous avoir échappé.<br />
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