l'economie des droits de l'homme - creden - Université Montpellier I

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souplesse d’application de ces droits qui a pour but de facilité la concrétisation objective des droits fondamentaux. C’est dire qu’il n’y a pas de droits de second rang, car tous ont leur importance. Il n’y a plus de droits qui coûtent et d’autres qui ne coûtent pas. Il y a des droits fondamentaux pour lesquels il faut établir qu’aucun autre impératif ne peut les dominer. Tout comme le marché et ses valeurs doivent être choisis contre les institutions tribales, les droits de l’homme ne sont tels que parce qu’ils sont reconnus et imposés comme tels. Il n’y a donc aucune raison de rejeter tel ou tel droit reconnu indispensable aux autres. Dès lors, il s’agit de reconnaître que la société, c’est-à-dire les mécanismes de vie collective, doivent permettre que les droits fondamentaux soient assurés. Cela est possible grâce à la mise en œuvre des droits corollaires. Cela nécessite aussi de reconnaître que le marché n’est qu’un élément d’un ensemble plus vaste, d’un système complexe 12 dont les droits de l’homme visent à être les régulateurs. Bien sûr, cela implique de réduire la prétention de vouloir faire du marché le seul détenteur de la liberté. B. La défaillance du marché. Pour Friedrich Hayek, seul le marché existe et est légitime. Le problème est que ceux qui défendent la justice du marché, s’en tiennent au raisonnement standard : « l’échange doit être acceptable pour chacun, ou il ne prend pas place » (Grampp, 1989). Malheureusement, l’échange prend place même lorsqu’il n’est pas acceptable, dans la pure logique des ordres spontanés, si les droits de l’homme ne sont pas garantis. Il ne s’agit certes pas de dire que le marché est à bannir puisque, au contraire, il convient de le reconnaître comme un des éléments d’un ensemble complexe. C’est d’ailleurs pourquoi – à l’inverse de la position de Hayek – aucune mesure de revenu minimum ne se passe hors marché puisque, par nature, le revenu est ce qui permet d’entrer sur ce dernier 13 . Cependant, il convient de remarquer que, si F. Hayek défend le marché et la catallaxie (la concurrence) comme les meilleurs garants de la liberté, mais non pas de l’égalité, même en ce qui concerne la liberté au sens hayekien le marché a des lacunes, dès lors que les droits de l’homme ne sont pas reconnus. 12 Cf. (Bartoli, 1991), (Maréchal, 2000) et (Meyer-Bisch, 1998a). 13 En outre, il peut être relevé que, par exemple, les expérimentations de type SEL (systèmes d’échange locaux) se situent bien hors marché, mais recréent leur propre structure d’échange avec leurs propres valeurs, de telle façon qu’il s’agit toujours de mécanisme d’échange, mis en parallèle avec ceux du marché proprement dit, mais ne s’y substituant pas. 230

Dans une société d’ordres spontanés où aucune institution régulatrice ne perturbe le fonctionnement du marché, certains peuvent travailler dur alors quand d’autres ne font rien ou encore, tous peuvent travailler dur ; mais en fin de compte, seuls certains récolteront la chance qui leur ferra gagner le jeu de catallaxie contre les autres. Ils auront tous les bénéfices sans pour autant avoir les plus grands mérites ou les plus grands coûts. Nous noterons tout d’abord l’écart entre la logique rawlsienne, qui veut que le jeu social accroisse le bien-être de tous, y compris et surtout celui des plus défavorisés, alors que dans la logique de Friedrich Hayek, nous faisons face à un jeu où il y a des perdants et des gagnants 14 . Ensuite, dans ce cas hypothétique où la succession des ordres spontanés, avec des règles de juste conduite toujours respectées, entraîne une concentration de la propriété, nous aboutissons à la situation suivante : les possédants peuvent, dans le respect de ces règles, interdire l’accès à toute propriété, à toute ressource et, finalement, à tout travail aux autres individus qui se trouveront de fait privés de toute liberté réelle. Les mécanismes de la catallaxie régulés uniquement par les règles de juste conduite sont à même d’enfreindre tous les droits de l’homme, y compris les simples libertés civiles. A quoi sert la liberté d’expression si vous n’avez aucun moyen de la diffuser et si tout ce que vous direz « pourra être retenu contre en vous », en quelque sorte, puisque à moins d’appeler à la révolte/résistance/révolution, vous ne pourrez remettre en cause les droits de propriété établis, les règles de juste conduite et le jeu de catallaxie lui-même ? Friedrich Hayek adopte donc une démarche où l’on peut voir une logique libérale proche de celle de John Rawls mais, contrairement à ce dernier, Hayek néglige totalement la portée réelle des droits de l’homme comme mécanisme régulateur d’un système complexe. Il néglige l’importance de l’indivisibilité des droits de l’homme et leur spécificité, pour la simple raison qu’il n’inclut pas le marché dans un système complexe, mais qu’il en fait le tout social. Il ne peut, ainsi, qu’avoir une vision instrumentale des droits et de la démocratie qui ne se voient justifiés que s’ils garantissent le fonctionnement du marché, lui seul garantissant la liberté. Cela amène à une contradiction majeure dès lors que l’on reconnaît que la liberté provient des droits et de la démocratie, plus que du seul marché. Les visions libérales qui découlent aujourd’hui de la position d’Hayek semblent donc incompatibles avec une « économie des droits de l’homme ». 14 Ce qui a pour seul mérite, finalement, d’être une illustration plus correcte d’une société néo-libérale que celle que l’on pourrait tirer de l’œuvre de Rawls ou d’autres auteurs comme James Buchanan, par exemple. 231

souplesse d’application <strong>de</strong> ces <strong>droits</strong> qui a pour but <strong>de</strong> facilité la concrétisation objective<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>droits</strong> fondamentaux. C’est dire qu’il n’y a pas <strong>de</strong> <strong>droits</strong> <strong>de</strong> second rang, car tous ont<br />

leur importance.<br />

Il n’y a plus <strong>de</strong> <strong>droits</strong> qui coûtent et d’autres qui ne coûtent pas. Il y a <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>droits</strong><br />

fondamentaux pour lesquels il faut établir qu’aucun autre impératif ne peut les dominer.<br />

Tout comme le marché et ses valeurs doivent être choisis contre les institutions tribales, les<br />

<strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme ne sont tels que parce qu’ils sont reconnus et imposés comme tels. Il n’y<br />

a donc aucune raison <strong>de</strong> rejeter tel ou tel droit reconnu indispensable aux autres. Dès lors,<br />

il s’agit <strong>de</strong> reconnaître que la société, c’est-à-dire les mécanismes <strong>de</strong> vie collective, doivent<br />

permettre que les <strong>droits</strong> fondamentaux soient assurés. Cela est possible grâce à la mise en<br />

œuvre <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>droits</strong> corollaires. Cela nécessite aussi <strong>de</strong> reconnaître que le marché n’est qu’un<br />

élément d’un ensemble plus vaste, d’un système complexe 12 dont les <strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme<br />

visent à être les régulateurs. Bien sûr, cela implique <strong>de</strong> réduire la prétention <strong>de</strong> vouloir<br />

faire du marché le seul détenteur <strong>de</strong> la liberté.<br />

B. La défaillance du marché.<br />

Pour Friedrich Hayek, seul le marché existe et est légitime. Le problème est que<br />

ceux qui défen<strong>de</strong>nt la justice du marché, s’en tiennent au raisonnement standard :<br />

« l’échange doit être acceptable pour chacun, ou il ne prend pas place » (Grampp, 1989).<br />

Malheureusement, l’échange prend place même lorsqu’il n’est pas acceptable, dans<br />

la pure logique <strong><strong>de</strong>s</strong> ordres spontanés, si les <strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme ne sont pas garantis. Il ne<br />

s’agit certes pas <strong>de</strong> dire que le marché est à bannir puisque, au contraire, il convient <strong>de</strong> le<br />

reconnaître comme un <strong><strong>de</strong>s</strong> éléments d’un ensemble complexe. C’est d’ailleurs pourquoi – à<br />

l’inverse <strong>de</strong> la position <strong>de</strong> Hayek – aucune mesure <strong>de</strong> revenu minimum ne se passe hors<br />

marché puisque, par nature, le revenu est ce qui permet d’entrer sur ce <strong>de</strong>rnier 13 .<br />

Cependant, il convient <strong>de</strong> remarquer que, si F. Hayek défend le marché et la catallaxie (la<br />

concurrence) comme les meilleurs garants <strong>de</strong> la liberté, mais non pas <strong>de</strong> l’égalité, même en<br />

ce qui concerne la liberté au sens hayekien le marché a <strong><strong>de</strong>s</strong> lacunes, dès lors que les <strong>droits</strong><br />

<strong>de</strong> l’homme ne sont pas reconnus.<br />

12 Cf. (Bartoli, 1991), (Maréchal, 2000) et (Meyer-Bisch, 1998a).<br />

13 En outre, il peut être relevé que, par exemple, les expérimentations <strong>de</strong> type SEL (systèmes d’échange<br />

locaux) se situent bien hors marché, mais recréent leur propre structure d’échange avec leurs propres valeurs,<br />

<strong>de</strong> telle façon qu’il s’agit toujours <strong>de</strong> mécanisme d’échange, mis en parallèle avec ceux du marché<br />

proprement dit, mais ne s’y substituant pas.<br />

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