l'economie des droits de l'homme - creden - Université Montpellier I

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Nous allons rapidement présenter ces approches, puis nous détaillerons quelque peu ce que nous entendons par humanisme scientifique afin de dégager les voies d’exploration subséquentes 19 . A. Economie multidimensionnelle, bioéconomie et écoéthique. Trois démarches plus ou moins concomitantes à l’humanisme scientifique, et très proches les unes des autres, peuvent être relevées dans un premier temps : l’économie multidimensionnelle dont nous reprenons rapidement les grands axes à partir d’Henri Bartoli (1991) ; la bioéconomie, provenant des travaux de René Passet (1979) et pour laquelle nous nous basons également sur Jean-Paul Maréchal (2000) ; et l’écoéthique, associée à Patrice Meyer-Bisch (1998a). 1. L’économie multidimensionnelle. L’approche multidimensionnelle de l’économie consiste à placer cette dernière dans un contexte historique donné et face à son propre impératif, c’est-à-dire le service de la Vie. Ainsi, « Pour qui adopte les démarches de l’économie multidimensionnelle son contenu est clair : non pas la boîte vide du maximum de résultats avec le minimum de coûts, mais la recherche pleine de la satisfaction la plus élevée possible des besoins et des aspirations des hommes, et prioritairement des besoins fondamentaux des plus pauvres d’entre eux, aux moindres coûts matériels, financiers, et d’abord humains. Une telle définition concède peu aux jugements de valeur ou leur concède tout, puisqu’elle pose au fondement de l’économie politique l’affirmation de la valeur et du respect de la Vie. » (Bartoli, 1991, p. 414). L’économie multidimensionnelle, pour répondre aux « demandes spécifiques » auxquelles elle a à faire face (le chômage, la pauvreté, la faim, etc.) se doit donc d’être différente de 19 Certains autres auteurs adoptent une même démarche, tout en rejetant les travaux sur lesquels nous nous appuyons ici. Nous pensons en particulier au professeur Jean-Luc Gaffard qui écrit que la science économique doit être vue comme une science empirique, ce qui « induit une rupture avec l’utilitarisme en redonnant du poids et du sens aux libertés individuelles. (...) [et ce qui implique encore qu’il faut] mettre en œuvre une théorie de la connaissance articulée sur la notion de complexité. Ici l’analyse rencontre la théorie des systèmes auto-référentiels. » (Gaffard, 2001). Nous le suivons sur ce point, mais nous adhérons à la méthode suivie par le professeur Henri Bartoli plutôt qu’à celle des économistes de la croissance auxquels se rattache le professeur Gaffard. 214

l’économie qui se base sur des concepts et variables unidimensionnelles qui morcellent le réel. Le but – le devoir même – de l’économie (politique) est de rechercher la satisfaction la plus optimale des points de vue humain et écologique, des besoins de l’humanité (de tous les êtres humains). Elle ne peut donc se construire que par un appel à tous les savoirs qui concernent le développement de l’homme. Ainsi, en suivant F. Perroux, on peut dire par exemple que les bilans en calories des aliments sont tout aussi importants pour l’économiste que leurs prix (cf. de Bernis, 1978, p. 145). Et cela signifie aussi qu’il ne s’agit pas là de morale. Dire que « les puissants » font partout leur vie au détriment d’autres vies, ne relève pas de la morale mais bien de l’économie politique, d’une science économique qui « ne mutile pas son propos, de la science économique qui ne refuse pas mais accueille les enseignements d’autres sciences : biologie, démographie, par exemple » (Chambre, 1978). L’économie multidimensionnelle est donc avant tout un besoin de pluridisciplinarité, d’« économie élargie » seule susceptible d’accéder à la compréhension de son sujet central : l’être humain. Cette approche donne quelques éléments méthodologiques pour une « économie des droits de l’homme » cohérente. Premièrement, elle nous éloigne toujours un peu plus de ce que F. Perroux nommait les « vaines orthodoxies ». En effet, la métaéconomie nous apprend que finalement, les théories économiques, en négligeant l’existence de phénomènes « méta-économiques », c’est-à-dire qui se produisent en dehors du champ d’analyse (le marché) mais affectent néanmoins celui-ci, ne peuvent rendre correctement compte du développement humain. Leur unidimensionnalité limite considérablement la validité de leurs explications, et rend dangereuses les positions normatives qui leurs sont sous-jacentes. Deuxièmement, elle nous invite, outre à nous ouvrir à la pluridisciplinarité, à ne pas négliger les conditions historiques, les liaisons techniques, psychologiques, juridiques, sociales et même, ethno-culturelles (Bartoli, 1991, p. 33). Et, en la matière, ce qui est vrai pour l’économie, l’est encore plus pour une économie des droits de l’homme. Troisièmement, elle met en avant le fait que l’économie se caractérise par l’interdépendance de phénomènes complexes qui dépendent des réactions et rétroactions (« feedback ») de la société et de la nature. La complexité de la mise en œuvre des droits de l’homme, dont la part économique reste encore largement ignorée, ne peut que prendre en compte ces interdépendances. Ainsi de l’exemple de l’éducation, dont l’accroissement dans de bonnes conditions (accès pour tous, etc.), d’une part, s’appuie sur différents facteurs favorables et, d’autre part, entraîne des effets complexes. Parmi ces effets, en nous 215

Nous allons rapi<strong>de</strong>ment présenter ces approches, puis nous détaillerons quelque peu<br />

ce que nous entendons par humanisme scientifique afin <strong>de</strong> dégager les voies d’exploration<br />

subséquentes 19 .<br />

A. Economie multidimensionnelle, bioéconomie et écoéthique.<br />

Trois démarches plus ou moins concomitantes à l’humanisme scientifique, et très<br />

proches les unes <strong><strong>de</strong>s</strong> autres, peuvent être relevées dans un premier temps : l’économie<br />

multidimensionnelle dont nous reprenons rapi<strong>de</strong>ment les grands axes à partir d’Henri<br />

Bartoli (1991) ; la bioéconomie, provenant <strong><strong>de</strong>s</strong> travaux <strong>de</strong> René Passet (1979) et pour<br />

laquelle nous nous basons également sur Jean-Paul Maréchal (2000) ; et l’écoéthique,<br />

associée à Patrice Meyer-Bisch (1998a).<br />

1. L’économie multidimensionnelle.<br />

L’approche multidimensionnelle <strong>de</strong> l’économie consiste à placer cette <strong>de</strong>rnière dans<br />

un contexte historique donné et face à son propre impératif, c’est-à-dire le service <strong>de</strong> la<br />

Vie. Ainsi,<br />

« Pour qui adopte les démarches <strong>de</strong> l’économie multidimensionnelle son contenu<br />

est clair : non pas la boîte vi<strong>de</strong> du maximum <strong>de</strong> résultats avec le minimum <strong>de</strong> coûts,<br />

mais la recherche pleine <strong>de</strong> la satisfaction la plus élevée possible <strong><strong>de</strong>s</strong> besoins et <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

aspirations <strong><strong>de</strong>s</strong> hommes, et prioritairement <strong><strong>de</strong>s</strong> besoins fondamentaux <strong><strong>de</strong>s</strong> plus<br />

pauvres d’entre eux, aux moindres coûts matériels, financiers, et d’abord humains.<br />

Une telle définition concè<strong>de</strong> peu aux jugements <strong>de</strong> valeur ou leur concè<strong>de</strong><br />

tout, puisqu’elle pose au fon<strong>de</strong>ment <strong>de</strong> l’économie politique l’affirmation <strong>de</strong> la<br />

valeur et du respect <strong>de</strong> la Vie. » (Bartoli, 1991, p. 414).<br />

L’économie multidimensionnelle, pour répondre aux « <strong>de</strong>man<strong><strong>de</strong>s</strong> spécifiques » auxquelles<br />

elle a à faire face (le chômage, la pauvreté, la faim, etc.) se doit donc d’être différente <strong>de</strong><br />

19 Certains autres auteurs adoptent une même démarche, tout en rejetant les travaux sur lesquels nous nous<br />

appuyons ici. Nous pensons en particulier au professeur Jean-Luc Gaffard qui écrit que la science<br />

économique doit être vue comme une science empirique, ce qui « induit une rupture avec l’utilitarisme en<br />

redonnant du poids et du sens aux libertés individuelles. (...) [et ce qui implique encore qu’il faut] mettre en<br />

œuvre une théorie <strong>de</strong> la connaissance articulée sur la notion <strong>de</strong> complexité. Ici l’analyse rencontre la théorie<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> systèmes auto-référentiels. » (Gaffard, 2001). Nous le suivons sur ce point, mais nous adhérons à la<br />

métho<strong>de</strong> suivie par le professeur Henri Bartoli plutôt qu’à celle <strong><strong>de</strong>s</strong> économistes <strong>de</strong> la croissance auxquels se<br />

rattache le professeur Gaffard.<br />

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