l'economie des droits de l'homme - creden - Université Montpellier I

Dans ce cadre, cinq libertés instrumentales sont définies par Amartya Sen (2000a,
p. 48-49) : les libertés politiques qui correspondent aux droits civiques et politiques
(notamment, liberté de la presse) ; les facilités économiques, c’est-à-dire les opportunités
d’utilisation des ressources économiques pour consommer, produire et échanger ; les
opportunités sociales, qui consistent en services sociaux de base tels la santé et
l’éducation ; la garantie de transparence qui réalise la clarté dans les relations sociales ; la
sécurité protectrice, qui sert à assurer un filet de protection sociale aux populations
vulnérables afin d’éviter les situations de grande misère.
Ces cinq libertés sont instrumentales en ce sens, et seulement en ce sens, qu’elles
s’appuient les unes les autres, ce qui résulte de l’indivisibilité des droits desquels elles
dépendent. En fait, elles correspondent aux moyens nécessaires pour assurer les coûts de
l’homme. Dans ce cadre, les « biens de départ » sont les moyens premiers des coûts de
l’homme, tout comme les « capabilités » sont les moyens des « fonctionnements ».
L’ensemble de ces éléments est constitutif des droits de l’homme, simultanément moyens
et fins, puisqu’en tant que droits reconnus, ils permettent leur réalisation en tant que fins,
droits réellement exercés. Dans ce cadre, trois catégories de « fonctionnements » peuvent
être déterminées :
(1) Les fonctionnements physiques : a) l’espérance de vie ; b) une nourriture
suffisante ; c) un toit contre les intempéries ; d) l’absence de maladie ;
(2) Les fonctionnements politiques et sociaux : a) la sécurité personnelle (en
particulier contre les abus de pouvoir) ; b) l’immunité contre toute discrimination ;
c) la participation à la vie communautaire et politique ; d) la possibilité de vivre
sans avoir honte de sa position sociale ;
(3) Les fonctionnements intellectuels et esthétiques : a) être intellectuellement apte
à faire face aux problèmes de la vie ; b) réaliser son potentiel intellectuel en
contribuant au progrès des connaissances humaines ; c) réaliser son potentiel
esthétique en donnant libre cours à ses facultés créatrices.
Cette liste, qui recoupe très nettement les coûts de l’homme de F. Perroux, et que nous
empruntons à Prasanta Pattanaik (1998, p. 371), ne se veut pas exhaustive, mais seulement
illustrative. Elle permet de comprendre comment les droits de l’homme, qui s’appliquent à
l’être humain réel et ont par là-même un rôle essentiellement « politique », sont à la fois
fins et moyens, outils de leur propre réalisation en tant qu’objectifs individuels et
collectifs. Amartya Sen interprète ainsi la vie comme un ensemble de « fonctionnements »
en interrelations et formés de « façons d’être et d’agir » ; dans ce cadre, la réalisation d’une
210