l'economie des droits de l'homme - creden - Université Montpellier I

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notamment lorsqu’ils montrent que telle procédure étatique est inefficace compte tenu des objectifs fixés 8 . Il est donc nécessaire de recentrer le propos, non pas sur l’efficacité économique, mais sur l’homme. Les droits de l’homme concernent l’être humain dans sa multidimension, corps et conscience, et sont fondés sur la reconnaissance de sa dignité intrinsèque. Il faut donc, dans un premier temps, pouvoir définir les droits comme inhérents à la personne humaine, ce qui les lie inéluctablement à l’activité économique, celle-ci concernant « toujours l’être organique dans son sac de peau et l’esprit qui l’anime (...) » (Perroux, 1969, p. 284). Il convient dès lors d’établir un « statut humain de la vie » (Idem), défini par les « coûts de l’homme », eux-mêmes expression des droits de l’homme et de leur indivisibilité. Les coûts de l’homme 9 peuvent s’exprimer dans la formule suivante : « Nourrir les hommes, Soigner les hommes, Instruire les hommes, Libérer les esclaves. Opérations tout élémentaires propres à procurer à chacun les « biens de départ ». Ils ouvrent aux hommes l’accès au rang de personnes et de sociétés pleines de sens au-dede l’efficacité ; ils leur permettent de tendre vers l’épanouissement (...) » (Perroux, 1969, p. 285). C’est seulement par la reconnaissance des droits qui sont des besoins reconnus comme devant nécessairement être satisfaits (Meyer-Bisch, 1992, p. 57) que l’homme est mis en état de bénéficier des « biens de départ » disponibles pour tous. Mais la logique ici n’est pas celle des biens premiers rawlsiens ; il s’agit plutôt de donner à tous l’accès à une vie meilleure et plus longue, une chance de lutter contre les maladies et d’avoir un accès à la connaissance, par le biais de dépenses sans contrepartie, tel est le rôle de l’économie humaine (Perroux, 1961, p. 379). Les biens de départ doivent donc être entendus ici comme ce qui va permettre à l’homme d’être homme, d’exister en tant que tel. Par ailleurs, leur quantité n’est pas fixée par avance, elle doit être maximisée en fonction des possibilités de la société. Ils recoupent ainsi le financement des coûts de l’homme. 8 Les critiques libérales de la sécurité sociale française illustrent ce point. Ainsi, la protection sociale créerait l’irresponsabilité (hasard moral, « free rider », etc.) et elle provoquerait des prélèvements excessifs conformément à la courbe de Laffer, trop d’impôts dissuadant de travailler. La plupart des arguments invoqués sont bien sûr à nuancer, comme le précise Chantal Euzéby (1998, p. 39) car ils n’insistent que sur l’aspect coût ; voir aussi (Sen, 2000a, p. 146-149). En outre, en période de chômage structurel, est-ce un mal que de désinciter au travail ? Rappelons d’ailleurs que la courbe de Laffer n’est qu’une vue de l’esprit puisqu’elle se base sur des hypothèses très restrictives et qu’elle n’est pas vérifiée du point de vue macroéconomique qu’elle adopte, cf. (Théret et Uri, 1988). 9 Cf. notre chapitre I, section IV. 204

Ces coûts sont ce qui fournit à l’être humain les moyens de mener une vie pleinement humaine en le mettant « en situation de pouvoir se nourrir, se former et opérer [sa] propre libération » (Perroux, 1961, p. 518). Ils correspondent par là-même aux « capabilités de base » définies par Amartya Sen comme ce qui rend la personne capable d’accomplir certains actes fondamentaux tels que : la capacité de se déplacer (librement et sans être agressée), la possibilité de se nourrir adéquatement, les moyens de se procurer des vêtements et un toit, ou le pouvoir de participer à la vie sociale (Sen, 1993a, p. 210). Les « capabilités de base » ou les biens de départ, sont donc des caractéristiques propres à la personne individuelle, mais profondément liées au groupe, comme : être en bonne santé, être éduqué, être en mesure de participer aux échanges économiques, etc. Les droits de l’homme, à travers des procédures que l’on peut qualifier de « justice sociale », doivent conduire au plein développement des « capabilités de base », en premier lieu par la couverture des coûts de l’homme, ce qui signifie d’ailleurs qu’il faut reconnaître qu’au-delà « des transferts de richesse, l’enjeu est un transfert de libertés vécues » (Perroux, 1961, p. 371). En s’appliquant aux êtres humains réels, les droits de l’homme justifient par là-même des mesures d’économie publique et l’existence de l’Etatprovidence ou de tout mécanisme capable de garantir ces droits : assurer un revenu, répandre l’éducation, créer un système généralisé de soins, favoriser des conditions de travail respectueuses du travailleur, etc. B. L’indivisibilité des droits. Dès lors que des mesures de politiques publiques sont évoquées, il convient de remarquer l’importance même des droits de l’homme dans ce cadre en soulignant leur lien étroit avec la démocratie. Toute la logique des coûts de l’homme et des « capabilités de base », qui vise à donner une liberté de choix, d’acte et de pensée à la personne dans son indépendance socialisée, peut être entendue comme une promotion de la démocratie « véritable » puisque celle-ci repose sur l’existence de démocrates, de citoyens « qui veulent vraiment prendre en charge leur destin, sont prêts à se lancer dans l’aventure de la liberté responsable » (Imbert, 1991, p. 66). Mais c’est uniquement par la démocratie, 205

notamment lorsqu’ils montrent que telle procédure étatique est inefficace compte tenu <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

objectifs fixés 8 .<br />

Il est donc nécessaire <strong>de</strong> recentrer le propos, non pas sur l’efficacité économique,<br />

mais sur l’homme. Les <strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme concernent l’être humain dans sa<br />

multidimension, corps et conscience, et sont fondés sur la reconnaissance <strong>de</strong> sa dignité<br />

intrinsèque. Il faut donc, dans un premier temps, pouvoir définir les <strong>droits</strong> comme<br />

inhérents à la personne humaine, ce qui les lie inéluctablement à l’activité économique,<br />

celle-ci concernant « toujours l’être organique dans son sac <strong>de</strong> peau et l’esprit qui l’anime<br />

(...) » (Perroux, 1969, p. 284). Il convient dès lors d’établir un « statut humain <strong>de</strong> la vie »<br />

(I<strong>de</strong>m), défini par les « coûts <strong>de</strong> l’homme », eux-mêmes expression <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme<br />

et <strong>de</strong> leur indivisibilité. Les coûts <strong>de</strong> l’homme 9 peuvent s’exprimer dans la formule<br />

suivante :<br />

« Nourrir les hommes, Soigner les hommes, Instruire les hommes, Libérer les<br />

esclaves.<br />

Opérations tout élémentaires propres à procurer à chacun les « biens <strong>de</strong><br />

départ ». Ils ouvrent aux hommes l’accès au rang <strong>de</strong> personnes et <strong>de</strong> sociétés<br />

pleines <strong>de</strong> sens au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> l’efficacité ; ils leur permettent <strong>de</strong> tendre vers<br />

l’épanouissement (...) » (Perroux, 1969, p. 285).<br />

C’est seulement par la reconnaissance <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>droits</strong> qui sont <strong><strong>de</strong>s</strong> besoins reconnus comme<br />

<strong>de</strong>vant nécessairement être satisfaits (Meyer-Bisch, 1992, p. 57) que l’homme est mis en<br />

état <strong>de</strong> bénéficier <strong><strong>de</strong>s</strong> « biens <strong>de</strong> départ » disponibles pour tous. Mais la logique ici n’est<br />

pas celle <strong><strong>de</strong>s</strong> biens premiers rawlsiens ; il s’agit plutôt <strong>de</strong> donner à tous l’accès à une vie<br />

meilleure et plus longue, une chance <strong>de</strong> lutter contre les maladies et d’avoir un accès à la<br />

connaissance, par le biais <strong>de</strong> dépenses sans contrepartie, tel est le rôle <strong>de</strong> l’économie<br />

humaine (Perroux, 1961, p. 379). Les biens <strong>de</strong> départ doivent donc être entendus ici<br />

comme ce qui va permettre à l’homme d’être homme, d’exister en tant que tel. Par ailleurs,<br />

leur quantité n’est pas fixée par avance, elle doit être maximisée en fonction <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

possibilités <strong>de</strong> la société. Ils recoupent ainsi le financement <strong><strong>de</strong>s</strong> coûts <strong>de</strong> l’homme.<br />

8 Les critiques libérales <strong>de</strong> la sécurité sociale française illustrent ce point. Ainsi, la protection sociale créerait<br />

l’irresponsabilité (hasard moral, « free ri<strong>de</strong>r », etc.) et elle provoquerait <strong><strong>de</strong>s</strong> prélèvements excessifs<br />

conformément à la courbe <strong>de</strong> Laffer, trop d’impôts dissuadant <strong>de</strong> travailler. La plupart <strong><strong>de</strong>s</strong> arguments<br />

invoqués sont bien sûr à nuancer, comme le précise Chantal Euzéby (1998, p. 39) car ils n’insistent que sur<br />

l’aspect coût ; voir aussi (Sen, 2000a, p. 146-149). En outre, en pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> chômage structurel, est-ce un mal<br />

que <strong>de</strong> désinciter au travail ? Rappelons d’ailleurs que la courbe <strong>de</strong> Laffer n’est qu’une vue <strong>de</strong> l’esprit<br />

puisqu’elle se base sur <strong><strong>de</strong>s</strong> hypothèses très restrictives et qu’elle n’est pas vérifiée du point <strong>de</strong> vue<br />

macroéconomique qu’elle adopte, cf. (Théret et Uri, 1988).<br />

9 Cf. notre chapitre I, section IV.<br />

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