l'economie des droits de l'homme - creden - Université Montpellier I

propriété personnelle dont le rôle est de « procurer une base matérielle suffisante pour
créer le sens de l’indépendance personnelle et celui du respect de soi, tous deux essentiels à
l’exercice et au développement des facultés morales » (Rawls, 1993, p. 157, 164).
Les principes de justice relèvent d’une logique procédurale, c’est-à-dire
s’appliquent à la structure de base de la société. Cette dernière doit être organisée de
manière à maximiser les biens premiers à la disposition des moins avantagés pour qu’ils
puissent utiliser les libertés de base à la disposition de tous (Rawls, 1993, p. 184) 38 . Mais
comment maximiser ces biens premiers ? Quelle est leur pertinence pour garantir l’égale
liberté de tous ? Et comment déterminer les bien moins lotis ?
Le principal problème repose sur le fait que si le principe d’égale liberté reconnaît
l’égalité de la répartition des libertés de base, il est difficile de maximiser l’usage de cellesci
pour les bien moins lotis, dès lors que ces mêmes libertés font partie des biens premiers.
S’agit-il de considérer les bien moins lotis en terme de libertés de base et de leur en
octroyer plus ? Cela signifierait deux choses : tout d’abord que l’égalité en termes de
libertés est injuste puisqu’elle ne tient pas compte des différences individuelles ; ensuite,
qu’il est possible de donner plus de libertés aux moins libres qu’aux autres, les moins libres
étant ceux qui sont les moins à même de disposer des libertés à leur guise. Nous n’avons
pas trouvé de réponse pleinement satisfaisante à ces interrogations chez John Rawls, mais
c’est un problème abondamment débattu, notamment par Daniels (1975, p. 256) et Sen
(1992). Les réponses apportées ont une importance cruciale pour la compréhension d’une
théorie et d’une mise en œuvre des droits de l’homme.
Ainsi, pour Norman Daniels, il convient de remarquer que les inégalités de richesse
provoquent des inégalités de pouvoir qui causent elles-mêmes des inégalités de liberté. La
corrélation entre pouvoir et richesse, que la théorie économique a tendance à passer sous
silence, prend ici un rôle majeur qui éclaire, en outre, l’indivisibilité des droits de
l’homme. Nous pouvons illustrer ce fait par le premier exemple donné par Daniels, celui
du droit de vote et de la liberté politique. Il est possible d’observer le fait qui suit : le
suffrage universel garantit un droit de vote égal aux riches comme aux pauvres ;
cependant, les riches ont plus de possibilités pour sélectionner leur candidat, influencer
l’opinion – y compris par manipulation des médias – ou les législateurs, etc. La
conséquence est qu’il existe une inégalité de liberté de participer au processus politique.
C’est dire que le droit de vote, et plus généralement les droits civiques, reposent sur toute
38 Pour une discussion sur ce point, voir (Kolacinski, 2001a).
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