l'economie des droits de l'homme - creden - Université Montpellier I
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Section III : Les droits de l’homme et la justice. A notre sens complémentaires des travaux du « Public choice » (cf., par exemple, Mueller, 1976), les théories économiques de la justice sont particulièrement intéressantes pour une réflexion sur les droits de l’homme, car elles enrichissent la science économique de concepts qui lui sont extérieurs et qui sont susceptibles d’évaluer, notamment, la portée des critères de choix économiques. Il y a donc là une base d’une métaéconomie complexe, puisque ce sont les éléments extérieurs qui viennent éclairer les arguments économiques, et non l’inverse comme dans la section précédente. Il convient, tout d’abord, de remarquer qu’une théorie normative – ce qu’est l’économie, en tant que science sociale – se base sur des présupposés qui peuvent être associés à une certaine vision ‘éthique’ du monde. Les mesures proposées par les économistes sont ainsi justifiées traditionnellement par l’optimum parétien (Atkinson et Stiglitz, 1989) et par la maximisation de l’utilité. L’utilitarisme a longtemps dominé la pensée philosophique et économique en matière ‘d’équité’. Mais, depuis les années soixante-dix, une révolution s’est opérée à partir de l’ouvrage du philosophe John Rawls, A Theory of Justice. Les principes qu’il édicte ont été, depuis, beaucoup commentés et utilisés par des économistes 1 . Les principes de John Rawls sont les suivants ; le principe de différence étant celui auquel les économistes se sont le plus intéressés. 1. Chaque personne a un droit égal à un système pleinement adéquat de libertés de base égales pour tous, qui soit compatible avec un même système de libertés pour tous (principe d’égale liberté). 2. Les inégalités sociales et économiques doivent satisfaire à deux conditions : (a) elles doivent d’abord être attachées à des fonctions et à des positions ouvertes à tous, dans des conditions de juste égalité des chances (principe d’égalité des chances) ; 1 Sur les théories de la justice, de l’équité et du welfare, cf. (Affichard et Foucauld, 1992), (Alibert, 1999), (Arnsperger et Van Parijs, 2000), (Barr, 1992), (Blanchard, 1997), (Clément et Serra, 1999), (Demuijnck, 1998), (Fleurbaey, 1996), (Gamel, 1991 ; 1992), (Gaertner, 1994), (Gazier, 1998), (Hamlin, 1996), (Hausman et McPherson, 1993), (Kolm, 1994 ; 1996), (Le Clainche, 1999), (Lindbeck, 1988), (Maniquet, 1999), (Policar, 1999), (Roemer, 1996), (Salles, 1996), (Sen, 1991b ; 1992 ; 1993a), (Van Parijs, 1991), entre autres contributions ; sur l’utilitarisme plus particulièrement, (Cot, 1993), (Gamel, 1999), et (Sen, 1996) ; sur la théorie de John Rawls, (Daniels, 1975), (Dzimira, 1998), (Hart, 1975), (Maric, 1996), (Pharo, 1998), (Rawls, 1971 ; 1993 ; 1996), (Sandel, 1982) et (Sen, 1975) ; sur l’apport d’Amartya Sen, outre ses propres écrits, voir aussi (Hugon, 1999) et (Insel, 2000) notamment ; dans d’autres registres, (Greiner et Demuijnck, 1998a) nous apparaissent très intéressants, ainsi que (Grampp, 1989) et (Herland, 1998). 172
(b) elles doivent ensuite procurer le plus grand bénéfice aux membres les plus désavantagés de la société (principe de différence) ; (Rawls, 1993, p. 156). L’analyse économique s’est attachée à montrer comment les répartitions pouvaient être ‘équitables’. C’est-à-dire comment elles pouvaient respecter les principes de justice, soit ceux de Rawls, soit ceux des auteurs alternatifs qui ont souvent construit leurs approches en opposition ou par rapport aux principes de John Rawls. Une question essentielle se pose alors à l’économiste 2 : qu’est-ce qui doit être réparti ? Sont-ce les ressources (Dworkin) ? Sont-ce les biens premiers (Rawls) ? Sont-ce les « capabilités » (Sen) ? Et quel lien avec la notion de droits ?... Ou avec celle de droits de l’homme ? Etc. Dans cette section, nous exposons certaines des théories en présence. Nous indiquons les passerelles possibles avec une théorie des droits de l’homme, ce qui nous permet d’avancer dans la compréhension économique des droits de l’homme, comme dans celle des enjeux des théories de la justice. Dans cette section, nous étudions donc les rapports entre théories de la justice et droits de l’homme. Cette étude montre comment ces derniers sont finalement mal pris en compte alors même qu’ils peuvent entrer explicitement dans certaines démarches. Nous avons focalisé notre étude sur les trois approches les plus centrales dans les débats économiques. Cette limitation ne nous semble pas préjudiciable en ce sens que les théories laissées de côté ne prennent pas davantage en compte les droits de l’homme, pour le point de vue qui nous occupe. Signalons, en particulier, que nous avons laissé de côté les théories de « l’équité en environnement économique » (cf. Maniquet, 1999) ainsi que les théories dites de la « justice locale ». En ce qui concerne les premières, il s’agit de théories basées sur l’étude d’axiomes, dont la démarche et les principaux résultats nous paraissent théoriquement incompatibles avec une approche en terme de droits de l’homme. Nous ne nions pas pour autant qu’il conviendrait d’approfondir ce point de vue. En ce qui concerne les théories de la justice locale, ce sont, au sein des théories de la justice, les développements récents qui nous paraissent les plus porteurs. Cependant, elles ne correspondent pas à l’objectif de cette section et, plus globalement, de cette thèse. Ce qui nous intéresse dans ce chapitre, c’est le rôle des 2 Une autre question essentielle dans ce cadre, est celle concernant la relation entre l’efficacité et l’égalité. Les économistes opposent souvent efficacité et égalité, une société devant être inégalitaire pour être efficace, ce que peut laisser sous-entendre le principe de différence rawlsien s’il est lu dans une optique de pur libéralisme économique. Mais ce serait pervertir le propos de Rawls qui possède un biais égalitaire (cf. l’appendice I au présent chapitre). En outre, l’opposition entre efficacité (ou efficience) et équité, n’a aucun fondement solide (Thurow, 1981), (Boyer, 1992), (Chiappori, 1992) ; par ailleurs, une distribution égalitaire des revenus peut être bénéfique à la croissance en permettant un niveau de revenu favorable à la consommation des biens industriels, cf. (Hirschman, 1986, p.42-44). 173
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L’analyse économique s’est attachée à montrer comment les répartitions pouvaient être<br />
‘équitables’. C’est-à-dire comment elles pouvaient respecter les principes <strong>de</strong> justice, soit<br />
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en opposition ou par rapport aux principes <strong>de</strong> John Rawls. Une question essentielle se pose<br />
alors à l’économiste 2 : qu’est-ce qui doit être réparti ? Sont-ce les ressources (Dworkin) ?<br />
Sont-ce les biens premiers (Rawls) ? Sont-ce les « capabilités » (Sen) ? Et quel lien avec la<br />
notion <strong>de</strong> <strong>droits</strong> ?... Ou avec celle <strong>de</strong> <strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme ? Etc.<br />
Dans cette section, nous exposons certaines <strong><strong>de</strong>s</strong> théories en présence. Nous<br />
indiquons les passerelles possibles avec une théorie <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme, ce qui nous<br />
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rapports entre théories <strong>de</strong> la justice et <strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme. Cette étu<strong>de</strong> montre comment ces<br />
<strong>de</strong>rniers sont finalement mal pris en compte alors même qu’ils peuvent entrer<br />
explicitement dans certaines démarches. Nous avons focalisé notre étu<strong>de</strong> sur les trois<br />
approches les plus centrales dans les débats économiques. Cette limitation ne nous semble<br />
pas préjudiciable en ce sens que les théories laissées <strong>de</strong> côté ne prennent pas davantage en<br />
compte les <strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme, pour le point <strong>de</strong> vue qui nous occupe. Signalons, en<br />
particulier, que nous avons laissé <strong>de</strong> côté les théories <strong>de</strong> « l’équité en environnement<br />
économique » (cf. Maniquet, 1999) ainsi que les théories dites <strong>de</strong> la « justice locale ». En<br />
ce qui concerne les premières, il s’agit <strong>de</strong> théories basées sur l’étu<strong>de</strong> d’axiomes, dont la<br />
démarche et les principaux résultats nous paraissent théoriquement incompatibles avec une<br />
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d’approfondir ce point <strong>de</strong> vue. En ce qui concerne les théories <strong>de</strong> la justice locale, ce sont,<br />
au sein <strong><strong>de</strong>s</strong> théories <strong>de</strong> la justice, les développements récents qui nous paraissent les plus<br />
porteurs. Cependant, elles ne correspon<strong>de</strong>nt pas à l’objectif <strong>de</strong> cette section et, plus<br />
globalement, <strong>de</strong> cette thèse. Ce qui nous intéresse dans ce chapitre, c’est le rôle <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
2 Une autre question essentielle dans ce cadre, est celle concernant la relation entre l’efficacité et l’égalité.<br />
Les économistes opposent souvent efficacité et égalité, une société <strong>de</strong>vant être inégalitaire pour être efficace,<br />
ce que peut laisser sous-entendre le principe <strong>de</strong> différence rawlsien s’il est lu dans une optique <strong>de</strong> pur<br />
libéralisme économique. Mais ce serait pervertir le propos <strong>de</strong> Rawls qui possè<strong>de</strong> un biais égalitaire (cf.<br />
l’appendice I au présent chapitre). En outre, l’opposition entre efficacité (ou efficience) et équité, n’a aucun<br />
fon<strong>de</strong>ment soli<strong>de</strong> (Thurow, 1981), (Boyer, 1992), (Chiappori, 1992) ; par ailleurs, une distribution égalitaire<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> revenus peut être bénéfique à la croissance en permettant un niveau <strong>de</strong> revenu favorable à la<br />
consommation <strong><strong>de</strong>s</strong> biens industriels, cf. (Hirschman, 1986, p.42-44).<br />
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