l'economie des droits de l'homme - creden - Université Montpellier I

4. Les droits constitutionnels pour Dennis Mueller.
Dennis Mueller (1991) précise la définition d’un droit et du contenu possible de la
Constitution. Pour lui, « un droit est une liberté inconditionnelle qu’a un individu
d’entreprendre une action particulière ou de ne pas commettre cette action, sans subir
l’interférence ou la coercition d’autres individus ou d’institutions ». S’il considère les
droits constitutionnels comme des moyens, l’inscription de ces droits dans le cadre de la
liberté leur donne nécessairement une valeur intrinsèque. Deux types de droits peuvent
alors entrer dans la Constitution : les droits qui garantissent la démocratie en luttant contre
l’arbitraire ; les droits de liberté (« liberty » ou « constitutionally protected rights »). Les
premiers se basent sur un calcul coûts-bénéfices qui dépend de deux facteurs : le coût pour
l’ensemble des individus de la violation d’un droit 35 et l’incertitude quant à la situation
dans laquelle peuvent se retrouver les constituants. Ainsi, un peu comme sous un voile
d’ignorance, les constituants vont définir des droits très généraux susceptibles de
s’appliquer à toutes les situations dans lesquelles ils pourraient se retrouver par la suite.
Une règle de protection des droits civils et juridiques des minorités entre dans ce cadre : les
règles judiciaires ne vont pas désavantager telle ou telle minorité, car celle-ci pourrait un
jour être majoritaire et appliquer alors ces règles discriminatoires ; les droits à un procès
équitable et rapide, l’interdiction de la détention arbitraire, etc. sont des droits pris en ce
sens. Selon cette vision, les droits constitutionnels proviennent donc d’un contrat entre les
individus, qui repose sur un calcul coûts-bénéfices. De fait, la Constitution américaine ne
défendait pas la liberté des esclaves, mais le droit de propriété des esclavagistes, puisque
les constituants ne couraient aucun risque d’être esclaves un jour. Fondamentalement, les
droits de l’homme sont différents car ils ne reposent pas sur un calcul de ce type.
Le second ensemble de droits, qualifiés de « droits économiques » par Mueller, se
définit par les mêmes principes, sous une procédure similaire de voile d’ignorance. Il
s’agit, sous contrainte d’incertitude, de fixer les droits susceptibles de bénéficier à tous,
comme une sorte d’assurance collective sur l’avenir. Ces droits sont différents des
précédents car ils ne requièrent pas seulement la liberté d’agir mais aussi la capacité
d’agir. Il s’agit notamment des droits d’accès à la nourriture, aux soins et à l’éducation, qui
dépendent des ressources nécessaires pour en bénéficier. La Constitution peut donc
35 Nous trouvons là un principe proche de l’utilitarisme de règle, dont nous verrons qu’il est assez limité en
matière de prise en compte des droits de l’homme (cf. section suivante).
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