l'economie des droits de l'homme - creden - Université Montpellier I

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2. La limite du mécanisme principal-agent. En second lieu, il est possible d’observer que l’analyse de la démocratie en terme de principal-agent pose un problème évident. Elle fait l’hypothèse que l’élu est le représentant direct de ses électeurs et répond à leurs exigences, au lieu d’être le représentant de la nation tout entière. Elle remet ainsi en cause le fondement de la démocratie représentative 30 . Une contradiction peut encore être soulevée ici : les théoriciens du « Public choice » pointent du doigt les politiciens parce qu’ils adoptent un comportement égoïste, suivant leur intérêt personnel plutôt qu’une quelconque idéologie et, ce faisant, servent davantage les intérêts de leurs électeurs spécifiques plutôt que l’intérêt général ; cependant, le comportement égoïste semble être optimal, pour ces économistes, sur le marché économique. Ne peut-on pas s’interroger alors, d’une part sur la pertinence de cette dernière affirmation et, d’autre part, sur la pertinence de l’affectation d’un comportement égoïste à la sphère politique qui efface tous les autres comportements ? Il est difficile, en effet, de supposer que les hommes politiques et les fonctionnaires, n’agissent que par intérêt personnel ; si seul l’intérêt personnel comptait, l’existence même du multipartisme serait compromise, car chacun chercherait à toujours être dans le parti au pouvoir, en oubliant ses convictions propres – si tant est que celles-ci existent d’ailleurs 31 . L’existence des droits de l’homme, fondements des partis démocratiques, s’oppose à cette vision restrictive du fonctionnement de la démocratie et de l’Etat. En fixant des objectifs globaux et à long terme, ces droits justifient également les « missions de services publics » ou la production de biens collectifs. 3. La question des objectifs à long terme et des externalités. En dernier lieu, donc, c’est la question des externalités et du calendrier que nous amènent à évoquer les analyses des choix publics, lorsqu’elles montrent le danger des élections qui seraient à elles seules les buts et objectifs de toutes les mesures politiques. Les hommes politiques n’auraient ainsi d’autres projets que de se faire élire et ne vivent donc qu’en attente des prochaines élections. Quant aux fonctionnaires, ils ne pensent qu’à accroître sans cesse leur budget, sans souci de l’intérêt général. Par conséquent, il nous apparaît qu’il convient de fixer des objectifs à long terme, étroitement liés au bon 30 D’après Sieyès notamment, cf. (Ferry et Renaut, 1985, p. 94-95), ainsi que (Bobbio, 1996). 31 Sur l’analyse du cycle privé/public, voir aussi l’essai d’Albert Hirschman (1982). 166

fonctionnement de la démocratie. Cela implique notamment de définir les services publics indispensables que les administrations ont à remplir. En outre, les droits de l’homme, qui s’insèrent dans les mécanismes d’échanges démocratiques, sont une source d’externalités positives. Ce fait contrecarre certaines des critiques formulées par les théoriciens des choix publics. Cette remise en cause, toutefois, est aussi présente au sein de ce courant, et ce dès l’ouvrage fondateur d’Anthony Downs. En effet, ce dernier indique que si l’Etat n’est pas optimal – du fait qu’il n’égalise pas son revenu marginal et son coût marginal – il produit cependant des économies d’échelle grandement profitables pour tous (Downs, 1957, p. 376g). Malgré tout, l’extension du rôle de l’Etat reste fortement contestée, comme l’illustrent les propos de William Niskanen (1998), qui appelle à se concentrer sur les « vrais » buts de la Constitution 32 . B. Limiter le pouvoir de l’Etat : la Constitution. L’Etat est l’expression du pouvoir. En démocratie, il est le garant de l’intérêt général et le représentant de la souveraineté populaire. Mais pour garantir qu’il est bien l’émanation de cette souveraineté, et donc pour garantir le fonctionnement démocratique du régime politique, il convient d’établir une Constitution qui définit les prérogatives du pouvoir. C’est parce que l’Etat est le détenteur de l’autorité publique qu’il convient d’en « avoir peur » et de créer des structures et institutions pour s’en protéger, pour en garantir le contrôle (Moe, 1990, p. 232). En fait, il nous semble tout d’abord que les analyses des choix publics commettent ici une erreur puisque ce n’est pas l’Etat (ou le gouvernement) qui est dangereux et ce n’est pas contre l’Etat qu’est établie la Constitution, mais contre le pouvoir arbitraire dont pourrait user ce dernier. Cette distinction est importante car c’est elle qui, la première, fonde les droits de l’homme et les droits constitutionnels (cf. par exemple les articles 12 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789). 32 Bien que cet auteur ait une position conséquente, il nous semble qu’en se basant sur la Constitution américaine pour justifier le libéralisme le plus pur, il néglige de légitimer les propos de cette Constitution ; en outre, les interprétations contemporaines de la Constitution ne lui convenant pas, il les remet en cause sans, à nos yeux, donner de fondements théoriques valables à sa contestation, excepté le fait que ces interprétations ne sont pas conformes à ce qu’il considère comme la pure tradition libérale ; voir en particulier (Niskanen, 1998, ch. 33, p. 405-411). 167

2. La limite du mécanisme principal-agent.<br />

En second lieu, il est possible d’observer que l’analyse <strong>de</strong> la démocratie en terme<br />

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démocratie représentative 30 . Une contradiction peut encore être soulevée ici : les<br />

théoriciens du « Public choice » pointent du doigt les politiciens parce qu’ils adoptent un<br />

comportement égoïste, suivant leur intérêt personnel plutôt qu’une quelconque idéologie<br />

et, ce faisant, servent davantage les intérêts <strong>de</strong> leurs électeurs spécifiques plutôt que<br />

l’intérêt général ; cependant, le comportement égoïste semble être optimal, pour ces<br />

économistes, sur le marché économique. Ne peut-on pas s’interroger alors, d’une part sur<br />

la pertinence <strong>de</strong> cette <strong>de</strong>rnière affirmation et, d’autre part, sur la pertinence <strong>de</strong> l’affectation<br />

d’un comportement égoïste à la sphère politique qui efface tous les autres comportements ?<br />

Il est difficile, en effet, <strong>de</strong> supposer que les hommes politiques et les fonctionnaires,<br />

n’agissent que par intérêt personnel ; si seul l’intérêt personnel comptait, l’existence même<br />

du multipartisme serait compromise, car chacun chercherait à toujours être dans le parti au<br />

pouvoir, en oubliant ses convictions propres – si tant est que celles-ci existent d’ailleurs 31 .<br />

L’existence <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme, fon<strong>de</strong>ments <strong><strong>de</strong>s</strong> partis démocratiques, s’oppose à cette<br />

vision restrictive du fonctionnement <strong>de</strong> la démocratie et <strong>de</strong> l’Etat. En fixant <strong><strong>de</strong>s</strong> objectifs<br />

globaux et à long terme, ces <strong>droits</strong> justifient également les « missions <strong>de</strong> services publics »<br />

ou la production <strong>de</strong> biens collectifs.<br />

3. La question <strong><strong>de</strong>s</strong> objectifs à long terme et <strong><strong>de</strong>s</strong> externalités.<br />

En <strong>de</strong>rnier lieu, donc, c’est la question <strong><strong>de</strong>s</strong> externalités et du calendrier que nous<br />

amènent à évoquer les analyses <strong><strong>de</strong>s</strong> choix publics, lorsqu’elles montrent le danger <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

élections qui seraient à elles seules les buts et objectifs <strong>de</strong> toutes les mesures politiques.<br />

Les hommes politiques n’auraient ainsi d’autres projets que <strong>de</strong> se faire élire et ne vivent<br />

donc qu’en attente <strong><strong>de</strong>s</strong> prochaines élections. Quant aux fonctionnaires, ils ne pensent qu’à<br />

accroître sans cesse leur budget, sans souci <strong>de</strong> l’intérêt général. Par conséquent, il nous<br />

apparaît qu’il convient <strong>de</strong> fixer <strong><strong>de</strong>s</strong> objectifs à long terme, étroitement liés au bon<br />

30 D’après Sieyès notamment, cf. (Ferry et Renaut, 1985, p. 94-95), ainsi que (Bobbio, 1996).<br />

31 Sur l’analyse du cycle privé/public, voir aussi l’essai d’Albert Hirschman (1982).<br />

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