l'economie des droits de l'homme - creden - Université Montpellier I
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3. Les dépenses publiques : un bien ou un mal ? Selon notre raisonnement, il serait profitable de faire une distinction entre les dépenses. Une telle position relève de l’évidence et, de fait, nous pouvons supposer que les économistes, y compris ceux des choix publics, font une telle distinction. Mais, en général, ce sont les dépenses sociales qui sont visées, c’est-à-dire celles qui corrigent les résultats du jeu de catallaxie 22 . Ainsi, la « démocratie des pauvres » d’Aristote est retrouvée, mais inversée. Pour Aristote, le pouvoir en démocratie appartient aux pauvres alors que, si un grand nombre de riches dominent un moindre nombre de pauvres, il s’agit d’une oligarchie (Rigaux, 1991). Pour les partisans des choix publics et les économistes en général, c’est l’efficacité qui prime au travers de l’optimum parétien. Il y a donc ainsi un biais en faveur du statu quo, l’amélioration de la situation des pauvres ne devant pas dégrader la situation des riches. Le plaidoyer en faveur de la règle d’unanimité, qui semble très démocratique, découle directement de ce principe parétien. Par voie de conséquence, lorsque le régime répond à la règle de la majorité et « obéit » aux pauvres, qui sont souvent les plus nombreux, le système est sous-optimal et doit donc être contrôlé et limité. Il doit l’être d’autant plus qu’il perturbe le fonctionnement normal du jeu de catallaxie, puisque, si nous suivons les conclusions de Downs (1957), le gouvernement démocratique qui favorise ceux qui ont de faibles revenus par le biais des dépenses sociales (sécurité sociale, éducation gratuite pour tous, etc.), ne peut que s’opposer à la loi du marché qui aboutit à une répartition inégalitaire des revenus ; donc, « plus la démocratie est tangible sur le plan politique, plus le gouvernement interfère avec le fonctionnement normal de l’économie ». Les propos de Milton Friedman (1991) contre les libertés politiques se retrouvent bien dans une perspective de l’école des choix publics. A contrario, l’interdépendance des droits de l’homme est attestée, les aspects politiques, économiques et sociaux étant étroitement imbriqués. Mais avant d’entrer dans ce genre de développement, nous voulons analyser davantage les apports des choix publics. Pour conclure sur le point présent, nous souhaitons indiquer rapidement une autre façon d’étudier les raisons économiques de la remise en cause de la démocratie. En effet, le présupposé de la catallaxie a amené les 22 Un autre argument contre les dépenses sociales est employé par William Niskanen (1998, p. 338-340) qui considère que c’est la Constitution des Etats-Unis qui définit les dépenses légitimes du gouvernement. Cet argument est très paradoxal puisque, cette Constitution ne reconnaissant explicitement que les dépenses militaires, Niskanen en conclut que celles-ci sont justifiées mais qu’en ce qui concerne les services sociaux, « les Américains n’ont aucun recours légal pour limiter l’extension de ces services ». Ainsi, ce qui doit inspirer de la terreur, ce n’est bel et bien pas l’Etat militaire, mais l’Etat social ! 160
économistes à critiquer la démocratie pour des raisons d’inefficacité économique. Une démarche tout autre, mais également pertinente, consiste à s’interroger sur les raisons économiques de l’avènement d’une dictature. Si l’écroulement d’un régime dictatorial n’a des soubassements économiques que de manière relative (Pei et Adesnik, 2000), il va de soi que les raisons économiques ne sont pas non plus les seuls facteurs explicatifs de l’arrivée d’un parti extrémiste au pouvoir. Cependant, ces raisons ne sont pas pour autant absentes et l’économiste peut y apporter des solutions. 4. Les raisons économiques de la fin de la démocratie. Nous partons du présupposé que la démocratie est supérieure à la dictature, ne serait-ce que parce qu’elle implique la concurrence des partis contre le monopole d’un seul 23 . Dès lors, il est primordial d’observer que certains facteurs explicatifs de l’émergence d’une dictature sont économiques 24 . C’est ce que fait en partie M. Kalecki (1943) lorsqu’il montre comment le fascisme s’est développé pour lutter contre le chômage et pour répondre à l’hostilité des industriels à l’égard de l’intervention de l’Etat. Autrement dit, la crise économique est un des facteurs explicatifs de la montée des partis fascistes et, de fait, le régime hitlérien a permis à la population de retrouver un certain niveau de vie 25 . Ceci étant, le cercle vicieux du fascisme instauré, le plein-emploi maintenu par de bas 23 Mais aussi parce que « toutes les dictatures sont mauvaises », d’après le modèle de choix social de Uzi Segal (2000) qui est l’un des rares résultats « positifs » de cette théorie. 24 De la même façon, l’analogie entre la méthode de Becker (1974) et celle du « Public choice » est pertinente, puisqu’elles se concentrent sur une interprétation en terme d’échange des phénomènes étudiés, plutôt que d’envisager les facteurs économiques au sein d’autres facteurs. A contrario, la théorie du suicide d’Hamermech et Soss (1974) précise bien que les facteurs économiques ne sont pas centraux, qu’ils font partie d’un tout. L’intérêt d’une telle démarche est d’éclairer certains facteurs explicatifs sur lesquels l’économiste a son mot à dire, dès lors que l’objet étudié est considéré comme négatif ou positif. Si le suicide est jugé pernicieux, alors il convient de s’efforcer de lutter contre ses causes. Parmi celles-ci, les causes économiques peuvent être relevées, au nombre desquelles le chômage ou l’absence de ressources chez les personnes âgées. Une théorie économique du suicide de ce type soulève tout d’abord la question de l’évaluation de la vie humaine par l’économiste ; est-ce à lui de dire si le suicide est pernicieux en fonction de la perte de productivité future ou, est-ce à la société à partir d’autres critères ? Ensuite, cette théorie permet de défendre les droits de l’homme, comme l’accès à la sécurité sociale. De la même façon, si la démocratie est jugée favorable par la société, les causes économiques qui s’y opposent doivent être pointées par l’économiste qui doit pouvoir leur apporter des solutions. 25 Cependant, même dans ce cas, les facteurs économiques ne sont pas la clef ultime de l’explication, mais cela nous amène à pointer un autre élément important : comme le note John Rawls (1996, p. 83-84), les Etats « hors la loi », c’est-à-dire ne respectant pas les droits de l’homme, ne sont pas nécessairement des sociétés manquant de ressources pour appliquer ces droits. L’Allemagne était un pays politiquement, socialement et économiquement parmi les plus avancés. Il n’y a donc pas une corrélation automatique (et légitime) entre pauvreté et non-respect des droits de l’homme (voir aussi Sen, 2000a sur ce point). Par contre, nous dit Rawls, la faille de ces sociétés était leurs traditions politiques, leurs institutions de base et structure de classe, ainsi que leurs culture et croyances. 161
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économistes à critiquer la démocratie pour <strong><strong>de</strong>s</strong> raisons d’inefficacité économique. Une<br />
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économiques <strong>de</strong> l’avènement d’une dictature. Si l’écroulement d’un régime dictatorial n’a<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> soubassements économiques que <strong>de</strong> manière relative (Pei et A<strong><strong>de</strong>s</strong>nik, 2000), il va <strong>de</strong><br />
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absentes et l’économiste peut y apporter <strong><strong>de</strong>s</strong> solutions.<br />
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Nous partons du présupposé que la démocratie est supérieure à la dictature, ne<br />
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seul 23 . Dès lors, il est primordial d’observer que certains facteurs explicatifs <strong>de</strong><br />
l’émergence d’une dictature sont économiques 24 . C’est ce que fait en partie M. Kalecki<br />
(1943) lorsqu’il montre comment le fascisme s’est développé pour lutter contre le chômage<br />
et pour répondre à l’hostilité <strong><strong>de</strong>s</strong> industriels à l’égard <strong>de</strong> l’intervention <strong>de</strong> l’Etat. Autrement<br />
dit, la crise économique est un <strong><strong>de</strong>s</strong> facteurs explicatifs <strong>de</strong> la montée <strong><strong>de</strong>s</strong> partis fascistes et,<br />
<strong>de</strong> fait, le régime hitlérien a permis à la population <strong>de</strong> retrouver un certain niveau <strong>de</strong> vie 25 .<br />
Ceci étant, le cercle vicieux du fascisme instauré, le plein-emploi maintenu par <strong>de</strong> bas<br />
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Segal (2000) qui est l’un <strong><strong>de</strong>s</strong> rares résultats « positifs » <strong>de</strong> cette théorie.<br />
24 De la même façon, l’analogie entre la métho<strong>de</strong> <strong>de</strong> Becker (1974) et celle du « Public choice » est<br />
pertinente, puisqu’elles se concentrent sur une interprétation en terme d’échange <strong><strong>de</strong>s</strong> phénomènes étudiés,<br />
plutôt que d’envisager les facteurs économiques au sein d’autres facteurs. A contrario, la théorie du suici<strong>de</strong><br />
d’Hamermech et Soss (1974) précise bien que les facteurs économiques ne sont pas centraux, qu’ils font<br />
partie d’un tout. L’intérêt d’une telle démarche est d’éclairer certains facteurs explicatifs sur lesquels<br />
l’économiste a son mot à dire, dès lors que l’objet étudié est considéré comme négatif ou positif. Si le suici<strong>de</strong><br />
est jugé pernicieux, alors il convient <strong>de</strong> s’efforcer <strong>de</strong> lutter contre ses causes. Parmi celles-ci, les causes<br />
économiques peuvent être relevées, au nombre <strong><strong>de</strong>s</strong>quelles le chômage ou l’absence <strong>de</strong> ressources chez les<br />
personnes âgées. Une théorie économique du suici<strong>de</strong> <strong>de</strong> ce type soulève tout d’abord la question <strong>de</strong><br />
l’évaluation <strong>de</strong> la vie humaine par l’économiste ; est-ce à lui <strong>de</strong> dire si le suici<strong>de</strong> est pernicieux en fonction <strong>de</strong><br />
la perte <strong>de</strong> productivité future ou, est-ce à la société à partir d’autres critères ? Ensuite, cette théorie permet<br />
<strong>de</strong> défendre les <strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme, comme l’accès à la sécurité sociale. De la même façon, si la démocratie<br />
est jugée favorable par la société, les causes économiques qui s’y opposent doivent être pointées par<br />
l’économiste qui doit pouvoir leur apporter <strong><strong>de</strong>s</strong> solutions.<br />
25 Cependant, même dans ce cas, les facteurs économiques ne sont pas la clef ultime <strong>de</strong> l’explication, mais<br />
cela nous amène à pointer un autre élément important : comme le note John Rawls (1996, p. 83-84), les Etats<br />
« hors la loi », c’est-à-dire ne respectant pas les <strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme, ne sont pas nécessairement <strong><strong>de</strong>s</strong> sociétés<br />
manquant <strong>de</strong> ressources pour appliquer ces <strong>droits</strong>. L’Allemagne était un pays politiquement, socialement et<br />
économiquement parmi les plus avancés. Il n’y a donc pas une corrélation automatique (et légitime) entre<br />
pauvreté et non-respect <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme (voir aussi Sen, 2000a sur ce point). Par contre, nous dit<br />
Rawls, la faille <strong>de</strong> ces sociétés était leurs traditions politiques, leurs institutions <strong>de</strong> base et structure <strong>de</strong> classe,<br />
ainsi que leurs culture et croyances.<br />
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