l'economie des droits de l'homme - creden - Université Montpellier I
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En gardant à l’esprit que la valeur principale des économistes est l’efficacité, la démocratie, entendue comme système de vote à la majorité 17 , s’avère être un mauvais allocateur de ressources (Tullock, 1959), (Wolfelsperger, 1991). Bien qu’il puisse être relevé, comme le note Alain Wolfelsperger, que si les individus sont seuls aptes à se prononcer sur ce qui les concerne, les seules institutions qui ont les faveurs de l’économiste reposent sur les opinions individuelles et sont donc démocratiques, antiélitistes et, si possible, directes ; il n’empêche que les institutions démocratiques ont des défauts que les économistes entendent bien dénoncer. C’est un apport essentiel du « Public choice » que d’indiquer les limites de la démocratie ; néanmoins, beaucoup des critiques adressées à la démocratie reposent sur le postulat de la perfection du jeu de catallaxie et sur la doctrine de l’Etat minimal, ce qui conduit à une dénégation des droits de l’homme. Ainsi, la critique économique centrale, qui sous-tend la plupart des autres, porte sur l’accroissement des dépenses de l’Etat. Puisque ce dernier est le principal garant des droits de l’homme 18 , cette question est fondamentale, d’autant plus que c’est la démocratie qui va nourrir le respect de ces droits. La démarche est la suivante : puisque, en économie, ce sont les jeux de l’échange ou, pour le dire plus simplement, le marché, qui assurent l’allocation optimale des ressources, il convient d’empiéter le moins possible sur leur librefonctionnement. Or, l’Etat et le gouvernement, par leurs actions, perturbent le marché. On va donc analyser le fonctionnement de l’Etat et du gouvernement dans un cadre optimal, c’est-à-dire en l’assimilant à un marché, pour montrer que ce marché, soit ne fonctionne pas de manière optimale, soit provoque des effets pervers ; ces derniers incluent des externalités négatives vis-à-vis du marché économique, mais sont plus que cela 19 . 17 James Buchanan (1996, p. 3) est clair sur ce point puisqu’il écrit : « mon intérêt porte sur la ‘démocratie’, si cette forme générale d’organisation politique signifie ‘règne de la majorité’ ». Nous traduisons « rules » par ‘règne’, car c’est bien l’idée de Buchanan. Sur le fait que la démocratie est plus que le vote à la règle de la majorité, cf. (Meyer-Bisch, 1991). 18 Ou du moins le garant en dernier ressort puisqu’il est l’essence même du pouvoir (et du pouvoir démocratique). Ainsi, du point de vue théorique, l’Etat est le détenteur de la violence légitime, normalement seul à même de protéger tous les êtres humains. Du point de vue pratique, l’Etat est le signataire des Traités et Conventions relatives aux droits de l’homme et il en est donc le premier responsable. Mais encore faut-il qu’il ait les moyens de jouer ce rôle. 19 Il convient de noter le paradoxe de la démarche qui consiste à démontrer que la démocratie est inefficace en l’assimilant à un marché ; en effet, le marché étant censément parfait, il est utilisé pour montrer l’imperfection d’un fonctionnement basé sur l’égoïsme, la recherche de l’intérêt individuel et l’échange. Cependant, une telle analyse ne remet pas en cause la perfection du marché lui-même et ne conduit pas ces économistes à s’interroger sur la pertinence d’une extension du système marchand à la sphère politique. Une analyse métaéconomique tente de lever cette lacune. Notons que certains auteurs considèrent que les marchés politique et économique sont efficaces, par exemple Wittman (1989), alors que d’autres établissent clairement que les deux institutions ont leurs faiblesses et leurs forces, comme (Inman, 1987, réf. citée) cité par Barr (1992, p. 757). 158
Le fonctionnement du marché politique subit les avatars des groupes de pression qui entraînent des dépenses plus grandes en faveur de certaines catégories d’individus et au détriment des autres. Cela est possible car l’Etat possède l’emploi légitime de la force, de la contrainte, et peut donc imposer ses vues à tous. Autrement dit, l’échange entre l’individu et l’Etat n’est pas un échange entre contractants libres et égaux. Ce point justifie le développement d’une économie constitutionnelle – dont James Buchanan est le chef de file – qui tente d’indiquer comment poser des limites au rôle de l’Etat. Nous reviendrons par la suite sur ces développements, puisque les droits de l’homme, selon notre point de vue, sont centraux dans ce genre d’analyse ; à l’origine d’ailleurs, ne visaient-ils pas la limitation de l’arbitraire étatique ? Les défauts du marché politique vont cependant plus loin puisqu’ils incluent, par le seul fait de la création de lois, une augmentation des dépenses gouvernementales (Tollison, 1988). Alors que les économistes défendent le suffrage universel, chaque individu comptant pour un et seul l’individu sachant ce qui est bon pour lui, certains se sont interrogés sur la pertinence de l’extension du suffrage aux femmes, puisque celles-ci seraient favorables à l’accroissement des dépenses sociales de l’Etat 20 . Autre problème qui a été invoqué, celui du cycle politico-économique dans lequel le gouvernement provoque des dépenses inflationnistes avant les élections pour, une fois réélu, revenir à une politique de rigueur. S’il peut déjà être noté, à la suite de Peltzman (1990, p. 57), que nous ne savons pas répondre à la question « est-ce que l’inflation est une mauvaise chose pour le pays ? » 21 , il est possible aussi de s’interroger sur la pertinence de l’opposition à l’extension des dépenses publiques. 20 Par exemple, Lott John R. et Kenny Lawrence W., (1997), « Was it a mistake to give women the right to vote ? Impact on the growth of government ? », Communication à la Public Choice Society , citée par (Girard, 1998, p. 152). 21 Sauf cas d’hyperinflation, comme le laisse penser l’exemple de l’Allemagne de l’entre-deux-guerres, où l’inflation pourrait être une cause de la chute de la démocratie, cf. (Hill, Butler et Lorenzen, 1977) ; voir aussi, sur les « méfaits » de l’inflation, Hewlett (1977) qu’il convient de fortement nuancer, notamment en suivant les commentaires de Colander (1977) – le fait est que l’inflation est d’origines diverses et qu’en fonction de celles-ci, elle aura des effets plus ou moins négatifs ou positifs. 159
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Le fonctionnement du marché politique subit les avatars <strong><strong>de</strong>s</strong> groupes <strong>de</strong> pression<br />
qui entraînent <strong><strong>de</strong>s</strong> dépenses plus gran<strong><strong>de</strong>s</strong> en faveur <strong>de</strong> certaines catégories d’individus et au<br />
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l’individu et l’Etat n’est pas un échange entre contractants libres et égaux. Ce point justifie<br />
le développement d’une économie constitutionnelle – dont James Buchanan est le chef <strong>de</strong><br />
file – qui tente d’indiquer comment poser <strong><strong>de</strong>s</strong> limites au rôle <strong>de</strong> l’Etat. Nous reviendrons<br />
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vue, sont centraux dans ce genre d’analyse ; à l’origine d’ailleurs, ne visaient-ils pas la<br />
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Les défauts du marché politique vont cependant plus loin puisqu’ils incluent, par le<br />
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comptant pour un et seul l’individu sachant ce qui est bon pour lui, certains se sont<br />
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seraient favorables à l’accroissement <strong><strong>de</strong>s</strong> dépenses sociales <strong>de</strong> l’Etat 20 . Autre problème qui<br />
a été invoqué, celui du cycle politico-économique dans lequel le gouvernement provoque<br />
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<strong>de</strong> rigueur. S’il peut déjà être noté, à la suite <strong>de</strong> Peltzman (1990, p. 57), que nous ne savons<br />
pas répondre à la question « est-ce que l’inflation est une mauvaise chose pour le<br />
pays ? » 21 , il est possible aussi <strong>de</strong> s’interroger sur la pertinence <strong>de</strong> l’opposition à<br />
l’extension <strong><strong>de</strong>s</strong> dépenses publiques.<br />
20 Par exemple, Lott John R. et Kenny Lawrence W., (1997), « Was it a mistake to give women the right to<br />
vote ? Impact on the growth of government ? », Communication à la Public Choice Society , citée par<br />
(Girard, 1998, p. 152).<br />
21 Sauf cas d’hyperinflation, comme le laisse penser l’exemple <strong>de</strong> l’Allemagne <strong>de</strong> l’entre-<strong>de</strong>ux-guerres, où<br />
l’inflation pourrait être une cause <strong>de</strong> la chute <strong>de</strong> la démocratie, cf. (Hill, Butler et Lorenzen, 1977) ; voir<br />
aussi, sur les « méfaits » <strong>de</strong> l’inflation, Hewlett (1977) qu’il convient <strong>de</strong> fortement nuancer, notamment en<br />
suivant les commentaires <strong>de</strong> Colan<strong>de</strong>r (1977) – le fait est que l’inflation est d’origines diverses et qu’en<br />
fonction <strong>de</strong> celles-ci, elle aura <strong><strong>de</strong>s</strong> effets plus ou moins négatifs ou positifs.<br />
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