l'economie des droits de l'homme - creden - Université Montpellier I

permettent à chacun de réaliser la vie qu’il souhaite. En outre, l’efficacité des dictatures
est, selon les analyses, jugée tantôt inférieure, tantôt supérieure à celle de la démocratie et,
dans le fond, la même remarque peut être faite en ce qui concerne le monopole ; la
différence fondamentale est alors que la dictature, contrairement au monopole naturel, ne
peut se justifier logiquement par des raisons naturelles, ce qui implique que la contestation
– au sens de marché contestable – n’a pas de prise sur un dictateur. Un dictateur qui ne
respecte pas les droits de l’homme sous prétexte que la population préfère une dictature
efficace aux droits politiques, ne tiendra aucun compte des opposants qui réclament des
droits politiques. En ce sens, l’objet de l’opposition ne peut pas être uniquement technique
sous une dictature ; elle doit nécessairement avoir un aspect idéologique prééminent, ce qui
fait que l’analogie pure et simple avec un marché contestable ne fonctionne pas. Rappelons
que pour Milton Friedman, qui prend le cas de Hong Kong, les droits politiques dégradent
les libertés économiques – celles-ci n’ont d’ailleurs rien à voir avec les droits de l’homme,
nous y reviendrons. Il donne ainsi une justification aux discours des dictateurs d’Asie. Or,
l’argument ne tient pas puisque pour savoir si la population préfère la croissance
économique à la reconnaissance de ses droits politiques, il faudrait la faire voter sur ce
sujet, au suffrage universel et avec toutes les libertés qui lui sont associées (notamment une
liberté totale de la presse) ; sur ce point, voir en particulier (Sen, 2000a, p. 156), ainsi que
(Bauer et Bell, 1999) dont (Sen, 1999a) ; également (Sen, 2000b).
Deuxièmement, si la multiplication des partis a le mérite, par le biais de la
concurrence, de réduire les possibilités d’émergence d’un parti unique, elle peut aussi
entraîner l’émergence de partis extrémistes qui provoquent une production sous-optimale
d’opinions ; cf. (Hirschman, 1989) 16 . La démocratie repose sur la délibération entre des
opinions pas entièrement prédéfinies, et c’est sans doute une raison de l’importance de la
discussion publique sur les sujets importants, pointée par Frey et Bohnet (1996). C’est
pourquoi il est impossible de comparer directement un parti à une entreprise. En effet, cette
dernière produit une marchandise prédéfinie, alors que les partis se raccrochent à des
idéaux généraux, loin de donner un ensemble complet d’opinions toutes faites, comme le
suggérait pourtant Anthony Downs. Albert Hirschman (1989, p. 6) note en particulier que :
« tandis que les biens que l’on achète au marché conduisent sans équivoque au
bien-être matériel, les opinions ne sont pas nécessairement la clé de l’individualité
et du respect de soi-même ; cela paraît dépendre de spécifications nouvelles et
16 Egalement Thomas Paine (1790, p. 184) : « on pourrait dire que jusqu’à ce que les hommes parviennent à
penser pour eux-mêmes, tout est chez eux préjugés, et non pas opinion » (...)
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