l'economie des droits de l'homme - creden - Université Montpellier I

ce terrain 19 ; nous laissons donc de côté la question de savoir si faire un modèle prédictif
sur le comportement affectif a un sens. Nous admettons même, pour l’instant, que les êtres
humains agissent essentiellement par intérêt et que le mariage puisse être interprété, entre
autres, comme un moyen de maximisation d’une fonction d’utilité. D’ailleurs, puisque
l’analyse se veut empirique, il est difficile de nier que certaines personnes se marient par
simple intérêt, voire uniquement pour des motifs pécuniaires.
Mais Gary Becker reste dans une analyse économique ou, dirions-nous,
« métaéconomique simple » puisque, d’une part, il transforme toutes les « variables »
(l’amour, la tendresse, les enfants, etc.) en variables monétaires, ce qui soulève déjà
quelques limites (Goode, 1974) ; d’autre part, il ne tire pas les conséquences de ses
analyses pour l’économie elle-même. Becker indique quelle serait la situation optimale
d’un « marché du mariage », à travers un optimum parétien et par la défense de la liberté
d’être polygame. Pour cet auteur, la polygamie est plus fréquente chez les hommes « plus
productifs », c’est-à-dire ceux qui possèdent plus de force, plus de richesse ou une position
sociale plus élevée. L’ajout d’une femme supplémentaire au foyer de tels hommes
augmente la production totale d’une somme supérieure à la production que créerait un
couple formé de cette femme avec un homme moins productif. Becker souligne que la
polygamie serait favorable aux femmes puisque prohiber celle-ci serait interdire à celles-là
le libre choix de leur partenaire en fonction de sa productivité. Il y a là, nous semble-t-il,
plus que de la normativité. La femme est réduite, en fait, à l’état de marchandise
productrice marginale d’ « output » et, ce que nous rejetons tout autant, l’homme est réduit
à sa « productivité » et doit accepter toutes les femmes qui voudraient l’épouser – ou entrer
dans son harem ! 20 . De cette conclusion « métaéconomique simple », il est possible de
passer, tout d’abord, à une conclusion « métaéconomique complexe ». En matière de
mariage, des facteurs autres que la simple utilité peuvent entrer en ligne de compte, ce qui
permet de penser, suite à l’analyse de Becker, que sur les marchés plus conventionnels,
d’autres éléments doivent également être considérés. Nous pouvons poursuivre en passant
à une analyse humaniste scientifique. Celle-ci tient compte de l’interaction et de
l’indivisibilité des droits, comme le niveau de revenu nécessaire à l’exercice du divorce, la
liberté réelle de la femme de choisir son époux et d’être elle-même productive en
19 D’un point de vue éthique, l’analyse de G. Becker peut être jugée non pertinente puisque les êtres humains
y sont principalement jugés en fonction de leur productivité, c’est-à-dire comme des moyens plutôt que
comme des fins en soi.
20 Sur un cas concret d’évolution de la polygamie face aux droits de la femme, cf. (Hellum, 1999).
140