l'economie des droits de l'homme - creden - Université Montpellier I

L’analyse économique du mariage qui tente d’appliquer les fonctions d’utilité à des
sentiments, permet donc de contester en retour les analyses économiques basées
exclusivement sur l’individualisme méthodologique et l’égoïsme. Même si l’insertion de
l’altruisme est réalisable dans cette perspective (Wolfelsperger, 1998) 8 , la prise en compte
des comportements réels qui pourraient expliquer les déviations de la réalité par rapport
aux modèles canoniques, reste faible. En effet, comment intégrer l’affection à une fonction
d’utilité alors même qu’il s’agit d’une action de don désintéressé. Autrement dit,
considérer que l’affection que nous donnons à une autre personne entre dans notre fonction
d’utilité, implique que l’objet étudié est dénaturé puisque l’affection donnée ne l’est jamais
en vue d’accroître directement notre utilité ; elle peut l’être indirectement dans une logique
de don, mais dans l’amour véritable, elle est donnée totalement gratuitement, sans même
que ce geste gratuit accroisse notre utilité 9 .
L’intérêt d’une théorie métaéconomique du mariage serait alors, si elle parvient à
tenir compte correctement des comportements d’affection, d’autoriser en retour l’analyse
économique à mieux appréhender les logiques de gratuité, de don, etc. En fait, peuvent être
retrouvées ici les logiques d’analyses comme celles d’Alfred Marshall sur la « Chevalerie
économique », celles de François Perroux sur le don, ou encore les travaux d’Hirschman
sur la loyauté, comme exemples de comportements relativement, voire totalement
indépendants de l’utilité économique classique et qui ont pourtant un rôle dans le
fonctionnement de l’économie. C’est dire que l’analyse économique ne peut rester
enfermée dans un carcan rigide de fonctions « fonctionnelles » d’utilité auxquelles, malgré
la récurrence des critiques qui leur sont adressées et le développement de certains travaux
novateurs, une majorité d’économistes restent attachés.
Le second élément est celui du pouvoir et de la puissance. Puisque ce sont les
hommes puissants et les riches qui vont « posséder » un grand nombre de femmes,
pourquoi Becker assimile-t-il cette puissance à une plus grande productivité ? Pourquoi ne
pas tout simplement voir que la puissance, les rapports de pouvoir et de domination,
jouent un rôle essentiel dans la vie humaine et, plus particulièrement, dans la vie
8 Sur l’étude économique de l’altruisme, cf., par exemple, (Ballet, 2000) et (Cahuc et Kempf, 2000).
9 Il pourrait nous être reproché de dire que, finalement, la théorie néo-classique n’est pas un bon outil pour
analyser le mariage et tous les comportements qui relèvent des sentiments, sans pour autant proposer de
théorie alternative. En fait, nous n’en proposons pas pour la seule raison qu’une théorie économique des
sentiments nous semble non fondée. Cependant, nous ne remettons pas en cause la pertinence de ce genre de
travaux, à condition que l’on en tire toutes les conséquences. Ainsi, en observant ces démarches, il est déjà
possible d’indiquer les dangers d’une théorie (méta)économique des droits de l’homme, ce qui peut nous
permettre de les éviter plus facilement par la suite.
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