l'economie des droits de l'homme - creden - Université Montpellier I

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II. Une illustration : la théorie du mariage. L’exemple de la théorie du mariage de Gary Becker (1973 ; 1974), peut nous aider à préciser la différence entre les deux voies de la métaéconomie. Cette théorie peut apparaître pernicieuse, et ce d’autant plus qu’elle est efficace. En effet, la plupart de ses arguments sont acceptables pour celui qui a l’habitude de penser en termes économiques. Autrement dit, il est admissible que le mariage soit une source d’économies d’échelle – on ne paye qu’un seul loyer –, de gains d’utilité – on ne se marie que par consentement mutuel et donc parce qu’on y a intérêt – et ainsi de suite. Nous n’entendons donc pas récuser la pertinence de ce type d’analyse. Néanmoins, et au-dedes critiques qui reposent sur une erreur d’analyse ou de formalisation, ou encore les critiques d’ordre moral – bien que celles-ci nous paraissent particulièrement pertinentes – plusieurs problèmes peuvent être soulevés à partir de cet exemple. Nous allons examiner d’abord l’apport de Becker (métaéconomie simple), puis les critiques qui peuvent conduire à une analyse métaéconomique complexe, enfin les problèmes plus généraux qui conduisent à adopter une posture d’humanisme scientifique. A. La théorie du mariage. A la base de l’analyse de Becker (1973), se trouvent les deux hypothèses qui suivent : le mariage est un acte volontaire ; il existe un marché sur lequel les hommes et les femmes se concurrencent entre eux pour se marier. A partir de là, la théorie des préférences peut facilement être appliquée afin d’expliquer les raisons de l’existence du mariage. L’analyse économique peut, « bien mieux que les autres alternatives » (Becker, 1973, p. 815), rendre compte des différentes sortes de mariages. Elle permet de déterminer les « gains du mariage » par rapport à la situation du célibat. Le couple est alors vu comme un producteur de « biens » qui nécessitent pour leur production des biens du marché ainsi qu’une partie du temps des deux époux. Ces biens sont de plusieurs sortes : la qualité de la nourriture, la qualité des enfants, le prestige, l’amour, la tendresse, etc. Ces biens sont agrégés en un bien unique, dénoté Z. La maximisation de l’utilité de chaque personne est alors équivalente à la maximisation du Z qu’elle reçoit. Z dépend du temps et des marchandises nécessaires à sa « production », ce qui aboutit à dire que le ménage a une fonction de production du type : 132

Z = f (x 1 , ..., x m ; t 1 , ..., t m ; E) (1a) Où les x i sont les biens et services marchands, les t i sont les temps investis par les différents membres du ménage, et où E représente les variables du contexte extérieur. La contrainte budgétaire qui lui est associée est la suivante : ∑ p i x i = ∑ w j l j + v (2a) Où p i est le prix du bien i ; w j est le taux de salaire de la personne j qui s’applique au temps de travail l j de cette même personne ; v est le revenu de propriété éventuel. Comme il ne s’agit pas ici d’analyser le modèle de Becker en tant que tel, mais bien l’utilisation à sens unique de l’économie hors de son champ traditionnel, nous voulons simplement tirer les conséquences d’une telle formalisation pour ensuite les commenter et les développer. Deux observations nous paraissent plus essentielles que les autres : cette analyse en terme d’utilité qui, certes, est légitime à certains égards, n’en réduit pas moins le couple à une simple recherche d’économies d’échelle et de complémentarités des biens du marché et du temps des époux. Il y a ainsi, d’une part, réduction des sentiments à un élément de la fonction d’utilité et, d’autre part, une défense de ce que Becker nomme une « liberté », à savoir le droit pour la femme de vivre en polygamie, c’est-à-dire de partager son époux avec d’autres épouses. Et cette conclusion est d’autant plus valable à mesure que le salaire de l’époux augmente. En effet, il devient plus avantageux pour lui de travailler davantage et de laisser à ses femmes le soin de passer plus de temps pour produire les « biens » du ménage. La polygamie est alors également optimale puisqu’il peut être montré que l’utilité marginale d’une épouse supplémentaire est supérieure à celle que cette épouse aurait produite en épousant un célibataire pauvre 6 . B. Les conséquences de l’approche métaéconomique. Face à cette formalisation, et en se reportant, tout d’abord, aux travaux des psychanalystes (par exemple, Klein et Riviere, 1936), il est possible de voir le couple 6 Nous pouvons toutefois remarquer que, si la tendresse, l’amour et l’affection du rapport homme-femme font partie de Z, alors ce dernier est décroissant pour chaque femme à mesure que le nombre de femmes au sein du ménage augmente (l’homme a moins de temps à consacrer à chacune d’entre elles). Par contre, dans la logique de Becker, le Z de l’homme semble s’accroître automatiquement avec le nombre de femmes. Par conséquent, il y a un biais « masculin » qui peut fausser l’analyse. 133

II. Une illustration : la théorie du mariage.<br />

L’exemple <strong>de</strong> la théorie du mariage <strong>de</strong> Gary Becker (1973 ; 1974), peut nous ai<strong>de</strong>r<br />

à préciser la différence entre les <strong>de</strong>ux voies <strong>de</strong> la métaéconomie. Cette théorie peut<br />

apparaître pernicieuse, et ce d’autant plus qu’elle est efficace. En effet, la plupart <strong>de</strong> ses<br />

arguments sont acceptables pour celui qui a l’habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> penser en termes économiques.<br />

Autrement dit, il est admissible que le mariage soit une source d’économies d’échelle – on<br />

ne paye qu’un seul loyer –, <strong>de</strong> gains d’utilité – on ne se marie que par consentement mutuel<br />

et donc parce qu’on y a intérêt – et ainsi <strong>de</strong> suite. Nous n’entendons donc pas récuser la<br />

pertinence <strong>de</strong> ce type d’analyse. Néanmoins, et au-<strong>de</strong>là <strong><strong>de</strong>s</strong> critiques qui reposent sur une<br />

erreur d’analyse ou <strong>de</strong> formalisation, ou encore les critiques d’ordre moral – bien que<br />

celles-ci nous paraissent particulièrement pertinentes – plusieurs problèmes peuvent être<br />

soulevés à partir <strong>de</strong> cet exemple. Nous allons examiner d’abord l’apport <strong>de</strong> Becker<br />

(métaéconomie simple), puis les critiques qui peuvent conduire à une analyse<br />

métaéconomique complexe, enfin les problèmes plus généraux qui conduisent à adopter<br />

une posture d’humanisme scientifique.<br />

A. La théorie du mariage.<br />

A la base <strong>de</strong> l’analyse <strong>de</strong> Becker (1973), se trouvent les <strong>de</strong>ux hypothèses qui<br />

suivent : le mariage est un acte volontaire ; il existe un marché sur lequel les hommes et les<br />

femmes se concurrencent entre eux pour se marier. A partir <strong>de</strong> là, la théorie <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

préférences peut facilement être appliquée afin d’expliquer les raisons <strong>de</strong> l’existence du<br />

mariage. L’analyse économique peut, « bien mieux que les autres alternatives » (Becker,<br />

1973, p. 815), rendre compte <strong><strong>de</strong>s</strong> différentes sortes <strong>de</strong> mariages. Elle permet <strong>de</strong> déterminer<br />

les « gains du mariage » par rapport à la situation du célibat. Le couple est alors vu comme<br />

un producteur <strong>de</strong> « biens » qui nécessitent pour leur production <strong><strong>de</strong>s</strong> biens du marché ainsi<br />

qu’une partie du temps <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong>ux époux. Ces biens sont <strong>de</strong> plusieurs sortes : la qualité <strong>de</strong> la<br />

nourriture, la qualité <strong><strong>de</strong>s</strong> enfants, le prestige, l’amour, la tendresse, etc.<br />

Ces biens sont agrégés en un bien unique, dénoté Z. La maximisation <strong>de</strong> l’utilité <strong>de</strong><br />

chaque personne est alors équivalente à la maximisation du Z qu’elle reçoit. Z dépend du<br />

temps et <strong><strong>de</strong>s</strong> marchandises nécessaires à sa « production », ce qui aboutit à dire que le<br />

ménage a une fonction <strong>de</strong> production du type :<br />

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