l'economie des droits de l'homme - creden - Université Montpellier I
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Section première : Précisions sur la métaéconomie : l’exemple de la théorie du mariage. I. Pourquoi la métaéconomie ? 1 Notre concept de métaéconomie stigmatise le processus qui consiste à établir des « règles » économiques et à les appliquer à des domaines autres que l’économie. Nous employons ce concept afin de prendre du recul par rapport à une analyse économique qui serait trop sommaire en voulant être trop positiviste. La métaéconomie est une analyse positive susceptible de tenir compte de l’ensemble des données du monde réel. Sa logique la fait déboucher sur des analyses normatives, avec pour critères ceux de l’humanisme scientifique. C’est pour clarifier cette analyse que nous avons choisi une méthode en trois étapes : d’abord une métaéconomie simple, puis une métaéconomie complexe (ou économie multidimensionnelle), et enfin, un recours à l’humanisme scientifique normatif. L’exemple des métaéchecs peut illustrer notre démarche dans un premier temps. Si l’on prend un jeu d’échec, il y a deux façons de faire des métaéchecs (Nagel, Newman, Gödel, Girard, 1958, p. 42-43) : on peut, par exemple, assimiler les pièces à des détachements militaires et chaque case à une zone de territoire. On peut ensuite formuler des règles telles que « si les blancs n’ont plus que deux cavaliers et le roi et les noirs que le roi, alors le mat est impossible ». 1 En complément à cette section, nous renvoyons à l’ouvrage d’Henri Bartoli sur l’économie multidimensionnelle (1991) ; en particulier, s’y trouve un concept de « méta-économie », qui est toutefois un peu différent de ce que nous nommons « métaéconomie ». Le concept de « méta-économique » employé par H. Bartoli renvoie à tous les phénomènes extérieurs à l’économie mais l’englobant et donc, l’affectant. Ce que nous nommons « métaéconomie complexe » assimile ce fait en posant que la science économique, lorsqu’elle s’étend à l’extérieur de son propre domaine, doit en profiter pour s’enrichir des apports de ces domaines extérieurs. Par eux, elle doit pouvoir se modifier elle-même, par l’insertion des effets des facteurs environnants « méta-économiques » à sa réflexion. De même, nous pouvons indiquer la définition donnée par Joseph Schumpeter (1954, p. 174nbp) de la « Métasociologie », dont il dit que l’on peut parler de manière analogue de « Méta-économie » : « le mot Métasociologie désigne les recherches sur la nature humaine ou sur le comportement humain, ou, plus généralement, les recherches entreprises dans la vaste sphère de tous les faits qui, bien qu’importants pour la sociologie, ne lui appartiennent pas en tant que discipline, mais se situent au-dessus ou au-dessous d’elle, comme les recherches sur la formation des habitudes ou sur les propriétés du milieu physiques ». Enfin, on trouvera dans l’avant-propos d’un ouvrage de Christian Comeliau (2000, p. 8) la définition suivante dont nous nous sentons très proche : « Ainsi l’analyse dont nous avons besoin est-elle celle que l’on pouvait désigner du terme, peut-être un peu ambitieux, de « méta-économie », au sens d’une réflexion qui s’appuie sur les concepts et les connaissances de la science économique, mais qui va au-delà de ces connaissances, notamment pour en étudier l’influence sur les valeurs et les cultures, sur les structures sociales, sur l’aménagement de l’espace, sur le mode d’usage des ressources naturelles, et même sur l’organisation politique. Et pour tenter ainsi, en prenant du recul, de re-situer l’économie à la place qui devrait être la sienne. » 130
Si seule la seconde opération correspond à des métaéchecs proprement dits, il nous faut transposer également la première méthode pour définir le concept de métaéconomie. Il peut ainsi être relevé que, si les deux méthodes sont appliquées simultanément, elles ne sont que difficilement compatibles : il n’y a aucune raison dans la réalité que deux régiments de cavalerie ne viennent pas à bout d’un « roi » isolé (s’il représente un général, par exemple). En métaéconomie, la même démarche s’applique : il est possible de définir des règles métaéconomiques 2 , mais il est impossible de les appliquer à d’autres domaines sans tenir compte de leurs spécificités 3 . Ainsi, le terme métaéconomie peut être péjoratif lorsqu’il s’applique à de l’économie qui se veut « pure », c’est-à-dire qui ne prend en compte que les tenants et les aboutissants de la théorie économique. Ou bien encore, lorsqu’il s’agit de transposer purement et simplement des problèmes extérieurs à l’économie sur ses concepts, comme les détachements militaires réels sont assimilés aux pièces du jeu d’échecs ; il s’agit alors de « métaéconomie simple ». C’est pour éviter l’amalgame avec les théories économiques qui procèdent ainsi et qui sont parfois qualifiées d’impérialistes 4 à cause de leur réductionnisme (Hirschman, 1984, p. 103-104) 5 , que nous employons le terme de « métaéconomie complexe ». Il s’agit d’une étude qui fait appel à des concepts économiques et tente de cerner leur applicabilité à d’autres domaines. L’objectif est d’obtenir une compréhension globale de ces domaines, tout en permettant, par un effet en retour, d’enrichir la compréhension des mécanismes économiques eux-mêmes. On s’éloigne ainsi de l’économisme, pratique qui consiste à subordonner « les choix politiques et les diverses sphères de la vie humaine » à des « considérations d’ordre strictement économique et, plus particulièrement, aux exigences de la compétition économique à laquelle se livrent les entreprises », pour reprendre la définition donnée par Alain Euzéby (2000, p. 63) ; ce qui se traduit en théorie par la croyance absolue en l’efficacité du marché et de l’égoïsme et, dans les faits, par la réduction de toutes les fins humaines à l’accumulation des richesses ; cf. (Roustang, 1990). 2 Par exemple, « la demande d’un bien est décroissante lorsque son prix s’accroît ». 3 En outre, cela est déjà vrai dans le domaine économique lui-même, les biens Giffen en étant une illustration (i.e. il s’agit de biens dont la demande diminue lorsque leur prix diminue). 4 Et qui, parfois, s’en réclament même, comme le prouve Hirschleifer (1985, réf. citée) lorsqu’il écrit : « Il n’y a qu’une seule science sociale. Ce qui donne à la science économique son pouvoir d’invasion impérialiste est le fait que nos catégories analytiques – rareté, coût, préférence, opportunité – sont véritablement d’applicabilité universelle.[...] Ainsi, la science économique constitue la grammaire universelle de la science sociale. », cité par Maréchal (2000, p. 60). 5 Voir aussi (Bartoli, 1991, p. 81s). 131
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En métaéconomie, la même démarche s’applique : il est possible <strong>de</strong> définir <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
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réduction <strong>de</strong> toutes les fins humaines à l’accumulation <strong><strong>de</strong>s</strong> richesses ; cf. (Roustang, 1990).<br />
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3 En outre, cela est déjà vrai dans le domaine économique lui-même, les biens Giffen en étant une illustration<br />
(i.e. il s’agit <strong>de</strong> biens dont la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> diminue lorsque leur prix diminue).<br />
4 Et qui, parfois, s’en réclament même, comme le prouve Hirschleifer (1985, réf. citée) lorsqu’il écrit : « Il<br />
n’y a qu’une seule science sociale. Ce qui donne à la science économique son pouvoir d’invasion impérialiste<br />
est le fait que nos catégories analytiques – rareté, coût, préférence, opportunité – sont véritablement<br />
d’applicabilité universelle.[...] Ainsi, la science économique constitue la grammaire universelle <strong>de</strong> la science<br />
sociale. », cité par Maréchal (2000, p. 60).<br />
5 Voir aussi (Bartoli, 1991, p. 81s).<br />
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