l'economie des droits de l'homme - creden - Université Montpellier I

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« don », Alain Caillé (qui se réfère à l’anthropologue M. Mauss) et Jean-Marc Ferry. Pour ces deux auteurs, verser un revenu à tous, sans condition et sans contrepartie obligatoire, revient à faire un don qui, comme tel, appelle le contre-don volontaire puisqu’il constitue le moyen de donner à chacun la liberté d’entreprendre et d’inventer de nouveaux modes de travail et de vie 20 . Un second élément défendu par F. Perroux, et qui se retrouve aujourd’hui chez P. Meyer-Bisch (1998a, p. 30), souligne que la logique du don est essentielle à l’interprétation et à la mise en œuvre de tous les droits de l’homme. Elle permet en effet de considérer ceux-ci comme des investissements dans une logique de développement soutenable. Ainsi, l’argument de la rareté est retourné par les coûts de l’homme (Patrice Meyer-Bisch parle de seuils) qui s’évaluent aussi en terme d’investissement en faveur de la paix et de l’équité : le respect des droits de l’homme garantit ces deux états sociaux. Cependant, le recours à l’économie va plus loin que la simple reconnaissance de l’utilité des droits de l’homme comme moyens de la sécurité et de l’équité. Dès lors que l’on prend en compte la réalisation concrète des droits de l’homme, au travers des coûts de l’homme, le recours à l’analyse économique s’avère indispensable pour optimiser le « rendement social » de cet « investissement ». Il convient en effet de souligner qu’un manque de droits peut causer des coûts irréversibles et accroît ainsi les coûts de leur mise en œuvre ultérieure, alors même qu’« à mesure que certains coûts de l’homme ont été engagés avec succès, le volume total des coûts de l’homme diminue » (Perroux, 1961, p. 441). Il est alors nécessaire d’avoir recours à la méthode de l’économiste et à ses connaissances afin d’établir au mieux ce que sont les coûts de l’homme et les seuils à respecter. Cette méthode sert aussi pour comprendre le mécanisme propre à la mise en place des droits de l’homme. Ainsi, l’analyse de F. Perroux peut être étendue à tous les droits de l’homme. Certains de ceux-ci, une fois mis en place, reviennent moins cher dans leur entretien et permettent des « gains » par leur exercice régulier ; gains y compris pour le système économique qui n’en fonctionne que mieux. Deux exemples simples peuvent en témoigner. D’abord, « la précarité tue la confiance et donc le potentiel » comme le souligne Patrice Meyer-Bisch (1998a, p. 49). La problématique du revenu d’existence est ici retrouvée ou, plus simplement, celle de la protection sociale et de l’ensemble des droits qui permettent la lutte contre l’exclusion et la précarité. Ensuite, il ne faut pas oublier qu’une condition du bon fonctionnement d’un 20 Cf. (Caillé, 1996a, b ; 1999), (Caillé et Insel, 1996), (Caillé et Laville, 1996), (Ferry, 1996 ; 1999), (Demuijnck et Greiner, 1998), (Kolacinski, 1999a). 118

marché est la confiance (Villet, 1998). Celle-ci repose essentiellement sur la reconnaissance par tous de la règle de droit (et donc du contrat) (Perroux, 1961, p. 414), et fait que « la bonne foi est une vertu si nécessaire, que nous croyons même qu’elle est due à ceux à qui on ne doit rien » (souligné par nous) (Smith, 1790, p. 393). En rappelant ici qu’Adam Smith voyait dans le marché sa possible autodestruction par, notamment, la tendance à l’affaiblissement d’une telle vertu, il est possible d’affirmer que les droits de l’homme et leur promotion entrent dans une logique de défense du marché contre luimême, leur utilité en tant que norme étant alors indéniable du point de vue de l’économiste. Et, dès lors, ne peut-on pas voir dans la « bonne foi » et la confiance une sorte de bien collectif particulier, output nécessaire au fonctionnement, équitable et optimale, du marché ? B. Les biens « collectifs » chez François Perroux : l’exemple de la liberté et celui des technologies de communication. « On aborde ici le second objectif : une industrialisation concertée qui dépasse l’esprit et les techniques du capitalisme. En théorie, c’est une industrialisation qui est le moyen d’une économie du service et non d’une économie du gain. Ce ne sont là que des mots. Des mots qu’il faut prononcer, mais des mots. » (Perroux, 1961, p. 486) Les biens en économie sont de plusieurs sortes : les biens privés d’abord sont les biens de consommation ou de production, matériels (durables ou non) ou immatériels (services). Les biens publics sont des biens fournis à des conditions particulières par l’administration publique. Il peut s’agir de biens collectifs dont la particularité est double : une non-rivalité à la consommation (i.e. : l’ajout d’un consommateur ne réduit pas la quantité consommée par les autres) et une non-exclusion (i.e. : on ne peut exclure personne de la consommation). A cette classification standard, peuvent être ajoutés aujourd’hui les biens publics globaux (cf. Kaul, 2000 ; Kaul, Grunberg et Stern, 1999). Ces biens publics globaux sont les biens publics qui concernent la planète entière. L’émergence de ce concept est en particulier attachée aux problèmes environnementaux, l’atmosphère, par exemple, étant un bien public global qu’il convient de préserver. Il faut également, nous semble-t-il, insister dans ce cadre sur des biens collectifs globaux qui ont pour particularité d’avoir une efficacité et une productivité qui s’accroissent d’elles-mêmes à mesure que leur consommation augmente ; c’est en particulier ce point que nous voulons illustrer, par 119

marché est la confiance (Villet, 1998). Celle-ci repose essentiellement sur la<br />

reconnaissance par tous <strong>de</strong> la règle <strong>de</strong> droit (et donc du contrat) (Perroux, 1961, p. 414), et<br />

fait que « la bonne foi est une vertu si nécessaire, que nous croyons même qu’elle est due à<br />

ceux à qui on ne doit rien » (souligné par nous) (Smith, 1790, p. 393). En rappelant ici<br />

qu’Adam Smith voyait dans le marché sa possible auto<strong><strong>de</strong>s</strong>truction par, notamment, la<br />

tendance à l’affaiblissement d’une telle vertu, il est possible d’affirmer que les <strong>droits</strong> <strong>de</strong><br />

l’homme et leur promotion entrent dans une logique <strong>de</strong> défense du marché contre luimême,<br />

leur utilité en tant que norme étant alors indéniable du point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong><br />

l’économiste. Et, dès lors, ne peut-on pas voir dans la « bonne foi » et la confiance une<br />

sorte <strong>de</strong> bien collectif particulier, output nécessaire au fonctionnement, équitable et<br />

optimale, du marché ?<br />

B. Les biens « collectifs » chez François Perroux : l’exemple <strong>de</strong> la<br />

liberté et celui <strong><strong>de</strong>s</strong> technologies <strong>de</strong> communication.<br />

« On abor<strong>de</strong> ici le second objectif : une industrialisation concertée<br />

qui dépasse l’esprit et les techniques du capitalisme. En théorie, c’est<br />

une industrialisation qui est le moyen d’une économie du service et<br />

non d’une économie du gain. Ce ne sont là que <strong><strong>de</strong>s</strong> mots. Des mots<br />

qu’il faut prononcer, mais <strong><strong>de</strong>s</strong> mots. » (Perroux, 1961, p. 486)<br />

Les biens en économie sont <strong>de</strong> plusieurs sortes : les biens privés d’abord sont les biens <strong>de</strong><br />

consommation ou <strong>de</strong> production, matériels (durables ou non) ou immatériels (services).<br />

Les biens publics sont <strong><strong>de</strong>s</strong> biens fournis à <strong><strong>de</strong>s</strong> conditions particulières par l’administration<br />

publique. Il peut s’agir <strong>de</strong> biens collectifs dont la particularité est double : une non-rivalité<br />

à la consommation (i.e. : l’ajout d’un consommateur ne réduit pas la quantité consommée<br />

par les autres) et une non-exclusion (i.e. : on ne peut exclure personne <strong>de</strong> la<br />

consommation). A cette classification standard, peuvent être ajoutés aujourd’hui les biens<br />

publics globaux (cf. Kaul, 2000 ; Kaul, Grunberg et Stern, 1999). Ces biens publics<br />

globaux sont les biens publics qui concernent la planète entière. L’émergence <strong>de</strong> ce<br />

concept est en particulier attachée aux problèmes environnementaux, l’atmosphère, par<br />

exemple, étant un bien public global qu’il convient <strong>de</strong> préserver. Il faut également, nous<br />

semble-t-il, insister dans ce cadre sur <strong><strong>de</strong>s</strong> biens collectifs globaux qui ont pour particularité<br />

d’avoir une efficacité et une productivité qui s’accroissent d’elles-mêmes à mesure que<br />

leur consommation augmente ; c’est en particulier ce point que nous voulons illustrer, par<br />

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