l'economie des droits de l'homme - creden - Université Montpellier I

estent prédominants s’ils ne sont pas satisfaits. Dès lors, les droits de l’homme et les
besoins ne se distinguent plus que par la difficulté de détermination précise des seconds
face à la reconnaissance juridique et générale des premiers. D’autant plus que « trop de
temps et d’énergie consacrés à se procurer des biens et des services sur le marché doit
nécessairement amener à négliger toutes les facultés, tous les modes de vie pour lesquels il
ne reste pas assez de temps et d’énergie » (Weisskopf, 1967, p. 80-81) 14 . C’est dire que la
revendication des besoins, de leur légitimité et de leur diversité, par la contestation du
système économique allant à leur encontre, va dans le sens des droits de l’homme. Ce point
peut être approfondit à partir de deux définitions :
− celle d’Adam Smith (1776, p. 984) : « par nécessité j’entends non seulement les
denrées indispensablement nécessaires pour le soutien de la vie, mais encore tout ce
que la coutume du pays rend indécent pour les gens honnêtes, même de l’ordre le plus
bas, de ne pas avoir ».
− celle de John Maynard Keynes (1930, p. 133-134) : « les besoins qui ont un caractère
absolu en ce sens que nous les éprouvons quelle que soit la situation de nos semblables,
et ceux qui possèdent un caractère relatif en ce que nous ne les ressentons que si leur
assouvissement nous place au-dessus de nos semblables ou nous donne l’impression de
leur être supérieurs » ;
Il apparaît clairement que seuls les besoins à caractère absolu peuvent faire partie des
droits de l’homme, et ils sont explicitement inclus par François Perroux dans les coûts de
l’homme comme des besoins définissables scientifiquement. Mais les coûts de l’homme
incluent également la définition intégrale de Smith, puisqu’il s’agit de donner à chacun ce
qui fait qu’il a une « vie humaine ». De fait, les droits de l’homme incluent cette
préoccupation, notamment à travers le droit à un niveau de vie suffisant. Il convient en
réalité de bien marquer la spécificité de ce que l’on pourrait ainsi appeler un droit-besoin.
Patrice Meyer-Bisch donne un exemple très parlant à cet égard, celui de maisons
préfabriquées envoyées en Inde et ne correspondant pas aux besoins locaux (liés à la
culture et au mode de vie) 15 . « On a voulu combler un besoin, alors qu’il s’agissait d’un
droit à une dignité complexe parce que profonde » ou, autrement dit, « toutes les
conceptions utilitaristes, selon lesquelles on peut répondre à un besoin humain en
fournissant simplement un bien correspondant, devraient s’évanouir devant la rudesse et
14 En outre, « si le gain matériel devient un idéal, la vie intérieur de l’homme est, de ce fait, niée d’une façon
importante et peut en venir à être méprisée. » (Klein/Riviere, 1936, p. 69).
15 (Meyer-Bisch, 1992, p. 24). On trouve un exemple similaire au Chili (Moinard, 1998).
115