l'economie des droits de l'homme - creden - Université Montpellier I

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2. La recréation de l’économie : une recherche téléologique. Puisque « l’exclusion de toute destruction de l’homme par l’homme est la référence par laquelle on juge de la valeur d’une économie et d’une société » (Perroux, 1969, p. 76), il convient de penser l’économie en relation avec ce critère et de lui donner les moyens et les fins qui peuvent lui permettre d’avoir la valeur (scientifique) maximale selon cette référence. Il convient de définir qu’elles sont les fins adéquates de l’économie (a), ce qui conduit à la révision de certains concepts (b). Cette clarification, qui aboutit à la définition d’un nouveau paradigme, permet de placer les droits de l’homme dans une position centrale en économie (c). a. Finalités économiques, finalités éthiques. Pour François Perroux, « le danger est grand de juxtaposer l’économie standard aux apports culturels et écologiques et de se contenter de la corriger un peu par des éléments qui leur sont empruntés. L’évolution impose bien davantage à l’économie d’intention scientifique, un changement radical de son optique. Il s’agit de savoir comment les individus et les groupes se transforment les uns les autres et transforment leurs milieux avec le meilleur rendement en choses et en hommes. » (Perroux, 1961, p. 506) 11 . Il en découle le nouveau paradigme : « l’économie de tout l’homme et de tous les hommes » (Perroux, 1961, p. 510). « Le paradigme nouveau nous lance dans la recherche de l’organisation de la totalité des agents au service de la totalité des agents, par contraste avec la 11 Cela n’étant pas notre propos présent, donnons seulement deux exemples qui imposent ce changement d’optique : i) En matière écologique, appliquer les critères marchands peut vite être insuffisant ; ainsi, en ce qui concerne la conservation des ressources naturelles, on sait que le taux d’actualisation est un facteur essentiel de la décision. Or, ce taux d’actualisation est déterminé en fonction des objectifs, ou plus exactement des intérêts, que sert l’économiste ; par conséquent, ce taux est souvent sous-estimé. ii) L’autre exemple est celui de l’évaluation de la valeur d’une vie humaine afin de l’inclure dans un modèle de décision. Par exemple, un carrefour doit être aménagé car il est source d’accidents. On évalue donc le coûtavantage en fonction d’une valeur prédéterminée de la vie humaine. En dehors des problèmes techniques et logiques que pose une telle évaluation, (Broome, 1992), (Drèze, 1992), (Dupuy, 2000), (Perroux, 1961, p. 516-517), (Van Parijs, 1992), le rejet d’une telle procédure peut être ainsi présenté : dès lors que le calcul coût-avantage s’effectue en comparant la valeur d’une vie humaine avec la valeur de l’aménagement du carrefour, on s’éloigne à la fois de l’éthique et de l’économie intégrale. En effet, l’économiste devrait n’intervenir qu’en aval ; c’est-à-dire que, la constatation qu’il faut aménager le carrefour parce qu’il est dangereux pour la vie humaine étant faite, l’économiste peut intervenir en évaluant le coût de l’aménagement et en trouvant les moyens les plus économiques et efficaces de le financer. On voit que dans cet exemple, l’économie est réduite à son aspect « mécanique » mais qu’encore faut-il savoir quand et comment l’utiliser pour qu’elle soit cohérente. 108

domination du grand nombre par quelques-uns, dans une nation et dans le monde entier. Si un seul agent est privé de la capacité inhérente à sa nature générique qui est de choisir des objectifs subsumés par une finalité, l’organisation est suboptimale. Ni le marché anonyme et prétendument neutre, ni le verdict d’un groupe de commandement, ne peuvent faire oublier pour quelque agent que ce soit sa capacité de choix conscients. » (Perroux, 1961, p. 511) 12 . Ainsi, la finalité de l’économie, son principe directeur, est le respect de la vie humaine dans toutes ses dimensions (égoïsme/altruisme, corporelle/spirituelle, etc.), ce qui impose à l’économie son humanisme scientifique inné. Pour accomplir ses fins, l’économie se doit d’avoir un caractère éthique, de considérer l’homme comme une fin et non comme un moyen, de toujours placer l’homme supérieurement aux choses 13 . Il est en outre vain de nier ce caractère, y compris dans le cas de l’économie « mécanique », puisque « l’efficacité concrète de la technique, de la politique, de l’économie, dépend de l’action d’hommes sur d’autres hommes et, par conséquent, des niveaux d’aspiration et d’attente, des motifs et mobiles, donc du monde des valeurs et des fins » (Perroux, 1969, p. 99). Cet aspect de l’économie appelle une reformulation de ce que doivent être certains concepts tels que le progrès et le développement. b. Repenser les concepts. En indiquant les défauts et lacunes de l’économie standard, F. Perroux est amené à redéfinir certaines notions comme celles de progrès ou de développement, toutes deux intimement liées à la question du travail. En premier lieu, l’affirmation de l’aspect éthique de l’économie implique que la notion de progrès ne peut être réduite au taux de croissance de l’économie. Comme 12 Cf. aussi (Perroux, 1961, p. 711) où il développe ces éléments en les qualifiant d’« idée englobante de l’économie de l’homme ». 13 On notera ici que placer l’homme comme supérieur aux choses et placer le travail au centre de l’analyse, n’implique pas le rejet d’une préoccupation écologique. Si l’homme peut être maître de la nature, c’est uniquement pour limiter ses dangers et gérer au mieux ses ressources, ce qui implique de ne pas les gaspiller. En outre, K. Marx (1867b, p. 736) et F. Perroux mettent en cause le capitalisme et « la répartition optimum des ressources et des emplois par le mécanisme du prix et par le jeu des décisions individuelles », car ils entraînent le gaspillage et sont « aussi irrespectueux de la vie des animaux et des plantes que de celle des hommes » (Perroux, 1969, p. 375). Si le droit à l’environnement est qualifié de droits de l’homme de troisième génération pour marquer sa nouveauté, on notera a contrario avec l’exemple de ces deux auteurs, qu’il est une préoccupation des droits de l’homme en tant que tels puisque l’homme ne peut être pensé hors de son contexte naturel et social. Le droit à la vie, par exemple, implique nécessairement le droit à un environnement sain, qui est alors un droit corollaire du droit à la vie. 109

2. La recréation <strong>de</strong> l’économie : une recherche téléologique.<br />

Puisque « l’exclusion <strong>de</strong> toute <strong><strong>de</strong>s</strong>truction <strong>de</strong> l’homme par l’homme est la référence<br />

par laquelle on juge <strong>de</strong> la valeur d’une économie et d’une société » (Perroux, 1969, p. 76),<br />

il convient <strong>de</strong> penser l’économie en relation avec ce critère et <strong>de</strong> lui donner les moyens et<br />

les fins qui peuvent lui permettre d’avoir la valeur (scientifique) maximale selon cette<br />

référence. Il convient <strong>de</strong> définir qu’elles sont les fins adéquates <strong>de</strong> l’économie (a), ce qui<br />

conduit à la révision <strong>de</strong> certains concepts (b). Cette clarification, qui aboutit à la définition<br />

d’un nouveau paradigme, permet <strong>de</strong> placer les <strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme dans une position<br />

centrale en économie (c).<br />

a. Finalités économiques, finalités éthiques.<br />

Pour François Perroux, « le danger est grand <strong>de</strong> juxtaposer l’économie standard<br />

aux apports culturels et écologiques et <strong>de</strong> se contenter <strong>de</strong> la corriger un peu par <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

éléments qui leur sont empruntés. L’évolution impose bien davantage à l’économie<br />

d’intention scientifique, un changement radical <strong>de</strong> son optique. Il s’agit <strong>de</strong> savoir comment<br />

les individus et les groupes se transforment les uns les autres et transforment leurs milieux<br />

avec le meilleur ren<strong>de</strong>ment en choses et en hommes. » (Perroux, 1961, p. 506) 11 . Il en<br />

découle le nouveau paradigme : « l’économie <strong>de</strong> tout l’homme et <strong>de</strong> tous les hommes »<br />

(Perroux, 1961, p. 510).<br />

« Le paradigme nouveau nous lance dans la recherche <strong>de</strong> l’organisation <strong>de</strong> la<br />

totalité <strong><strong>de</strong>s</strong> agents au service <strong>de</strong> la totalité <strong><strong>de</strong>s</strong> agents, par contraste avec la<br />

11 Cela n’étant pas notre propos présent, donnons seulement <strong>de</strong>ux exemples qui imposent ce changement<br />

d’optique : i) En matière écologique, appliquer les critères marchands peut vite être insuffisant ; ainsi, en ce<br />

qui concerne la conservation <strong><strong>de</strong>s</strong> ressources naturelles, on sait que le taux d’actualisation est un facteur<br />

essentiel <strong>de</strong> la décision. Or, ce taux d’actualisation est déterminé en fonction <strong><strong>de</strong>s</strong> objectifs, ou plus<br />

exactement <strong><strong>de</strong>s</strong> intérêts, que sert l’économiste ; par conséquent, ce taux est souvent sous-estimé. ii) L’autre<br />

exemple est celui <strong>de</strong> l’évaluation <strong>de</strong> la valeur d’une vie humaine afin <strong>de</strong> l’inclure dans un modèle <strong>de</strong><br />

décision. Par exemple, un carrefour doit être aménagé car il est source d’acci<strong>de</strong>nts. On évalue donc le coûtavantage<br />

en fonction d’une valeur prédéterminée <strong>de</strong> la vie humaine. En <strong>de</strong>hors <strong><strong>de</strong>s</strong> problèmes techniques et<br />

logiques que pose une telle évaluation, (Broome, 1992), (Drèze, 1992), (Dupuy, 2000), (Perroux, 1961, p.<br />

516-517), (Van Parijs, 1992), le rejet d’une telle procédure peut être ainsi présenté : dès lors que le calcul<br />

coût-avantage s’effectue en comparant la valeur d’une vie humaine avec la valeur <strong>de</strong> l’aménagement du<br />

carrefour, on s’éloigne à la fois <strong>de</strong> l’éthique et <strong>de</strong> l’économie intégrale. En effet, l’économiste <strong>de</strong>vrait<br />

n’intervenir qu’en aval ; c’est-à-dire que, la constatation qu’il faut aménager le carrefour parce qu’il est<br />

dangereux pour la vie humaine étant faite, l’économiste peut intervenir en évaluant le coût <strong>de</strong> l’aménagement<br />

et en trouvant les moyens les plus économiques et efficaces <strong>de</strong> le financer. On voit que dans cet exemple,<br />

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