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l'economie des droits de l'homme - creden - Université Montpellier I

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Mais le vrai problème <strong>de</strong> l’économie dominante est ailleurs. C’est que « les<br />

conceptualisations et les modèles implicitement normatifs détournent l’attention <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

théoriciens, <strong><strong>de</strong>s</strong> experts et du public <strong>de</strong> la critique <strong><strong>de</strong>s</strong> institutions » (Perroux, 1970, p.<br />

2270). Ainsi, si « dans la société <strong>de</strong> l’enrichissement, le pauvre, privé <strong>de</strong> culture, doit être<br />

faible, humble, soumis car il est bien entendu que la hiérarchie <strong><strong>de</strong>s</strong> revenus, <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

patrimoines et <strong><strong>de</strong>s</strong> pouvoirs, reflète une hiérarchie naturelle » (Perroux, 1969, p. 263-264),<br />

il est clair que l’économie standard, associée au libéralisme ambiant, justifie théoriquement<br />

cette soi-disant « hiérarchie naturelle » que François Perroux dénonce. C’est parce que « la<br />

pensée économique, dans ses énoncés néoclassiques, reconstruit les mobiles humains sur<br />

les modèles mercantiles » (Perroux, 1961, p. 121) qu’elle exalte la puissance et la richesse.<br />

En outre, par la défense <strong><strong>de</strong>s</strong> mécanismes <strong>de</strong> marché comme distributeurs légitimes <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

ressources 10 , elle fait admettre les écarts <strong>de</strong> revenus, <strong>de</strong> quelque ordre qu’ils soient.<br />

L’économie standard est alors une « économie avare » : « une forme d’économie mérite<br />

l’épithète avare, au moindre <strong>de</strong>gré, quand elle adopte la règle du « Rien pour Rien », au<br />

<strong>de</strong>gré majeur, quand elle préfère l’enrichissement à la vie, l’accroissement <strong><strong>de</strong>s</strong> moyens et<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> choses à l’épanouissement <strong><strong>de</strong>s</strong> hommes concrets » (Perroux, 1961, p. 361-362).<br />

Dès lors, il est facile <strong>de</strong> voir qu’une économie <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme est l’inverse<br />

<strong>de</strong> cette « économie avare » car, en passant par la démocratie, l’éducation et les <strong>droits</strong><br />

sociaux, elle vise « le plein développement <strong>de</strong> toutes les forces mobilisables pour le service<br />

<strong>de</strong> tous, » qui « est la condition préliminaire d’une production élevée, dont les fruits<br />

seraient partagés équitablement » (Perroux, 1969, p. 70). Ce qui implique une résistance <strong>de</strong><br />

la démocratie politique et sociale face aux principes <strong>de</strong> l’économie standard.<br />

« Il s’agit <strong>de</strong> mettre les hommes en état et en désir <strong>de</strong> se modifier les uns les autres<br />

dans une direction bénéfique qui, pour ce qui est <strong><strong>de</strong>s</strong> conditions matérielles, peut<br />

assez nettement être précisée par les sciences et qui, pour ce qui est <strong>de</strong> l’image ou<br />

du modèle <strong>de</strong> l’homme, dépend du niveau et <strong>de</strong> la qualité <strong><strong>de</strong>s</strong> dialogues sociaux. »<br />

(Perroux, 1969, p. 101).<br />

Ce qui implique le rôle <strong><strong>de</strong>s</strong> « créateurs politiques » qui, « entre les techniciens et les<br />

masses que les nouvelles techniques peuvent atteindre, sont <strong><strong>de</strong>s</strong> médiateurs irremplaçables,<br />

et la médiation vaut ce que vaut le projet collectif qu’ils mettent en œuvre » (Perroux,<br />

1969, p. 60). A la suite <strong>de</strong> Patrice Meyer-Bisch (1992, p. 17), ce point peut être précisé en<br />

10 Alors même qu’un économiste reconnu par tous comme l’un <strong><strong>de</strong>s</strong> meilleurs au mon<strong>de</strong>, Kenneth Arrow,<br />

nous dit que « c’est à l’idée que la concurrence est le meilleur allocateur <strong><strong>de</strong>s</strong> ressources qu’il faut renoncer. »<br />

cité par (Perroux, 1961, p. 682). Voir aussi (Arrow, 1986 ; 1987), (Arrow et Debreu, 1954).<br />

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