l'economie des droits de l'homme - creden - Université Montpellier I

consiste dans le fait d’être implicitement normatif de façon à défendre, sans le dire,
l’économie des riches ; elle consiste à nier cet élément normatif par la prétention d’une
scientificité neutre. Ainsi, il est faux de nier la base dogmatique de l’analyse néo-classique
(Quesada, 1977), incluse dans les modélisations économiques (Perroux, 1970), (Perroux,
1961, p. 108) 7 . Modélisations qui, dès lors, ne peuvent que servir les intérêts des riches et
perpétuer l’état actuel des choses (Perroux, 1970) – c’est-à-dire légitimer « la civilisation
de l’argent » contre « la civilisation du travail » (Perroux, 1956).
Pourtant, l’équilibre général lui-même peut être, en tant qu’outil, utile aux droits de
l’homme puisqu’il « est un schème logique d’invention et de vérification qui exprime les
tensions entre les activités des sujets et les exigences du tout qu’ils forment ensemble »
(Perroux, 1961, p. 21). Il peut même contenir une préoccupation de « justice sociale,
puisque le marché attribue à chacun son produit marginal » (Perroux, 1970, p. 2262).
Cependant, il ne faut pas surestimer la portée de cette théorie car « l’équilibre en
tant que tel ne relève guère de questions d’éthique » ; il n’est qu’un mécanisme dont
l’applicabilité reste limitée, et qui n’est opérationnel que compte tenu d’hypothèses
souvent « oubliées », telles que l’inexistence de rendements croissants et une structure
complète de marchés à la Arrow-Debreu. Et François Perroux de préciser que, « pour
trouver la réalité, il faut choisir un autre modèle. (…) L’équilibre général est une
gymnastique de l’esprit qui réduit des actes d’hommes à des forces mécaniquement
organisées, et qui, dans ces conditions, engendrent inévitablement le résultat assigné. »
(Perroux, 1961, p. 34). Il l’engendre d’autant plus volontiers qu’il est également possible
de créer des hypothèses ad hoc, ou encore de manipuler les données, abstraites ou
empiriques, pour faire dire ce que l’on veut à son modèle 8 . Critique à laquelle il convient
d’ajouter le fait que les mathématiques en tant qu’outil amènent parfois un simplisme
abusif dans les modèles économiques 9 . Simplisme qui fait que, par exemple, tous les
individus sont considérés libres et égaux, « ce qui dispense de tenir compte des inégalités
quant à la liberté des choix (essentielles pour l’intelligence de la société et de son marché)
et de porter attention aux actions asymétriques exercées par les sujets et groupes riches et
puissants, sur les sujets et groupes pauvres et faibles » (Perroux, 1970, p. 2261).
7 Sur la normativité de la théorie de la rationalité, cf. aussi (Elster, 1995).
8 « Il n’est pas difficile de fabriquer des modèles à partir d’un ensemble d’hypothèses. La difficulté est de
trouver les hypothèses qui aient un rapport avec la réalité. » (Robinson, 1972, p. 229).
9 Sur ce point, cf. également (Bruter, 1996).
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