l'economie des droits de l'homme - creden - Université Montpellier I

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En effet, au sein du capitalisme, « le droit de propriété se transforme dialectiquement en droit pour l’un de s’approprier le travail d’autrui, et en devoir pour l’autre de respecter le produit de son propre travail, ou son propre travail, comme des valeurs appartenant à un autre » (Marx, 1857b, p. 277) ; voir aussi (Marx, 1858, p. 294). Le droit de propriété est donc remis en cause par le capitalisme qui consiste à faire travailler les individus non pas à la création de leur propriété, mais à celle d’autrui. Dans ce cadre, la propriété devient « le pouvoir d’asservir le travail d’autrui » (Marx et Engels, 1848, p. 46). Face à ce droit de propriété, fondement du capitalisme, Karl Marx entend opposer l’avènement d’une société communiste. Dans celle-ci, le droit de propriété, mais aussi l’ensemble des droits de l’homme, semblent se dissoudre, pour mieux se réaliser. III. Face au capitalisme : droits de l’homme ou communisme ? Si la critique du capitalisme est une défense implicite des droits de l’homme (A), la nécessité de ceux-ci semble disparaître dès lors que l'on s’inscrit dans une vision utopique de la société future (B). A. Théorie et pratique du capitalisme : la remise en cause. Si, aujourd’hui, les valeurs comme les intérêts des promoteurs du marché global et des défenseurs internationalistes des droits de l’homme sont en conflit, c’est qu’« alors que le marché crée des individus, vendeurs et acheteurs de biens et de travail, ces individus ne souhaitent le plus souvent accéder à la reconnaissance des droits de l’homme qu’à cause des indignités et des indécences de ce même marché » (Ignatieff, 1999, p. 12). Ce qui est vrai aujourd’hui, l’était à plus forte raison du temps de Marx. Si les ouvriers se révoltaient, c’était bien face aux conditions de travail indécentes et indignes que leur imposait le capitalisme mondial (2). Et si la théorie de Karl Marx s’opposait à ce capitalisme, c’est bien parce que la théorie économique était, elle aussi, indécente (1). 1. Les concepts vides de sens de la théorie classique. Dans l’échange simple, l’égalité et la liberté règnent. Seulement voilà, au-dede l’échange simple, et dans la réalité, cette égalité et cette liberté disparaissent (Marx, 1857b, p. 16-17). Pourtant, l’économie classique se donne pour fondement le respect de la liberté 94

et c’est cette liberté classique que Karl Marx entend remettre en cause. Cette conception de la liberté, provenant directement d’Adam Smith, équivaut à dire que « le prolétaire, dans sa situation typique, ne dépend plus de rien, mais réciproquement, plus rien ne dépend de lui » (d’Hondt, 1986, p. 76-77). C’est dire que « la liberté absolue se présente ici d’ellemême, dans son dénuement. Elle consiste à n’être rien » (d’Hondt, 1986, p. 78) (voir aussi (Perroux, 1969, p. 269) et la section III ci-après). Ou encore, « si le travailleur est libre, c’est qu’il est déjà virtuellement un pauvre. » (Marx, 1858, p. 167, 394-398). C’est la liberté utile au capitalisme qui s’affirme : d’abord la libération du servage (Marx et Engels, 1846, p. 375) et des corporations (Marx, 1867a, p. 168) ; libération juridique. Ensuite, la séparation d’avec les moyens de production, transformant les travailleurs en des êtres totalement libres, « vendeurs d’eux-mêmes » car « dépouillés de tous leurs moyens de production et de toutes les garanties d’existence offertes par l’ancien ordre des choses » (Marx, 1867a, p. 169) 22 . « De ce fait, cette sorte de liberté individuelle est à la fois l’abolition de toute liberté individuelle et l’assujettissement de l’individu aux conditions sociales qui revêtent la forme de puissances matérielles, et même d’objets supérieurs et indépendants des rapports des individus. » (Marx, 1858, p. 262). L’homme n’est pas indépendant sous le règne de la libre-concurrence, il n’est qu’indifférent à autrui ; indépendance illusoire qui fait prendre les rapports qui découlent de la concurrence comme des rapports indépendants et supérieurs aux hommes (Marx, 1857a, p. 165). Ainsi, le capitalisme et la théorie qui le défend utilisent des concepts qui impliquent leur propre négation : la liberté n’est liberté que parce qu’elle soumet l’homme aux puissances extérieures que sont les capitaux 23 . Soumission dont découle inéluctablement une remise en cause de l’homme et de ses droits. 2. Les droits des travailleurs comme droits de l’homme. La critique du capitalisme de son temps fait de Karl Marx un défenseur de la reconnaissance des droits à caractère social, en particulier les droits liés à l’exercice du travail et aux conditions de travail, de ce travail qui constitue l’essentiel du temps de la vie de l’ouvrier (Marx, 1867b, p. 97). Ainsi, des conditions de travail (salubrité, sécurité, etc.), 22 Liberté de mouvements des travailleurs qui, en fait, n’existe que très secondairement, cf. (Bidet, 1997), (Moulier-Boutang, 1998). 23 « La concurrence n’émancipe pas les individus, mais le capital » (Marx, 1858, p. 260). 95

et c’est cette liberté classique que Karl Marx entend remettre en cause. Cette conception <strong>de</strong><br />

la liberté, provenant directement d’Adam Smith, équivaut à dire que « le prolétaire, dans sa<br />

situation typique, ne dépend plus <strong>de</strong> rien, mais réciproquement, plus rien ne dépend <strong>de</strong><br />

lui » (d’Hondt, 1986, p. 76-77). C’est dire que « la liberté absolue se présente ici d’ellemême,<br />

dans son dénuement. Elle consiste à n’être rien » (d’Hondt, 1986, p. 78) (voir aussi<br />

(Perroux, 1969, p. 269) et la section III ci-après). Ou encore, « si le travailleur est libre,<br />

c’est qu’il est déjà virtuellement un pauvre. » (Marx, 1858, p. 167, 394-398). C’est la<br />

liberté utile au capitalisme qui s’affirme : d’abord la libération du servage (Marx et Engels,<br />

1846, p. 375) et <strong><strong>de</strong>s</strong> corporations (Marx, 1867a, p. 168) ; libération juridique. Ensuite, la<br />

séparation d’avec les moyens <strong>de</strong> production, transformant les travailleurs en <strong><strong>de</strong>s</strong> êtres<br />

totalement libres, « ven<strong>de</strong>urs d’eux-mêmes » car « dépouillés <strong>de</strong> tous leurs moyens <strong>de</strong><br />

production et <strong>de</strong> toutes les garanties d’existence offertes par l’ancien ordre <strong><strong>de</strong>s</strong> choses »<br />

(Marx, 1867a, p. 169) 22 . « De ce fait, cette sorte <strong>de</strong> liberté individuelle est à la fois<br />

l’abolition <strong>de</strong> toute liberté individuelle et l’assujettissement <strong>de</strong> l’individu aux conditions<br />

sociales qui revêtent la forme <strong>de</strong> puissances matérielles, et même d’objets supérieurs et<br />

indépendants <strong><strong>de</strong>s</strong> rapports <strong><strong>de</strong>s</strong> individus. » (Marx, 1858, p. 262). L’homme n’est pas<br />

indépendant sous le règne <strong>de</strong> la libre-concurrence, il n’est qu’indifférent à autrui ;<br />

indépendance illusoire qui fait prendre les rapports qui découlent <strong>de</strong> la concurrence comme<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> rapports indépendants et supérieurs aux hommes (Marx, 1857a, p. 165).<br />

Ainsi, le capitalisme et la théorie qui le défend utilisent <strong><strong>de</strong>s</strong> concepts qui impliquent<br />

leur propre négation : la liberté n’est liberté que parce qu’elle soumet l’homme aux<br />

puissances extérieures que sont les capitaux 23 . Soumission dont découle inéluctablement<br />

une remise en cause <strong>de</strong> l’homme et <strong>de</strong> ses <strong>droits</strong>.<br />

2. Les <strong>droits</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> travailleurs comme <strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme.<br />

La critique du capitalisme <strong>de</strong> son temps fait <strong>de</strong> Karl Marx un défenseur <strong>de</strong> la<br />

reconnaissance <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>droits</strong> à caractère social, en particulier les <strong>droits</strong> liés à l’exercice du<br />

travail et aux conditions <strong>de</strong> travail, <strong>de</strong> ce travail qui constitue l’essentiel du temps <strong>de</strong> la vie<br />

<strong>de</strong> l’ouvrier (Marx, 1867b, p. 97). Ainsi, <strong><strong>de</strong>s</strong> conditions <strong>de</strong> travail (salubrité, sécurité, etc.),<br />

22 Liberté <strong>de</strong> mouvements <strong><strong>de</strong>s</strong> travailleurs qui, en fait, n’existe que très secondairement, cf. (Bi<strong>de</strong>t, 1997),<br />

(Moulier-Boutang, 1998).<br />

23 « La concurrence n’émancipe pas les individus, mais le capital » (Marx, 1858, p. 260).<br />

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