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La crise économique est-elle une fatalité - Tribune Bulletin Côte d'Azur

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<strong>La</strong> <strong>crise</strong>, ses origines, comment l’interpréter,<br />

qu<strong>elle</strong>s sont les perspectives pour les mois<br />

à venir ? Comment la rapprocher de l’histoire,<br />

et en particulier de c<strong>elle</strong> des années 30 et 80 ?<br />

pages 1 et 2<br />

Trouvera-t-on la réponse dans un système<br />

beaucoup plus général ? Est-ce l’économie<br />

ou la société qui souffre ? Que pourra-t-on tenter<br />

pour y remédier ?<br />

pages 3 et 4<br />

S u p p l é m e n t<br />

réalisé par<br />

Trib<strong>une</strong> <strong>Bulletin</strong> événementiel<br />

Cahier n° 3 du n° 672 du 11 janvier 2013<br />

Ne peut être vendu séparément<br />

<strong>La</strong> <strong>crise</strong> économique<br />

<strong>est</strong>-<strong>elle</strong> <strong>une</strong> fatalité ?<br />

Daniel Cohen explique et décrypte cette tourmente qui n’en<br />

finit plus. Extraits d’<strong>une</strong> conférence magistrale et interactive<br />

donnée le 7 décembre dernier à guichets fermés dans les<br />

salons du Carlton devant les invités de l’association AGIR.<br />

Svitlana Ghattas (Rayon de Soleil), Philippe Buerch (AGIR), Serge Azéma (Rayon de Soleil),<br />

Daniel Cohen et Christophe Ricard (AGIR).<br />

A<br />

u commencement étaient les subprimes,<br />

en 2007, de l’autre côté de<br />

l’Atlantique. Puis la faillite en septembre<br />

2008 de Lehman Brothers, un<br />

tsunami financier qui touchera la<br />

zone Euro, dans sa partie grecque dans un premier<br />

temps. Pour Daniel Cohen, il s’agit là<br />

«indiscutablement du choc le plus sévère qu’on<br />

ait connu depuis la seconde guerre mondiale,<br />

que les économistes ont cherché à rapprocher<br />

de celui des années 30, déclenché par le krach<br />

de Wall Street en 29.» Pourtant la violence n’<strong>est</strong><br />

guère comparable, en particulier dans son<br />

extrême fulgurance… «L’état de la production<br />

industri<strong>elle</strong>, le commerce extérieur, la moyenne<br />

pondérée des bourses mondiales, tous les<br />

indicateurs se sont montrés plus durs en 2008<br />

qu’en 1929. Un exemple avec le commerce international<br />

: il va chuter de plus de 20% en neuf<br />

mois, du jamais vu. Dans les années 30, il avait<br />

fallu quatre ans, de 29 à 33, pour digérer <strong>une</strong><br />

baisse de 30%.»<br />

Alors que s’<strong>est</strong>-il passé ? «En moins d’un<br />

an, nous avions réussi à conjurer cette<br />

<strong>crise</strong>. Dès le deuxième trim<strong>est</strong>re, en France<br />

comme en Allemagne (au 3e pour les USA), la<br />

croissance redevenait positive… Comment ?<br />

En faisant exactement l’inverse de ce qui avait<br />

été tenté dans les années 30.» Un sursaut<br />

qui malheureusement, ne sauvera pas la<br />

situation. Paradoxe ? Plutôt mutation beaucoup<br />

plus profonde que les abysses économiques,<br />

et la sortie de chrysalide pour nos<br />

sociétés modernes s’annonce douloureuse.<br />

Pour mieux comprendre, il faudra envisager<br />

un détour par l’histoire en compagnie de<br />

Daniel Cohen…<br />

Le mot du président<br />

«Le choix de Daniel<br />

Cohen pour notre grand<br />

rendez-vous annuel ? Evident,<br />

réfléchi et collectif.<br />

Il tient lui-même à le préciser,<br />

il n’<strong>est</strong> pas le<br />

conseiller économique de<br />

François Hollande, mais il<br />

fait partie de ces rares<br />

personnalités écoutées<br />

par le gouvernement.<br />

L’idée, c’était d’avoir son<br />

point de vue sur ce que<br />

nous vivons, sur les difficultés<br />

que nous rencontrons<br />

tous. Lors des précédentes<br />

éditions, nous<br />

nous étions penchés sur<br />

la réforme de la garde à<br />

vue, ou encore sur le rôle<br />

d’Israël au Moyen-Orient avec Frédéric Encel, l’un des géopolitologues<br />

français les plus reconnus. Une qualité de<br />

réflexion et d’échange que nous avons retrouvée avec<br />

Daniel Cohen, qui s’<strong>est</strong> montré attentif, disponible et incollable<br />

sur le passé, le présent et l’avenir des <strong>crise</strong>s que nous<br />

traversons. Grâce à lui, notre vision s’<strong>est</strong> élargie, nos<br />

connaissances se sont affinées, nos jugements ont évolué.<br />

Et grâce à nous tous, adhérents d’AGIR, partenaires et<br />

convives, nous avons pu offrir, comme à l’accoutumée,<br />

notre soutien à <strong>une</strong> association locale qui se verra remettre<br />

l’intégralité des recettes du magnifique dîner de gala qui a<br />

succédé en toute convivialité à notre rencontre. Qu’ils en<br />

soient ici remerciés.»<br />

Daniel Cohen<br />

A 59 ans, il <strong>est</strong><br />

l’un des spécialistes<br />

français qui<br />

comptent, professeur<br />

d’économie à<br />

l’Ecole Normale<br />

Supérieure, à l’Université<br />

Paris I Panthéon-Sorbonne,<br />

vice-président de<br />

l’Ecole d’Economie<br />

de Paris dont il fut<br />

l’un des fondateurs.<br />

Il <strong>est</strong> également<br />

membre du Conseil<br />

d’analyses économiques<br />

(CAE)<br />

auprès du Premier<br />

ministre.<br />

Sa préférence ? <strong>La</strong> dette souveraine, sujet ô combien<br />

d’actualité, qui l’a poussé à conseiller le Premier ministre<br />

grec Georgios Papandréou ou le président équatorien<br />

Rafael Correa pour la renégociation de leurs dettes internationales,<br />

pour le compte de la Banque <strong>La</strong>zard. Il a aussi<br />

participé à l’initiative de réduction de la dette des pays<br />

pauvres très endettés à la demande de la Banque Mondiale.<br />

Ses ouvrages, nombreux, traduits dans <strong>une</strong> dizaine de<br />

langues, ont connu un large succès (Nos temps modernes,<br />

<strong>La</strong> mondialisation et ses ennemis, Trois leçons sur la société<br />

post-industri<strong>elle</strong>, <strong>La</strong> prospérité du vice…). En 2012, il signe<br />

Homo Economicus, prophète (égaré) des temps nouveaux<br />

aux éditions Albin Michel.


<strong>La</strong> <strong>crise</strong> économique <strong>est</strong>-<strong>elle</strong> <strong>une</strong> fatalité ?<br />

<strong>La</strong> <strong>crise</strong> économique <strong>est</strong>-<strong>elle</strong> <strong>une</strong> fatalité ?<br />

> Les prévisions de<br />

Martin Feldstein<br />

Conseiller économique de Reagan,<br />

professeur à Harward, Martin<br />

Feldstein avait publié en 1992 un<br />

article r<strong>est</strong>é célèbre dans lequel il<br />

faisait le procès de l’Euro avant<br />

même qu’il ne soit créé. En trois<br />

points fondamentaux, il y expliquait<br />

pourquoi la <strong>crise</strong> était dès<br />

lors inéluctable, annonçant <strong>une</strong><br />

faillite. "Voire <strong>une</strong> guerre" disait-il<br />

même. Premièrement, créer <strong>une</strong><br />

monnaie unique dans l’idée de<br />

d'asseoir <strong>une</strong> conjoncture économique<br />

à l’unisson était <strong>une</strong> erreur:<br />

Feldstein prévoyait le contraire, en<br />

invoquant <strong>une</strong> divergence de<br />

cycles entre les différents pays.<br />

Ainsi, en fixant le taux d’intérêt à<br />

un niveau moyen, il se montre trop<br />

bas pour la moitié des Etats, et<br />

trop haut pour l’autre moitié.<br />

«Quand il disait cela, en 1992, il ne<br />

pensait pas que les pays qui<br />

seraient en surchauffe seraient<br />

ceux du sud, et que ceux qui<br />

seraient en <strong>crise</strong>, en croissance<br />

faible ou en récession seraient<br />

ceux du nord. Mais au bout du<br />

compte, le raisonnement <strong>est</strong><br />

juste… Dans les années qui ont<br />

suivi l’Euro, Espagne, Irlande,<br />

Grèce, Italie et d’<strong>une</strong> certaine<br />

manière la France vont vivre grâce<br />

à <strong>une</strong> politique monétaire très<br />

laxiste, qui encourage la dette. (…)<br />

En Allemagne, la situation sera<br />

beaucoup plus dure dès le départ,<br />

<strong>elle</strong> va persévérer dans la <strong>crise</strong> et<br />

trouver des solutions, dont on voit<br />

aujourd’hui les effets, au moment<br />

où un retournement de conjoncture<br />

<strong>est</strong> en train de se produire,<br />

dans <strong>une</strong> exacte symétrie.»<br />

Argument numéro deux, largement<br />

débattu lors de la création de<br />

l’Euro : mettre en place <strong>une</strong> monnaie<br />

sans Etat, adossée au vide,<br />

«un objet non identifié qui sera<br />

extrêmement fragile.» Et Daniel<br />

Cohen de prendre l’exemple des<br />

USA, où même si un Etat se<br />

retrouve en faillite (on pourrait<br />

comparer la Californie et la<br />

Grèce…), cela ne revêt pas grande<br />

importance, puisque les banques<br />

sont adossées à un système d’assurance<br />

fédéral qui s’appuie sur le<br />

refinancement de la Banque centrale<br />

: risques mutualisés, faillite<br />

évitée… «Chez nous, c’<strong>est</strong> différent<br />

: si un pays <strong>est</strong> en <strong>crise</strong>, il ne<br />

peut compter que sur son propre<br />

Etat pour voler à son secours, c’<strong>est</strong><br />

un cercle vicieux. C’<strong>est</strong> ce qu’il<br />

s’<strong>est</strong> passé en Irlande avec la<br />

défaillance des trois principales<br />

banques, mettant l’Etat quasiment<br />

en faillite alors que ses finances<br />

étaient irréprochables.»<br />

Point n°3 : «que l’Europe n’ait pas<br />

<strong>une</strong> union monétaire optimale,<br />

comme disent les économistes.<br />

Aux USA, si un Etat <strong>est</strong> en difficulté,<br />

alors les travailleurs peuvent<br />

migrer vers d’autres régions sans<br />

difficulté auc<strong>une</strong>. En Europe, ce<br />

mécanisme rééquilibrateur<br />

n’existe pas. Les Grecs ou les<br />

Espagnols, avec un chômage à<br />

25%, ne vont pas travailler en<br />

Bavière, il n’y a pas de mobilité du<br />

travail au sein de la zone. Donc les<br />

<strong>crise</strong>s ne peuvent que s’accentuer<br />

dans les pays concernés.»<br />

Les leçons de l’histoire…<br />

… Et les erreurs de je<strong>une</strong>sse. Ou comment comprendre la situation<br />

actu<strong>elle</strong> en se basant sur les travaux de pr<strong>est</strong>igieux aînés<br />

sur les années 30 : Milton Friedman et Martin Feldstein.<br />

L<br />

es économistes qui se sont<br />

penchés sur cette période ont<br />

essenti<strong>elle</strong>ment mis en évidence<br />

deux erreurs majeures<br />

commises par les autorités<br />

de l’époque : pour Friedman,<br />

la <strong>crise</strong> des années 30 <strong>est</strong> due au seul<br />

fait que la Banque centrale n’ait pas<br />

réagi comme <strong>elle</strong> l’aurait dû, en laissant<br />

la moitié du système bancaire<br />

des USA s’effondrer. Créée juste avant<br />

la première guerre, <strong>elle</strong> était trop<br />

immature pour comprendre que son<br />

mandat incluait aussi le fait de tenir<br />

la tête des banques hors de l’eau. Par<br />

<strong>une</strong> extraordinaire coïncidence,<br />

lorsque notre <strong>crise</strong> commence en<br />

2007, celui qui prend les rênes de la<br />

Banque centrale américaine n’<strong>est</strong><br />

autre qu’un disciple de Friedman,<br />

Ben Bernanke. Il a donc injecté tout<br />

de suite des liquidités considérables<br />

et ainsi sauvé les banques, en leur<br />

prêtant et en rachetant des actifs<br />

pour recapitaliser. Lehman ? Les<br />

USA ont cru qu’il fallait faire un<br />

exemple… Par contre, les USA ont<br />

aidé City ou AIG».<br />

Deuxième erreur qui ne sera pas<br />

répétée : on croyait en 1929 à <strong>une</strong><br />

<strong>crise</strong> de confiance, qu’il fallait endiguer,<br />

et les Etats ont tous eu à cœur,<br />

jusqu’en 1933, d’être irréprochables<br />

du côté de leurs finances publiques,<br />

maintenant coûte que coûte l’équilibre.<br />

«C’<strong>est</strong> ce qui allait aboutir à ce<br />

que Keynes app<strong>elle</strong>ra plus tard un effet<br />

multiplicateur de la <strong>crise</strong>, les autorités<br />

l’aggravant en réduisant constamment<br />

leurs dépenses et en augmentant<br />

les impôts pour éviter que le déficit ne<br />

se creuse. Même Roosevelt, qu’on<br />

associe parfois à l’idée qu’<strong>une</strong> relance<br />

allait venir, r<strong>est</strong>era très attaché à cette<br />

idée.» Malgré les avertissements de<br />

Keynes, le déficit va augmenter en<br />

1935, et deux ans plus tard c’<strong>est</strong> la<br />

récession. Ce qui a interrompu la<br />

<strong>crise</strong> ? <strong>La</strong> guerre… Une guerre qui<br />

fut même portée par ce concept : Hitler,<br />

en Allemagne, a trouvé un pays à<br />

l’équilibre, et a donc pu engager les<br />

dépenses qu’il avait en tête… «Tout<br />

ça, les économistes d’aujourd’hui le<br />

savent, et le directeur du FMI d'alors<br />

(un Français bien connu...) a encouragé<br />

tous les gouvernements à mener<br />

<strong>une</strong> politique de relance. C’<strong>est</strong> la raison<br />

pour laqu<strong>elle</strong> la <strong>crise</strong> s’interrompt<br />

au bout d’un an. Je vous aurais dit<br />

alors que les économistes servent à<br />

quelque chose…»<br />

Mais il y a un «mais» : avec la<br />

<strong>crise</strong> grecque, tout a déraillé en<br />

Europe. Des marchés pris de<br />

panique, le doute absolu sur la solvabilité<br />

des Etats… Et un problème<br />

de taille : ce qui freinait en 1930,<br />

c'était un système monétaire basé<br />

sur <strong>une</strong> convertibilité en or, un système<br />

qui avait montré ses limites.<br />

«Et voilà que par un extraordinaire<br />

retour de bâton, l’étalon Euro ne nous<br />

laisse aujourd’hui plus d’autre choix<br />

que de mener exactement les mêmes<br />

politiques que dans ces années-là :<br />

pour être irréprochables sur les marchés<br />

financiers, nous nous imposons<br />

les mêmes types de purges budgétaires<br />

qu’à l’époque de Roosevelt ou de<br />

<strong>La</strong>val. Il y a là quelque chose de tragique.<br />

Keynes, qui allait être le théoricien<br />

d’alors, explique les dangers de<br />

l’étalon or, cette «relique barbare», et<br />

avait déjà proposé la création d’<strong>une</strong><br />

banque mondiale capable d’émettre<br />

<strong>elle</strong>-même <strong>une</strong> monnaie supra-nationale<br />

qui serait l’instrument des paiements<br />

internationaux. Et ainsi, disaitil,<br />

nous aurions autant de liquidités<br />

que nécessaire, et nous ne serions pas<br />

obligés, comme dans les années 30,<br />

d’essayer d’être toujours plus crédibles<br />

auprès de nos voisins…» Dire que<br />

l’Euro était né de ces débats ! Et que<br />

l’on y avait réfléchi dès les années 50,<br />

à l’instar de l’économiste Robert Triffin<br />

qui, inspiré par Keynes, préconisait<br />

déjà, à défaut d’<strong>une</strong> monnaie<br />

mondiale, l’avènement d’<strong>une</strong> monnaie<br />

européenne.<br />

Et si Friedman critiquait en<br />

d’autres temps la je<strong>une</strong>sse de la<br />

Banque centrale américaine, que<br />

dire de notre entité européenne,<br />

créée en 1999 ? «En l’occurrence, il<br />

s’agit moins pour la BCE de sauver les<br />

banques (le problème s’<strong>est</strong> posé en<br />

Espagne et en Irlande, et <strong>elle</strong> ne l’a pas<br />

fait) que de savoir s’il était de la responsabilité<br />

de cette BCE de venir au<br />

secours, cette fois-ci, des Etats en difficulté.<br />

On ne peut pas exclure que<br />

dans <strong>une</strong> quinzaine d’années, le verdict<br />

de nos économistes soit le même<br />

que celui de Friedman dans les années<br />

30 : <strong>une</strong> institution je<strong>une</strong> et immature<br />

qui n’a pas franchi le Rubicon qui<br />

aurait consisté, pour notre BCE, à en<br />

faire plus.»<br />

Euro, avec ou sans avenir ?<br />

Pour Daniel Cohen, pas d’état d’âme : certes, notre monnaie souffre de nombreux vices de fabrication,<br />

mais casser la zone serait un remède bien pire que le mal…<br />

en reprenant les arguments de Feldstein, il <strong>est</strong><br />

clair que pour sortir de la <strong>crise</strong>, il faut avant<br />

tout <strong>une</strong> politique budgétaire et <strong>une</strong> politique<br />

monétaire à l’éch<strong>elle</strong> de l’Europe, pour<br />

gérer proprement le cycle de la zone. Une idée<br />

très simple, et pourtant totalement perdue de vue.»<br />

Maastricht aurait même joué les déclencheurs :<br />

«tel que signé, le traité fixe un objectif de 3% de<br />

déficit. Ils se sont révélés être non pas un élément<br />

contra-cyclique, propre à ramener les pays dans <strong>une</strong><br />

moyenne, mais un élément pro-cyclique, c’<strong>est</strong>-à-dire<br />

qui aggrave le cycle. Quand tout va bien, c’<strong>est</strong> un<br />

objectif facile à tenir, les recettes fiscales font que<br />

l’on y arrive tout de suite. Quand tout va mal ? <strong>La</strong><br />

seule possibilité, c’<strong>est</strong> de lever des impôts, au<br />

moment où il faudrait faire exactement l’inverse.<br />

(…) C’<strong>est</strong> le danger numéro un pour la France en<br />

2013 : la croissance sera plus faible que prévu, et<br />

pour atteindre ces 3%, nous allons nous engager<br />

dans <strong>une</strong> course-poursuite qui sera catastrophique<br />

pour la croissance. Personne ne peut plus croire à<br />

l’hypothèse de 0,8% annoncée par le Gouvernement.<br />

Il faudra qu’il y ait un effort additionnel, mais à quel<br />

niveau ? Nous sommes dans cette grande période<br />

d’incertitude.» Et puis, serons-nous capables de<br />

créer non seulement <strong>une</strong> union monétaire, mis<br />

aussi <strong>une</strong> union bancaire ? Rien n’<strong>est</strong> moins sûr,<br />

mais l’<strong>une</strong> sans l’autre se révèle être sans issue.<br />

«Nous avons <strong>une</strong> banque centrale qui détermine des<br />

taux d’intérêt, mais des banques qui, nationalement,<br />

créent du crédit et qui en cas de coup dur<br />

doivent se tourner vers leur Etat. (…) Une union<br />

On croyait, en<br />

créant la zone<br />

Euro, qu’on<br />

n’aurait plus<br />

à se soucier<br />

du déficit de<br />

la balance des paiements<br />

de la France par<br />

rapport à l’Allemagne,<br />

que ce qui compterait,<br />

ce seraient les difficultés<br />

de Renault et les bénéfices<br />

de Volkswagen,<br />

mais que l’on deviendrait<br />

<strong>une</strong> grande communauté<br />

d’acteurs économiques,<br />

avec <strong>une</strong><br />

même monnaie, et que<br />

l’on ne raisonnerait plus<br />

en termes nationaux…<br />

On découvre que ça ne<br />

fonctionne pas comme<br />

ça, qu’il y a en effet des<br />

problèmes de balances<br />

des paiements, et que<br />

ces problèmes sont un<br />

risque pour les pays qui<br />

affichent de trop forts<br />

déficits. Et comme nous<br />

n’avons pas de mécanismes<br />

rééquilibrateurs<br />

spontanés, comme aux<br />

USA, il faut que nous<br />

fassions tous seuls le<br />

travail pour corriger ces<br />

déséquilibres. Nous ne<br />

pouvons plus utiliser l’arme de la<br />

dévaluation, comme auparavant. L’Allemagne<br />

a bénéficié, au cours de ces<br />

dix dernières années, d’un différentiel<br />

de coût unitaire en sa faveur de 15 à<br />

20% : si l’on était dans les conditions<br />

monétaires des années 80/90, cela se<br />

serait traduit par <strong>une</strong> appréciation du<br />

Mark de 20%, et sans doute par <strong>une</strong><br />

dépréciation de l’ordre de 10% pour le<br />

Franc. Et tout serait rentré dans<br />

l’ordre. Nous n’avons plus cet instrument,<br />

et nous ne savons pas comment<br />

gérer cette situation créée par un déséquilibre<br />

de compétitivité tel que subi<br />

dans les années 2000. Il était en train<br />

de se corriger en début d’année dernière<br />

: l’inflation salariale en Allemagne<br />

était, pour les fonctionnaires,<br />

de 6%, et l’on pouvait se dire qu’<strong>une</strong><br />

solution de sortie de <strong>crise</strong> par le haut<br />

bancaire, c’<strong>est</strong> comme <strong>une</strong> police d’assurance : si<br />

un établissement <strong>est</strong> défaillant, et bien on va<br />

mutualiser les pertes pour venir à son secours.<br />

Mais on n’achète pas <strong>une</strong> police d’assurance après<br />

que l’incendie a eu lieu. Et l’on comprend l’hésitation<br />

de l’Allemagne et des autres pays créanciers<br />

face à cette opération. Je pense pourtant qu’<strong>elle</strong> va<br />

se faire, mais il faudra y mettre du temps, des sas,<br />

pour être certains que l’on ne viendra pas financer<br />

les pertes déjà passées. On nous l’annonçait pour<br />

2013, ce sera plutôt 2014, ou même un peu plus<br />

tard.»<br />

Autre piste pour sortir du marasme, déjà<br />

proposée par quelques économistes : l’émission<br />

d’euro-obligations (ou euro-bonds). Ainsi, pas de<br />

dette française ou allemande, mais <strong>une</strong> dette<br />

européenne, du même coup garantie solidairement<br />

par l’ensemble des Etats. Avec <strong>une</strong> alternative<br />

ingénieuse : «<strong>une</strong> dette à deux étages, <strong>une</strong><br />

«bleue» jusqu’à 60% du PIB qui serait solidaire,<br />

et dont nous avons toutes les raisons de penser<br />

qu’<strong>elle</strong> <strong>est</strong> solvable, et <strong>une</strong> «rouge», pour laqu<strong>elle</strong><br />

les Etats iraient, sous leur seule signature, se présenter<br />

sur les marchés financiers, beaucoup plus<br />

chère que la bleue, là <strong>est</strong> le but de l’exercice. Mais<br />

il <strong>est</strong> trop tard pour appliquer cette idée, ne seraitce<br />

que parce que, si nous la mettions en pratique,<br />

la France (ou tout au moins l’Italie) ferait tout de<br />

suite faillite sur cette dette rouge. Dommage que<br />

nous ayons manqué d’imagination dans les<br />

années 90…»<br />

Grand paquebot ou chacun son canot...<br />

Pour participer aux débats autour de Daniel Cohen, beaucoup d'étudiants, visiblement passionnés.<br />

Les spécialistes de demain ?<br />

était en passe d’être trouvée.<br />

Malheureusement, la<br />

<strong>crise</strong> que nous connaissons<br />

actu<strong>elle</strong>ment a bien<br />

évidemment gelé ces<br />

mécanismes de rééquilibrage<br />

salarial, et <strong>une</strong> fois<br />

encore, nous nous retrouvons,<br />

comme dans les<br />

années 30, à devoir agir<br />

uniquement du côté des<br />

pays qui sont en <strong>crise</strong><br />

pour retrouver de la compétitivité,<br />

sans que l’effort<br />

symétrique ne soit requis<br />

dans les pays à excédents.<br />

<strong>La</strong> solution ? Si la croissance<br />

revient, alors, de<br />

manière endogène sans<br />

doute, ces différentiels de<br />

compétitivité, au moins<br />

en partie, pourront se<br />

régler. Si par contre la<br />

<strong>crise</strong> s’aggrave, il faudra<br />

bien réfléchir à d’autres<br />

solutions, comme c<strong>elle</strong>s<br />

que le gouvernement a<br />

mises en place avec les<br />

mécanismes de crédits<br />

d’impôt ; et la difficulté de<br />

manier ces mécanismes,<br />

c’<strong>est</strong> que, comme nous<br />

n’avons pas réglé nos problèmes<br />

budgétaires, ce<br />

que l’on app<strong>elle</strong> la dévaluation<br />

fiscale devient de<br />

fait beaucoup plus difficile. Mais là<br />

encore, pas de quoi condamner la zone<br />

Euro, tout juste de quoi montrer du<br />

doigt la période dans laqu<strong>elle</strong> nous<br />

évoluons, en gardant en tête que c’<strong>est</strong><br />

aussi un signe de l’échec des politiques<br />

menées précédemment.»<br />

• Vendredi 11 janvier 2013 • Trib<strong>une</strong> <strong>Bulletin</strong> Côte d’Azur • II • • Vendredi 11 janvier 2013 • Trib<strong>une</strong> <strong>Bulletin</strong> Côte d’Azur • III •


<strong>La</strong> <strong>crise</strong> économique <strong>est</strong>-<strong>elle</strong> <strong>une</strong> fatalité ?<br />

Homo Economicus, où vas-tu ?<br />

Et si la <strong>crise</strong> n’était pas du seul ressort de l’économie ? Si l’homme traversait <strong>une</strong> zone<br />

de perturbations morales, sociales, voire philosophiques ? S’il s’agissait juste de… l’évolution ?<br />

j<br />

e crois qu’il y a, pour nos sociétés,<br />

un moment de vérité à négocier,<br />

comme il y a en eu plusieurs<br />

dans l’histoire. A la fin du XIXe<br />

siècle, les Etats-Unis avaient<br />

déjà connu <strong>une</strong> grave <strong>crise</strong> de confiance<br />

en leurs propres valeurs, alors que l’urbanisation<br />

venait casser les communautés<br />

campagnardes, religieuses ou autres. Il y<br />

a eu alors <strong>une</strong> véritable dislocation, on<br />

l’a vu dans la littérature, et <strong>une</strong> véritable<br />

inquiétude sur la capacité du pays à<br />

retrouver ce lien moral et social. Et pourtant…<br />

Progressivement, l’on a réinventé,<br />

au début du XXe, <strong>une</strong> série d’institutions<br />

(des parents d’élèves aux clubs de bridge).<br />

Nos sociétés sont souvent conduites par<br />

des lois économiques qu’<strong>elle</strong>s ne comprennent<br />

pas, et c’<strong>est</strong> cette incapacité à<br />

comprendre qui crée la souffrance. L’un<br />

des exemples les plus célèbres, c’<strong>est</strong> ce que<br />

les économistes app<strong>elle</strong>nt la loi de Malthus,<br />

qui dit : <strong>une</strong> société ne peut pas<br />

s’enrichir, parce que dès qu’<strong>elle</strong> y parvient,<br />

en inventant des techniques, en<br />

vivant mieux, <strong>elle</strong> <strong>est</strong> rattrapée par <strong>une</strong><br />

loi fondamentale, sa démographie. On vit<br />

mieux, on fait plus d’enfants, et la population<br />

finit toujours par croître plus vite<br />

que les richesses. Donc l’amélioration des<br />

conditions de vie se traduit non pas par<br />

<strong>une</strong> augmentation du revenu par tête,<br />

mais bien par <strong>une</strong> hausse du nombre de<br />

têtes… Pour Malthus, toute l’histoire<br />

humaine dépend de cette loi, conspuée<br />

par l’église, dét<strong>est</strong>ée par les marxistes, et<br />

pourtant pertinente. Une loi incroyable<br />

et désespérante. Avant la contraception,<br />

il n’y avait pas de remède… Aux temps<br />

modernes, la richesse va s’accélérer et la<br />

démographie décroître. Ce faisant, nous<br />

sommes passés sur <strong>une</strong> autre loi, c<strong>elle</strong><br />

que j’app<strong>elle</strong> le paradoxe d’Esterlin : nous<br />

nous enrichissons de plus en plus, mais<br />

nous ne sommes pas plus heureux pour<br />

autant. Le niveau de satisfaction ne<br />

bouge pas. Car il y a bien d’autres<br />

paramètres en jeu que la pure richesse,<br />

comme la reconnaissance ou la coopération.<br />

L’homme moderne <strong>est</strong> un marcheur<br />

qui n’atteint jamais l’horizon, et il faut<br />

bien l’accepter. Ayons ce niveau de lucidité<br />

sur notre société pour comprendre<br />

que dans ces périodes de <strong>crise</strong>, il ne faut<br />

pas tout sacrifier à la<br />

croissance, qui de<br />

toute façon, au bout<br />

du compte, sera<br />

vaine…»<br />

Homo Economicus<br />

prophète (égaré)<br />

des temps nouveaux<br />

édition Albin Michel<br />

Toute l'équipe organisatrice aux côtés de Me Philippe Buerch en trib<strong>une</strong> pour cette conférence 2012 très appréciée.<br />

AGIR<br />

L’association cannoise AGIR (Action Génèse Initiative Réflexion)<br />

<strong>est</strong> <strong>une</strong> association citoyenne indépendante qui a vocation à organiser<br />

des débats en région sur des thématiques nationales, qu’<strong>elle</strong>s<br />

soient politiques, économiques ou sociales. Elle <strong>est</strong> présidée par<br />

son fondateur, Philippe Buerch, et se veut devenir un think tank<br />

d’envergure afin de sortir des idées conventionn<strong>elle</strong>s de la politique<br />

médiatique, et ajouter <strong>une</strong> forte valeur ajoutée aux échanges<br />

entre citoyens d’origines et d’opinions diverses. AGIR s’implique<br />

aussi pour venir en aide aux plus défavorisés,<br />

en organisant <strong>une</strong> annu<strong>elle</strong> soirée de gala où<br />

tous les bénéfices sont reversés à de méritantes<br />

associations locales.<br />

AGIR, 27 avenue Saint-Jean 06400 Cannes<br />

contact : ascontact.michel@gmail.com<br />

Rayon de soleil de Cannes<br />

C’<strong>est</strong> l’association choisie cette année par les équipes de Philippe Buerch pour bénéficier<br />

de la générosité des adhérents et sympathisants en partageant un dîner d’exception<br />

au Carlton en compagnie de Daniel Cohen. Fondée en 1935 par Germaine et Alban<br />

Fort, <strong>elle</strong> <strong>est</strong> reconnue d’utilité publique dès 1943, et reçoit depuis des enfants de 0 à<br />

18 ans confiés par les services de l’Aide sociale. Les accueillir, les protéger, et les<br />

accompagner sur <strong>une</strong> période donnée, tout en privilégiant le lien familial : la mission<br />

comm<strong>une</strong> aux quatre établissements placés sous la responsabilité de Serge Azéma,<br />

directeur général de Rayon de Soleil de Cannes et de Svitlana Ghattas, son actu<strong>elle</strong><br />

présidente. Trois foyers et <strong>une</strong> pouponnière pour faire entrer la lumière dans les cœurs<br />

des enfants en souffrance, grâce aux généreux dons et legs consentis.<br />

39, avenue Amiral W<strong>est</strong>er Wemyss<br />

06150 Cannes-la-Bocca – 04.22.10.90.86<br />

contact assrayonsoleil@aol.com<br />

michel@gmail.com<br />

• Vendredi 11 janvier 2013 • Trib<strong>une</strong> <strong>Bulletin</strong> Côte d’Azur • IV •<br />

• Vendredi 11 janvier 2013 • Trib<strong>une</strong> <strong>Bulletin</strong> Côte d’Azur • V •

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