Information and liaison bulletin - Institut kurde de Paris

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SF • $AMEDI1S ET DIMANCHE 16 JUILLET 1989
AUTRICHE
Trois dirigeants kurdes assassinés
Pa, mi eux, Abdel Rahman Ghassem/ou, principal dirigeant kurde iranien,
abattu à Vienne alors qu'il renouait le dia.logue avec Téhéran. .
bdel Rahman Ghassemlou, le
secrétaire général du Parti démocratique
du Kurdistan de
l'Iran (PD KI) et deux autres
dirigeants kurdes, ont été abattus
jeudi soir à Vienne. Un
,quatrième Kurde porteur d'un
passeport diplomatique iranien au nom
de Mohamed Djafari Sahraroudi, a.
aussi été grièvement blessé lors de cet
attentat. Un commando de deux à trois
hommes a fait irruption dans l'appartement
du centre-ville ou les responsables
kurdes étaieqt réunis, tirant à bout
portant. Les tueurs ont pu s'enfuir,
mais deux pistolets munis de silencieux
et des vêtements leur ayant vraisemblablement
appartenus ont été retrouvés à
proximité du lieu du crime.
C'est un autre Kurde, iranien, semblant
venir pour participer à la réunion,
qui aurait alerté la police et qui est
actuellement entendu. Selon nos informations,
la police autrichienne a en fait
arrêté deux autres Iraniens, dont l'un
défenait 9000 dollars. Venant d'Istambul,
ils étaient arrivés à Vienne par un
vol d'Iran-Air.
« Ces meurtres ressemblent fort à une
exécution », ont simplement déclaré les
policiers en évoquant des motifs « probablement
politiques'». Une chose est
sûre: les assassins ont pénétré dans
l'appartement sans forcer la porte, ce
qui donne à penser que les victimes les
connaissaient. Les' enquêleurs ont
néanmoins relevé des traees de lutte.
Chef d'un mouvement anné qui réclame
l'autonomie du Kurdistan iranien,
Abdel Rahman Ghassemlou était
la principale figure du mouvement
kurde d'Iran. Modéré, ouvert au dialogue,
le chef du PDKIestimait que le,
moment était venu, après la mort de
Khomeiny, de relancer le dialogue avec
les Iraniens. Une décision et des
contacts avec Téhéran qui sO'!t allés
suffisamment loin peur provoquer une
scission au sein de son parti, scission
encouragée par les moudjahiddin de
Massoud Radjavi et l'Irak. Au retour
du récent congrès de l'Internationale
socialiste à Stockholm, Ghassemlou
avait en tout cas confié à plusieurs de
ses amis qu'il se rendait à Vienne pour
négocier un accord politique avec des
représentants de Téhéran.
Abdul Rahman Ghassemloua-t-il été .
piégé par ces derniers? Dès hier Radio-
Téhéran affirmait que le chef du PDKI
était sur le point de « changer de camp
et d'abandonner son alliance avec l'Irak
pour conclure un accord avec l'Iran ».
Faut-il voir dans cette déclaration une
volonté de la République islamique de
se dédouaner par avance de toutes les
accusations qui pourraient être portées
contre elle? S'il était impossible hier
soir de privilégier une hypothèse, la
personnalité de l'un des hommes tués
avec Ghassemlou permet, à défaut de
douter, de s'interroger sur une responsabilité
de Téhéran. Outre le secrétaire
général-adjoint du PDKI, Abdullah
Ghaderiazar, c'est en effet Fahdil Rasoul,
un intellectuel kurde irakien de
grand prestige qui a trouvé la mort jeudi
soir à Vienne. Or, Fadhil Rasoul qui
était un opposant déclaré au régime de
Bagdad, n'avait jamais caché que, pour
lui, « Saddam Hussein (le chef de l'Etat
irakien, ndlr) était l'ennemi principal
des Kurdes. » Depuis quelque temps, il
était l'intermédiaire entre les autorités
iraniennes et Ghassemlou. Pourquoi
dans ees conditions la République islamique
aurait-elle abattu celui qui tentait
d'amener le chef du PDKI à se
séparer de' l'Irak et à se rapprocher
d'elle? Surtout que l'assassinat de Fadhil
Rasoul lui mettrait à dos les
Kurdes irakiens?
Alors règlement de compte interkurde
«téléguidé» par l'Irak? Si cette
question mérite d'être posée, l'arrestation
des deux Iraniens venus d'Istanbul
n'en demeure pàs moins troublante,
certains c1!lns à Téhéran pouvant avoir
voulu «casser» une négociation qui
paraissait s'engager. La police autrichienne
soupçonnait en tout cas hier les
deux' Iraniens arrêtéS de ne. pas être
étrangers à la tuerie, sans pour autant
reieter la version fournie Dar Radio-
Téhéran et évoquant un changement
d'alliance du chef kurde. .
Né dans une grande famille kurde et
engagé très jeune dans la revendication
nationaliste, Ghassemlou s'était réfugié
en URSS après la chute de l'éphémère
République kurde de Mahabad au lendemain
de la Seconde Guerre mondiale.
Résidant dans les amiées 1960 en Tchécoslovaquie,
il prit partie en 1968 en
faveur du printemps de Prague et se
réfugia en France après l'intervention
soviétique. Rentré en. Iran, en 1979, au
moment de la chute~u Shah, il a tenté
d'obtenir la reconnaissance, par le nouveau
régime islamique; de l'automonie
administrative du Kurdistan. En vain.
En butte à une violente répression mititaire
en 1979 et 1980, le PDKI a été
réduit à la clandestinité.
« Ghassemlou. est mort le jour de la
fête des Droits de l'Homme qu'il aimait
et qu'il appliquait, remarquait hier Bernard
Kouchner qui travailla pendant de
nombreuses années, comme médecin,
au Kurdistan. Et d'ajouter: « Il était le
révolutionnaire le plus démocratique, le
, guérillero le plus humain et le politique
le,plus habile que j'ai rencontré dans le
tiers monde. Son assassinat me révolte
et me dégoûte. Je pense aux populations
kurdes martyrisées, chassées,
bombardées depuis plus de vingt ans
entre cinq frontières. Je pense à sa
famille, à ses compagnons ...11avait toujours
traité dignement ses adversaires,
ses prisonniers, fait re~pecter le pluralisme
dans les. villages du Kurdistan
d'Iran. Mon ami Ghassemlou, disait:
"on ne s'intéresse pas aux Kurdes parce
qu'ils n'ont pas pris d'otages, qu'ils
n'ont pas détourné d'avions". Mo.n ami
Ghassemlou croyait aux vertus révolutionnaires
de la démOCratie (...). Il avait
rendez-vous â Vienne pour parler avec
des Iraniens. Quelle que soit leur nationalité,
ses assassins ne voulaient pas
qu'un Iranien démocrate, cultivé, populaire,
qu'un intellectuel libéral et progressiste
à la fois, puisse obtenir une
place pour le peuple kurde dans l'Iran
de demain ... »
J.G.
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