.Bulletin de liaison et d'information - Institut kurde de Paris

Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basm Özeti
ft mOnat, 18 F~VRIER 2003
La course au pétrole irakien
ne doit pas oublier... les Irakiens
I
UNE EVENTUELLE
REDISTRIBUTION
DES RICHESSES
HYDROCARBURES
I
DEVRA INTEGRER
I
LES EQ!JILIBRES
ETHNIQ!JES,
RELIGIEUX
EN
ETLINGUISTIQ!JES ,
LES GISEMENTS SONT SUR LES TERRITOIRES DES MINORIT~S
Champs pétrolifères en expldltàtlon et populations
Sise débarrasser de Saddam
Hussein semble déjà
poser bien des problèmes
ARABIE SAOUDITE
à l'administration américaine,
la gestion éventuelle
de J'Ir~ qe,: l~après-~addam
pourrait: en présénter de plus
Source: Population et Avènir
complexes entore. Autrement dit, 1990. L'élévation prÖgressiv~ du
comme en Afghanistan après l'éviction
des ta1ibans, quels ingrédiénts , réductio'n, de la natalité. De, six
niveau de vie a aussi entraîné une
faudrait-il réunir pour stabiliser un' ' ènfantS"par femme, on passe. à '4,5
nouveau pouvoir politique? Autre aujourd'hui.
manière de poser la question: quel-, La population est rép,artie en trois
le nouvelle répàrtition de la rente groupes linguistiques majeurs: les
pétrOlière faudrait-il ßlettre en place
pour que les équilibres ethnisent
les trois, quarts de la popula'
Arabes, qui parlent arabe et compoques,
religieux:et linguistiques ne tion; les Kurdes, peuple d'origine
dégénèrent pas en guerre ciVileattisée
par les intérêts' divergents des pre langue et représente le cinquiè-
indo-européenne qui parle sa pro-
puissants voisins que, sont l'Iran et me de la population ;'les Araméens
l'Arabie saoudite? Deux sociologues,
Gérard-François Dùmont et gue est devenue officielle en 1970.
(5 % de la population), dont la lan-
Yves Montenay viennent de ,publier Cette division linguiStique est surdéterminée
par dés divisions ethni-
dans la revue Populatio'1 et Avenir
(n' 660, nov.-déc. 2002) une fort ques ou religieuses. Les désérts du
intéressante étude qui pennet Nord et de Syrie sont le lieu d'élection
des musulmans sunnites (ara-'
d'éclairer quelque peu les défis politiques
qui attendent-Washington. bes ou kurdes, 40 % de. la population);
les plaines et les marais du
Rappelons tout d'abord que
l'Irak est un pays de 438000 kilomètres
carrés qui abrite une popula-
chiites, eux aussi arabes (55 %) ; au
sud sont les terres des musulmans
tion de 24 millions d'habitants (estimation
de la CIA de juillet 2002). gnes qui séparent l'Irak de la Tur-
nord, sur les verSants des monta-
Les auteurs préciseIit que l'Irak ne quie et de' l'Iran vivent lés Kurdes.
dépassait pas cinq millions d'habitants
au début 'du XX' siècle. L'ar-
on trouve des espaces, habit~s' par
Entre ces trois zones homogènes,
gent du pétrole et le régime postcolonial
ont ensuite créé des condi-
une minorité de chrétiens. "
des peuplements mélangés, dont
tions favorables à, une baissé de la « Cette répartition en trois groupes
mortalité. L'Irak compte' 10 millions
d'habitants en 1975 et plus de diversités à l'intérieur de chaque
principaux ne doit pas masquer des
20 millions au début des années groupe », écrivent Gérard-François
1 Groupes ethniques
10 Arabes sunnite,s ' '
1111 Arabes chiites
'l' [21 Arabes sunnites
, et Arabes chiites
I. Kurdes
I
'I ~ Arabes kurdes
et sunnites
i
,lit Lieux saints
I du chiisme
I
I Champs pétrolifères
l 'en exploitatIon
~
orahl
'
150 km I---+---l
Dumont et Yves Montenay. Les Arabes
sunnites, qui dirigent le pays,
sont divisés en clans, dont celui des
, Takritis, auquel appartient Saddam .'
Hussein. Les Chiites des villes sain-
, tes de Nadjaf et Kerbala ne' doivent
pas se confondre avec ceux des
, l1)arais du Chatt-al-Arab TOl,ltesces
populations sont liées entre elles
par le Souvenir des grandes civilisations
mésopotamiennes et le passé
de l'empire arabe de Bagdad, mais
les risques de mouvements centrifuges,
attisés par les ambitions ,et les
jalousies des pays voisins, sont éga-
Iement très importants.
CAPTER LES RbERYES
Ces risques expliquent trois constantes
de la politique extérieure de
, Bagdad. La première est le refus de
reconOéuùe l'indépendance du
Koweit et la volonté de l'annexer,
proclamée dès 1933 et temporairement
réalisée en 1990. n s'agit de
capter les réserves de l'émirat, d'élargir
le débouché géographique sur le
golfe Araix>-Persique et de faire pièce
aux souverains hachémites d'Arabie
saoudite, dont une branche a
régné à Bagdad de 1932 à 1958. La
deuxième est l'annexion de la province
iranienne du Khouzistan, elle
aussi riche en pétrole. Les Iraniens
chiites, de leur côté, lorgnent les
deux villes saintes d'Irak. La troisieme,
enfin, est la volonté du pouvoir
d'enrayer les velléités d'indépendance
des Kurdes, dont les territoires,
tout comme ceux des Chiites du
Sud,d'ailleurs, abritent l'essentiel,'
des exploitations pétrolifères.
Cette politique a été à l'origine de
deux guerres terriblement meurtrières,
la première contre l'Iran
(1980-1988, 300 000 morts) et la
seconde après l'invasion du Koweït
et sa défense par les alliés occidentaux
en 1990 et 1991 (70 000 morts -
c'est une eStimation), ainsi que de
massacres menés par le pouvoir central
contre les Kurdes ou les Chiites.
Ces guerres, la terreur exercée par le
régime, puis l'embargo consécutif à
la guerre du Golfe ont provoqué des
vagues d'émigration importantes
nullement répertoriées dans les statistiques.
On compte ainsi plus de
40 000 Irakiens en Suède, 30 000
aux Pays-Bas, 13 000 au Danemark,
plus des dizaines de milliers de Kurdes
en Allemagne, en France et aux
Etats-Unis. ' . ,
A l'intérieur du pays, l'appauvrissement
de la population, la dégradation
de ses conditions sanitaires,I'insuffisance
de J'alimentation ont fait
de l'Irak le pays qui connaît le plus
fort taux de mortalité au Moyen- ,
Orient Les e~timations de la CIA
indiquent qu'en 2002 il naissait 34,2'
enfants par 'tranétie de 1 000 habitants,
mais que le taux de rriortalité
restait élevé avec 58 décès pour
1 000 naissances, soit une moyenne
dix fois plus élevée que dans les
grands pays occidentaux.,
'La fin d'une pOlitiqué expansionniste'et
prédatrice de la rente pétrolière
au profit d'un seul clan ne
conduira pas automatiquement à
une amélioration de la situation. Le
régime qui succéderait à Saddam
Hussein, quel qu'il soit, ne pourra
se contenter d'ouvrir l'accès de la
production irakienne à, la foire
d'empoigne qui s'annonce entre
compagnies et Etats occidentaux. Il
devra trouver les clés d'une meilleure
répartition des bénéfices de l'exploitation
pétrolière en direction
des territoires qui les abritent, et
des populations qui y vivent. Sous
peine de recréer les conditions
d'une nouvelle déstabilisation, de la
région. .
Yves Mamou
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