.Bulletin de liaison et d'information - Institut kurde de Paris

Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentrodè la Prensa-Basm Özeti
Cette guerre a déjà:fait des ravages
Premières viaimes:
l'Europe et l'Otan
tLpar
François l:Iei~bourg*
Les dégâts collatéraux de l'dbsession américaine d'aller de l'avant, de passer par-dessus
les oppositions de ses alliés avant même que la guerre n'ait éclaté, sont terribles
,...- ..~~..-----w ....... ~ Le Nouvel Observa~
teur. - La pr~ière guerre
du Golfe sanctionnait une
violation explicite du droit
internatia:nal et une menace
directe pour la paix.
La guerre est-elle. aujourd'hui
le seul mOyen
d'en finir avec $addam
Hussein? .
François Heisbourg. - Je reviens,.traùm~tise,
de la conférence sur la sécurité de MUriich.Ja-;-.
mais la nécessité de jouer le temps e~diépuiser
tous les recours avant de déclencher une guerre;
ne m'a paru aussi fondée. La question qpe vo,u$
posez est double: une guerre contre l'Irak
serait-elle légale? Serait-ellenécessaire? Légale
oui, selon les critères définis par la résolution
1441 dans laquelle la diplomatie française a
joué un rôle actif: 1) d'après le premier rapport
du chef des inspecteurs, la coopération de
l'Irak dans la recherche des armes de destruction
massive n'a été ni substantielle ni inconditionnelle
i 2) les éléments de preuves fournis
par Colin Powell dans les domaines biologiques
et balistiques tendent à montrer qu'il y a eu
fausse déclaration. Si demain les Etats-Unis et
leur allié britannique voulaient entrer en
guerre, ils pourraient donc se baser sur la réso~
lution 1441 qui leur donne une base juridique
plus solide que lors de la guerre du Kosovo.
Je réponds de façon très différente à la question
de la nécessité. Rien de ce qui a été dit par
Hans Blix ou Colin Powell ne perniet d'aff'1rmer
qu'il y aurait un péril sérieux à autoriser les
inspecteurs à poursuivre leur travail avec des
moyens renforcés, de façon à permettre des investigations
plus approfondies et à obtenir aussi
la pleine coopération des Irakiens.
N. O. - De cepoint de vue, lq proposition qualifiée
de « plan franco-aUemand h et Prévoyant le renforcement
du nombre et des moyens des inspecteurs,
avec la capacité d'assurer leur propre sécur#é sur
place, peut-elle constituer une alternative à la
guerre?
F. Heisbourg. - Ce plan ressemble beaucouJil
à un scénario proposé en septembre 2002.par
la Fondation Carnegie pour une paix internationale.
Tel qu'il était formulé à l'époque, il pa-
raissait difficile à appliquér. Dans les circonstances
actuelles - et autant qu'on puisse
connaître les suggestions françaises et allemandes
-, c'est une alternative préférable à
l'option de guerre. Pour la France, qui réclame
une seconde résolution au cas où il y aurait emploi
dela force et qui est aujourd'hui prise au
mot par le~Etats-Unis, ce dispositif lui évite de
k'enfei'mer dans la simple contestation. C'est
une stratégie proactive sur laquelle la France
peut espérer fédérer des soutiens.. .
N. O. - Et contrer l'. unilatéralisme» américain...
F., Heisbourg. - Attention au terme d'unilatéralisml;,
iljest réducteur: encore une fois, en
passan~devant l'ONU, les Etats-Unis donnent
à Ieùr intervention un fondement juridique
plus fori:que celui de la guerre du Kosovo.
. N. O. - Au cœur de la nouveUedoctrine du président
IJush, il y a quand même la légitimation d'une
gi/erre préventive, c'est-à-dire
l'unilatèralisme...
F•. Heisbourg. - Nous
sommes là dans un débat doctrinal
compliqué. Le document
sur la « National Security
Strategy of the United States D
de septembre décline en fait la
prévention sur le mode de la
préemption face à une menace
imminente. En clair, illégitime
le fait de tirer le premier dès
lors qu'un adversaire présente,
avec des indices matériels avérés, un danger
imminent. Exemple: la guerre des Six-Jours.
On n'est pas très loin, dans cette hypothèse, du
chapitre « prévention D de la loi de programmation
militaire française adoptée il y a quelques
semaines. Nous devons en revanche nous méfier
de tout ce qui ressemble à la légitimation
de l'emploi de la force sans motif visible, clairement
identifiable. C'estlà où le concept américain
de guerre préventive-preemptivetrouve ses
limites.
En Irak, la volonté de l'Amérique d'atteindre
coûte que coûte ses objectifs me semble plus
exprimer une politique de puissance qu'un
simple unilatéralisme. Ce qui m'a frappé à Munich
et d'une façon plus générale dans l'attitude
américaine ces derniers temps, c'est cette
volonté sans partage de balayer toute opposition,
enrôlant les uns ou divisant les autres au
gré de leur intérêt. Les dégâts collatéraux de
cette obsession d'aller de l'avant, de passer par-
. dessus les oppositions de ses alliés avant même
que la guerre n'ait éclaté, sont terribles. Voyez
l'Otan, divisée entre d'une part les Allemands,
les Français, les Belges, d'autre part ceux
qu'un responsable démocrate-chrétien allemand
a qualifié de « vassaux» de l'Amérique.
L'Alliance nord-atlantique est déchirée, donc
inopérante. Comme le.pacte de Varsovieaprès
la chute du mur de Berlin, elle est en train de
devenir une institution vidée de son contenu.
L'Union européenne est également en crise. En
jouant sur la fameuse (c lettre des huit ,),signée
par les deux tiers des Européens, les Américains
ont.enrôlé avecune grande intelligence et
une totale brutalité contre la (c vieille Europe»
leurs alliés traditionnels associés
cette fois aux nouveaux
membres de l'Union. Ce pilonnage
de la vieille Europe a atteint
son paroxysme à Munich
quand Donald Rumsfeld, le secrétaire
d'Etat américain à la
Défense, a eu cette phrase extraordinaire
: « Les gouverne-
Il. ments qui ne sont pas avec nous
Vi dans cette affaire devront bien
~ finir par changer de position,
sinon ils auront à en répondre un
jour devant leur électorat.»
L'Alliance nord-atlantique cassée en deux,
l'Union européenne profondément divisée: à
la Convention sur l'Avenir de l'Europe, le pré~
sident Giscard d'Estaing aura beaucoup de mal
à entretenir l'idée que notre continent puisse
demain parier sécurité et défense d'une même
voix: une politique étrangère commune ou un
ministre des Affairesétrangères commun n'ont
guère de contenu aujourd'hui.
N. O. - Rien en tout cas qui puisse contrer la
puissance de l'empire américain...
F. Heisbourg . ..:Je préfère l'expression hégémonie.
Un empire, c'est quelque chose de
fortement territorialisé. Or la puissance américaine
ne se fait pas par colonies interposées.
L'hégémonie me semble mieux exprimer cette
•.l
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