.Bulletin de liaison et d'information - Institut kurde de Paris

Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro
de la Prensa-Basm Ozeti
'J
,sonne n'appärténant pas à sa
plus proche famille. ..'
Un ami. serrurier. se Jomt a
l'entretien. Il dit redouter les
bombardements américains :
«En 1991. une de leurs bombes,
sans doute destinée à l'antenne
de communications sur la place
centrale. a manqué son objectif
et s'est écrasée dans le quartier
d'Hayal Akrad. Ma cousine y.
vivait. Elle a été tuée. avec son
. mari et ses quatre enfants ».
Comment se protégera-t-il la
prochaine fois ? « Nous suivrons
les consignes du parti. Il
saura.nous protéger ». explique
le serrurier. reprenant. d'un ton
'monotone. le leitmotiv qu'on lit
dans tous les journaux. Peut-il
nouS accompagner à la ruine de
la maison de sa cousine ?
« Euh....je n'ai pas vraiment le
temps. mais je peux vous indiquer
où elle se trouve... »
HayaL~krad. qui signifie en
arabe «.le quartier des
Kurdes ». n'estaujourd'h,ui habité
que p.ar des chiites. comme
la quasi-totalité de la popwation
d'Hilla. Les indications du ser~
rurier sont exactes. Derrière un
immeuble en béton gris abritant
les bureaux miteux de cabinets
d'avocats. on tombe sur un
vaste quadrilatère aplati. déjà
envahi d'herbes folles, mais encore
jonché de gravats. de
briques calcinées et de poutrelles
tordues. Visiblement, pas
un mur n'a résisté à la puis- ..
. salIce de la bombe américaine. .
',:, 'Afin d'en savoir plus. il faut
sopner au portail aveugle de la
plus proche mab;on riveraine.
Ouvre une femme d'une quarantaine
d'années. un fichu sur
les cheveux. Passé un long moment
d'hésitation, elle fiutrentrer
l'étranger et lui ofIre le thé.
« Ou~j'étais là. avec mes parents
et mes frères et sœurs.
cette nuit-là. C'était le 11 février
1991.- Il était environ
4 heures du matin. quand nous .
avons tous été réveillés par une
. énorme explosion et une pluie
de gravats sur le toit de la ma~son.
Quand nous sommes sortis
dans la rue. il n'y avait plus
rien à faire pour ces pauvres
gens. Ils sont morts sur le coup.
ensevelis vivant. Il y avait
quatre familles, vivant dans
quatre masur~s d,e briques,
pratiquement accolees les unes
aux autres. »
La dame. en revanche, n'a
pas assisté à l'insurrection
chiite du mois de mars .1991 :
«Dès qu'elle est montée vers la
ville, mon père nous a tous emmenés
nous réfugier dans un
viilage à 15 km d'ici. Lorsque .
nous sommes revenus, les bâtiments
publics portaient encore
la trace des émeutes - vitres .
cassées. portes défoncées -:;
mais le contrôle de la ville avait
.été entièrement repris par le
gouvernement ».
Très simple. sans tapis. le salon
d'hôtes de cette vieille demeure
de commerçants chiites.
est décoré de versets du Coran
et de quatre photos. accrochées
sur un grand mur nu. A elles
seules. elles résument bien
l'histoire récente de l'Irak.
Vune. représentant le buste
d'un homme en uniforme. est au vent respirent la gaieté. la
celle du protecteur de la fierté. la confiance en soi. L'avefamille:
un oncle devenu com- nir semble leur appartenir.
. missaire de police après ses C'est l'époque où l'Irak. dont les
études de droit.
revenus pétroliers ont été décu-
La deuxième est celle d'un plés en six ans. investit massivejeune
homme : « C'est mon ment dans ses infrastructures et
frère, et voici une autre photo dans la modernisation de son
où on le voit. tout fier, avec le industrie. Ces jeunes visages de
taxi qu'il s'était acheté. Mobi- 1980 n'ont pas du tout l'air de
lisé dans l'armée. il a disparu se douter de ce qui les attend
en 1982, lors d'une offensive dans les vingt-trois années suisur
le Chatt el-Arab ». Les com- vantes: la guerre. l'appauvrisbats
les plus meurtriers de la sement généralisé. l'isolement
guerr.e Irak-Iran (septembre international
1980-août 1988) se déroulèrent Notre hôtesse, comme sa
au sud du pays, pour le contrôle sœur professeur dans un village
des zones côtières du Golfe. se sont mises à porter le voile ily
«La troisième photo est celle a six ans. Fille de deux guerres
et de l'embargo. la misère écode
mon père, 'mort de chagrin nomique a jeté toute une généen
1992. lorsqu'il a compris ration d'Irakiens dans les bras
qu'il ne reverrait jamais son . de l'islam.
fils. Les Iraniens avaient relâ- Comme le rêve nationaliste.
ché des prisonniers. et il n'était •. incarné par la. reconstitution
pas dans le lot ». grandiose de Babylone. a
La quatrième photo. la seule abouti à une impasse. la popuen
couleurs. est beaucoup plus lation irakienne. naguère nourgaie.
Elle date du printemps rie de valeurs laïques. s'est ré-
1980 et elle représente une pro- fugiée daits la religion. A Hilla.
motion d'étudiantS posant de- ville chiite surpeuplée, la trans-.
vant l'entrée de l'universit~ formation en direction de l'is-
Mustansyria de Bagdad :.«IcI, lam a été radicale. C'est à cette
c'est ma s~ur. la plus bnllante réalité-là que devront se
d~ lafa'flille. ~ur la ~hoto. elle .confronter les troupes d'invament
d o?tenzr ~a llcenc~ de sion américaines .
sciences economlques. AUJourd'hu~
elle est professeur de math~matiques
dans un village ».
La promotion d'une cinquantaine
d'étudiants est entièrement
mixte. Seulement deux
filles portent le hidjab musulman.
Les visages de ces jeunes
hommes en cravate et de ses
jeunes filles en jupe et cheveux
'"o
o
N
La vision anglo-américaine enfin dévoilée
• Dans la nuit du 16 au 17 février, l'un des leaders de l'opposition
irakienne s'en .est pris au projet américain d'installer
un gouverneur militaire à Bagdad pour diriger l'Irak après la
guerre: Kanan Makiya a parlé de .véritable désastre", de projet
"stupide", de "gâchis" [voir ci-dessus l'article de Makiya).
Les partis d'opposition irakiens devaient se rencontrer dans la
semaine, au nord de l'Irak, dans la zone contrôlée par les Kurdes,
. pOurfinaliser les plans en vue d'un gouvernement de transition.
Mais leur conception d'un gouvernement post-Saddam Hussein
est profondément antinomique avec les propositions formulées
par Zalmay Khalilzad, l'émissaire de George Bush en Irak - des
propositions approuvées semble-t-i1 par le Foreign Office britannique.
Suivant le projet de Washington, l'infrastructure du
parti Baas de Saddam Hussein resterait à peu près intacte, les.
deux principaux responsables à la tête de chaque ministère irakien
étant remplacés par des öfficiers américains.
Piquée au vif par les critiques de Makiya, la Maison-Blanche
lui a demandé de ne rien publier qui soit hostile aux projets
américains, faisant valoir que ce serait "contraire au but recherché"
(l'intellectuel est passé o(!tre). Le 17 février, Ahmad Chalabi,
le président du Congrès national irakien, dont beaucoup
pensaient qu'il deviendrait le nouveau président de l'Irak, a
lui aussi tourné en dérision les propositions de Washington.
"L'idée qu'il faille placer trois officiers américains au cœur de
chaque ministère n'est pas réaliste", a-t-ildéclaré. Par ailleurs,
Chalabi est cinglant envers lé"gouvernement allemand, dirigé
selon lui .par des.gauchistes vieillissants désireux de soulager
leur conscience aux dépens du peuple irakien". .
Le Pentagone et le vice-président Dick Cheney sont largemént
favorablès à l'introduction d'.une démocratie à l'occidentale
~ '
en Irak; mais Colin Powell et la CIAestiment que cela pourrait.
avoir une influence déstabilisatrice sur la région. De plus, "opposition
irakienne nourrit les plus grandes craintes vis-à-vis
de l'accord entre Washington et la Turquie, qui prévoit l'envoi
de milliers de soldats turcs"dans le nord de l'Irak, soi-