Bulletin de liaison et d'information - Institut kurde de Paris

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de la Prensa-Basm Ozeti
- ÉDITORIAL --------
Arménie, devoir de mémoire
EN votant en dernière lecture,
jeudl18 janvier, un
texte de loi qui tient en
une phrase, les parlementaires
français créent un événement
exceptionnel: «La France
reconnaît publiquement le génocide
arménien de 1915.» Avant
eux, la sous-commission des
Nations unies pour les droits de
l'homme en 1985et le Parlement
européen deux ans plus tard
avaient quaDfté de « génocide» le
massacre des Arméniens par les
Turcs pendant la première guerre
mondiaie. Sous la pression de
considérations diplomatiques qui
n'ont pas été absentes du débat
français entre les pouvoirs législatif
et exécutif, la Chambre américaine
des représentants a renoncé
à accomplir le même geste.
On peut certes s'interroger sur
la légitimité d'une Assemblée parlementaire
à trancher par un vote
d'un fait historique qui donne
encore lieu à des controverses
entre spécialistes. Mais le fait est
là : en 1915et1916, un à deux millions
d'Arméniens qui vivaient
depuis des siècles dans l'Empire
ottoman ont été déportés, puis
assassinés par les Turcs. Le prétexte
était fa couabOration de certains
d'entre eux avec l'ennemi
russe, la Turquie étant aiors l'ai-
Uée de l'Allemagne wllhémienne.
Or les massacres avaient commencé
dès la ftn du XIX"siècle et
encofe en 1909sous l'Impulsion
des Jeunes Turcs, en révolte
contre le sultan.
En 1948, l'ONU a défini le
oe génocide» comme la «soumission
Intentionnelle [d'un groupe]
national. ethnique, racial ou religieux
à des conditions d'existence
devant entraîner sa destruction
physique totale ou part/elle ».
Concernant les Arméniens, le crime
de génocide parait donc bien
constitué. Les aIDés de 1914-
1918n'hésitaient pas à quaUfter
l'attitude turque de « crime contre
l'humanité JO, jusqu'à la disparition
de cette quaDftcation, dans
le traité de Lausanne de 1923,
pour les convenances de la Reaipolitik.
Au Ueude menacer d'une « cr/-
se sérieuse» les relations francoturques
si la loi sur le génocide
des Arméniens est promulguée,
les autorités d'Ankara seraient
mieQXavisées de réfiéchlr sur la
19 JANVIER 2001
contribution qU'elles-mêmes,
dans le sillage de oe nouveauX historiens
» turcs qui commencent à
secouer les tabous, pourraient
apporter à la reconnaissance
d'une responsabillté dans les horreurs
intUgées au nom de la Turquie.
Ce travall de mémoire est
douioureux - la France le sait
trop bien pour être confrontée à
ses périodes d'ombre, de Vichy à
l'Algérie. n est d'autant plus délicat
qu'II touche aux fondements
mêmes de la République kémallste.
Mais U est indispensable si la
Turquie veut être acceptée comme
une puissance européenne à
part entière et, à terme, admise
dans l'Union. .
Le génocide des Arméniens a
été le premier du XX"siècle. Tragique
Ironie de l'Histoire, des membres
de la mission mUitaIre allemande
à Constantinople, qui
avaient, en 1915,conseillé le pouvoir
turc pour la déportation des
Arméniens, se retrouveront vingt
ans plus tard parmi les exécutants
de la solution ftnaie contre
les Juifs. n est urgent de ne pas
l'oublier.
Près de 500 000
Arméniens en France
La communauté annénienne
de France, qui compte aujourd'hui
plus de 450 000 membres,
est la plus importante
d'Europe occidentale, selon le
Centre de recherches sur la
diaspora annénienne (CRDA).
Trois vagues d'immigration
marquent principalement son
arrivée sur le territoire : celle
de négociants à Marseille au
XVII' siècle, puis celle des rescapés
du génocide de 1915, et
enfin les ressortissants plus
jeunes nés au Proche-Orient et
en Turquie.
Survivants et descendants
sont principalement regroupés
dans trois ZOnes géographiques.
Ils sont quelque 200 000 en région
parisienne, 'notamment à
IA Marseille. le vote des
députés a été accueilli
par une explosion de joie
Alfortville, dans le Val-de-
Marne, surnommée « la petite
Annénie », où un habitant sur
six est d'origine annénienne.
Marseille et son agglomération
comptent également plus de
100 000 Arméniens. Enfin,
100 000 sont installés dans la
région Rhône-Alpes, notamment
à Lyon.
La communauté vit dans une
assez grande pluralité politique
et religieuse, une majorité restant
fidèle à l'église apostolique
annénienne (chrétienne orientale).
Elle entretient par
ailleurs un travail important de
culture et de mémoire avéc au
moins six établissements scolaires
annéniens, une centaine
« d'écoles du dimanche» ainsi
LE nGARO VENDREDI 19 JANVIER 2001
qUe la créanon du CHDA en
1976.
Ce centre conserve des milliers
de docUments sur l'histoire
du peuple arménien,
marquée essentieHement par le
génocide de 1915. Sa reconnaissance
par la France était la
principale revendication de
toute la communauté arménienne.
A Marseille, le vote des députés
.a été accueilli par une
véritable explosion de joie.
« C'est la fin d'une interminable
bataille qui aura duré
85 ans ». confie Pascal Chamassian,
président de la Jeunesse
annénienne de France.
La communauté arménienne
de la cité phocéenne est d'une
très grande diversité idéologique
: « n y a autant d'Arméniens
que de
partis politiques,
affirme
l'écrivain Jean
Kehavan, aute
ur du livre
L'Apatrie. Et la
communauté
n'a pas toujours été unie, ce
qui a pu nuire à son combat.»
S'ils restent attachés à leurs
traditions, les Arméniens de
Marseille sont parfaitement intégrés
dans leurs fiefs de Beaumont
(12'), Saint-Antoine (14'),
Saint-Loup (10') ou Sainte-
'Marguerie (9'). « Nous devons
tout de même rester vigilants
», tempère Robert Azila-
. zian, président du Conseil de la
cathédrale arménienne de
Marseille. « Je me souviens
qu'en 81 lorsque le Parlement
européen a reconnu la réalité
du génocide, un an plus tard la
Turquie faisait son entrée au
sein de l'Union douanière.
Quand on lâche d'un côté, on
lâche aussi de l'autre. »
Avec AFP
et José d'ArrIgo (à MarseIDe)
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