Bulletin de liaison et d'information - Institut kurde de Paris

Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basm Özeti
~ n02586-5en'iaInedu25au31janvler2001
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DIPLOMATIE
LaTur uie
Fureur à An/?ara après la reconnaissance ear la France du génocide arménien.
Seuls quelques historiens turcs sont prêts a lever les tabous
Manifestation d/Annéniens devant l'Assemblée nationale, à Paris.
La réaction outragée de
, la Turquie à la recon-
, naissance, par l'Assemblée
nationale française,
le 19 janvier, du génocide
arménien de 1915 est-elle
un réflexe nationaliste passager,
prélude à l'ouverture d'un
débat plus serein sur l'Histoire,
ou bien le signe d'une incapacité
à solder les comptes
d'un passé déjà ancien?
Ce qui est en jeu dans ce
courroux d'Ankara (rappel
d'ambassadeur, menaces de
rétorsions coriunerciales), c'est
l'identification des citoyens
contemporains aux soldats
de l'Empire ottoman et aux
Jeunes- Turcs nationalistes du
début du siècle. C'est de savoir
s'il existe un continuum
ou une rupture entre la Turquie
d'aujourd'hui et la Sublime
Porte d'hier. C'est la
place de ce pays dans l'Eùrope,
alors que sa géographie,
l'islam et son histoire semblent
souvent le faire hésiter entre
l'Orient et l'Occident.
Les Arméniens, dont le
royaume, sur les rives du lac
de Van, aurait été fondé, dit
la légende, par un descendant
de Noé, ont connu dix dominations
en deux mille ans.
Mais ilspréservent malgré tout
leur identité et leur foi chrétienne,
que personnifie notamment,
au XVIIIe siècle, un
prêtre, le bien nommé Me- •
khithar le Perturbateur. Citoyens
ottomans de second
rang, comme tous les infidèles
à Mahomet, les Arméniens
sont accablés d'impôts, interdits
de port d'armes. Ils trouvent
chez leurs voisins russes
appuis, liens commerciaux
et solidarité confessionnelle.
Le sultan Abdulhamid II
(qu'Anatole France surnommera
« le Grand Saigneur »)
organise, de 1894 à 1896, le
prélude au grand génocide
de 1915 en planifiant des massacres
systématiques d'Arméniens.
Ils causeront la mort
de 200 000 personnes. Les
Jeunes-Turcs poursuivent
cette intention génocidaire :
30 000 Arméniens seront encore
massacrés en Cilicie,
en 1909. En 1914, la Turquie
se range aux côtés de,l'AlIemagne
et les Arméniens, trop
proches des Russes, sont accusés
de déloyauté. Le gouvernement
organise une gigantesque
rafle à Istanbul, le
24 avril 1915, dans laquelle
'~ tombe toute l'élite armé-
~ nienne. Au même moment est
~ déclenchée une vaste dépor-
~ tation, menée par les soldats
~ turcs et leurs alliés kurdes, qui
durera jusqu'en 1917. On estime
à environ 1,5 million de
morts le bilan de ces années
d'horreur. En un quart de
siècle, 1 Arménien sur 2 a disparu
en Turquie. Et, aujourd'hui,
sur la colline des
martyrs d'Istanbul se trouve
le tombeau de Talaat pacha,
ministre de l'Intérieur en 1915,
sans doute l'un des pires persécuteurs
du peuple arménien.
réciproques. On évoque éventuellement
une déportation,
mesure d'autodéfense, qui aurait
mal tourné, faisant entre
300 000 et 500 000 morts.
Pourquoi cette attitude, tant
d'années plus tard? Ressentiment
à l'égard de la tentation
terroriste des Arméniens
à la fin des années 1970 ?
Fierté nationaliste blessée,
alors qu'avant les parlementaires
français, ceux de
Grèce, de Belgique, d'Italie,
de l'Union européenne, de
Russie, de Californie, du
Delaware, du Massachusetts,
de l'Ontario et du Québec
avaient déjà reconnu le génocide
? Que bientôt, peutêtre,
le Congrès américain
pourrait faire de même? Ou
bien est-ce la peur de devoir,
un jour, répondre à des
Ce qui est enjeu,
CIest la place
de ce pays
dans l'Europe
En 1919, des procès s'ouvrent
à Constantinople. Des
fonctionnaires reconnaissent demandes de réparations?
avoir reçu l'ordre d'extermi- Seuls quelques rares historiens
ner les Arméniens. L'année turcs, comme Taner Akçam,
suivante, Mustafa Kemal ren- de l'université de Hambourg,
verse le sultan et instaure ou Halil Berktay, de l'univerl'Etat,national
turc. Les puis- sité Sabanci, à Istanbul (voir
sances occidentales ont alors L'Express du 9 novembre
d'autres soucis, tandis que naît 2000), souhaitent que soient
la Turquie moderne. Et c'est levés les tabous de l'Histoire.
celle-ci, aujourd'hui, qui nie Il serait heureux qu'on les enle
génocide comme si elle- ,tende car, tant qu'elle occulte
même l'avait perpétré. A An-' les crimes du passé, la Turquie
kara, on admet des massacres, d'aujourd'hui agit comme
liés aux horreurs de la guerre, si elle en était toujours la
mais l'on ajoute qu'ils furent complice.. Michel Faure
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