Bulletin de liaison et d'information - Institut kurde de Paris
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17.10.1984<br />
eprésailles turques<br />
~npays kur<strong>de</strong> - .-<br />
L'année turque, confrontée à nouveau <strong>de</strong>Puis <strong>de</strong>ux 1rWisà la rébellion<br />
<strong>de</strong>s s~paratist~ _~ur<strong>de</strong>s,multiplie les opéràtions <strong>de</strong> ratÏ!sage dans<br />
les villages du sud~est du pays.<br />
Depuis <strong>de</strong>ux mois, les si'paratistes kur<strong>de</strong>s se sont<br />
lancés dans une véritable ~uérilla contre l'armée dans<br />
le sud-est <strong>de</strong> la Turquie. Celte rébellion, sans<br />
précé<strong>de</strong>nt <strong>de</strong>puis le coup d'Etat militaire <strong>de</strong> 1980, est<br />
partie <strong>de</strong> la frontière irakienne mais elle commence à<br />
s'étendre à toutes les provinces kur<strong>de</strong>s: samedi soir,<br />
les séparatistes ont lancé un raid prés d'Erzurum,<br />
beaucoup plus au nord.<br />
L'armée mène une brutale opération <strong>de</strong> ratissage, à<br />
l'ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> commandos aéroportés, appréhendant <strong>de</strong>~<br />
villages t'ntiers pour débusquer ceux qui auraient aidé<br />
les « terroristés Il. Douze maquisards ont été capturés<br />
ainsi qut' 32 paysans accusés <strong>de</strong> les avoir hébergés.<br />
Comme les raids se poursuivent malgré tout, Ankara<br />
envisage d'étendre son opération au territoire irakien.<br />
L'an <strong>de</strong>rnier, en mai, la Turquie avait déjà<br />
pourchassé les pechinergas chez son voisin irakien. Le<br />
ministre turc <strong>de</strong>s Affaires étrangères, Vahit Halefoglu,<br />
s'est rendu à Bagdad au début <strong>de</strong> la semaine pour<br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong>r le soutien <strong>de</strong> Saddam Hussein.<br />
Le « Kurdistan profond », lui, songe moins à la<br />
rébellion armée qu'à sa misère quotidienne. Quatre à<br />
cinq fois plus pauvres que les Turcs, ignorés jusqu'à<br />
présent par le pouvoir central, les paysans kur<strong>de</strong>s<br />
survivent dans un mon<strong>de</strong> qui emprunte davantage à la<br />
loi <strong>de</strong> la jungle <strong>et</strong> à la féodalité qu'à l'Etat <strong>de</strong> droit.<br />
Nusaybin (sud-est <strong>de</strong> la Turquie) marche. Kunar, une cinquantaine'<br />
d'habitants, est l'un <strong>de</strong>s hameaux les<br />
Une douzaine <strong>de</strong> maisons <strong>de</strong> torchis<br />
se serrent frileusement les turc: pas d'électricité, pas d'eau, pas<br />
plus déshérités du Kurdistan<br />
une: contre les autres, comme pour d'école ni même <strong>de</strong> radio. Tout juste<br />
se protéger du désert. Autour, la quelques troupeaux <strong>de</strong> chèvres <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />
terre s'est faite caillou <strong>et</strong> le vent mo:~ns qui partagent la misère humw~.<br />
I<br />
poussière. L'homme, ici, doit rêver I<br />
d'cau <strong>et</strong> <strong>de</strong> verdure. A perte <strong>de</strong> vue, Kunar ne Se trouve qu'à une dizaine<br />
<strong>de</strong> kilomètres en r<strong>et</strong>rait <strong>de</strong> la route I<br />
principale, l'axe Nusaybin-Irak, qui:<br />
longe la frontière syrienne avant <strong>de</strong> plonger vers Bagdad. Du village, on I<br />
on n'aperçoit qu'un arbre, qui sur- I<br />
plombe quelques pierres bien rangées<br />
: le cim<strong>et</strong>ière. Quant à l'eau, le !<br />
ruisseau le plus proche passe à proxi- i<br />
mité du village voisin, à une heure <strong>de</strong> I<br />
suit même le lent défilé <strong>de</strong>s poids<br />
lourds comme <strong>de</strong> gros scarabées à I fait, ne songe vraiment à partir. Les<br />
l'horizon. Pourtant le village est tota- paysans <strong>de</strong> Kunar tie"nnent à leurs<br />
lement coupé du mon<strong>de</strong>. Aucune rou- cavernes dans la montagne, qu'ils'<br />
te n'y mène. On l'atteint par une Ilouent l'hiver à <strong>de</strong>s noma<strong>de</strong>s. Partir,<br />
lan<strong>de</strong> rocailleuse impraticable l'hiver. <strong>de</strong> toute façon pour aller où? A Koquand<br />
toute c<strong>et</strong>te poussière <strong>de</strong>vient lika, le village voisin, la terre est tout<br />
boue. Les paysans n'ont pas vu <strong>de</strong> aussi assoiffée. « Il ii'y a rien ici. Pas<br />
voiture <strong>de</strong>puis plusieurs mois. assez d'eau pour irriguer, donc pas<br />
.<strong>de</strong> travail, à part quelques ouvrages<br />
BOUE ET POUSSIERE<br />
saisonniers <strong>et</strong> l'élevage », se plaignent<br />
les paysans. Pour eux, le gouverne-<br />
A l'entrée du hameau, les femmes, 'I ment s'acharne à les maintenir dans<br />
tatouage bleu sur le front <strong>et</strong> foulard la misère. « C'est parce que nous<br />
triangulaire rouge <strong>et</strong> noir noué haut sommes kur<strong>de</strong>s. Regar<strong>de</strong>z. Nous<br />
sur la tête, à la kur<strong>de</strong>, remontent du n'avons droit à rien: ni routes, ni<br />
puits avec <strong>de</strong> lourds bidons <strong>de</strong> plasti- électricité, ni 'Canalisations. Il Le villaque.<br />
L'eau <strong>de</strong> pluie, recueillie l'hiver, ge soutient-il les séparatistes? « Nous<br />
a pris en ce début d'automne une sommes tous <strong>de</strong>s Pechmergas (comcouleur<br />
brunâtre. C'est pourtant c<strong>et</strong>te battants séparatistes). Il n'y a aucune<br />
eau que l'on boit ici. Des travaux liberté ici pour les Kur<strong>de</strong>s. I)<br />
pour pomper celle du ruisseau voisin<br />
ont bien été entamés il y a trois ans,l UN BIENFAITEUR UNIYERSEL<br />
puis abandonnés. Personne ne sait .<br />
pourquoi. Mais, plus que celle d'une adminis-<br />
Les hommes sont réunis, comme tration qu'ils ignorent autant qu'elle<br />
chaque jour, chez le Mukhtar (chef les méprise, les Kur<strong>de</strong>s subissent la<br />
du village), « assIs à ne rien faIre L'or loi féodale <strong>de</strong> leur Agha (maître) qui,<br />
Il n'y a pas <strong>de</strong> travail Ici ». Dam une pour être kur<strong>de</strong> lui aussi, n'en est pas<br />
maison qUI ressemble à toutes les moins un capitaliste averti. Quatreautres.<br />
La porte, un assemblage <strong>de</strong> vingt pour ,cent <strong>de</strong>s paysans cultivent<br />
bidons d'huile <strong>de</strong> moteur applatis,. <strong>de</strong>s terres dont ils ne sont pas prodonne<br />
sur un rez-<strong>de</strong>-chaussée basse-I priétaires. A Kunar, comme à Kolika,<br />
cour <strong>et</strong> réserve à grain. A l'étage, tout, jusqu'aux masures délabrées,<br />
une gran<strong>de</strong> pièce unique dépourvue I appartient. à l'Agha. Celui:ci « rè<strong>de</strong><br />
tout meuble. L'été, les familles gne» aussI sur <strong>de</strong>ux autres VIllages <strong>et</strong><br />
couchent sur les toits en terrasses. I sur l'ensemble <strong>de</strong>s terres qui <strong>de</strong>scendans<br />
ces sommiers surélevés aux bar <strong>de</strong>nt jusqu'à la route. On ne consreaux<br />
bleus qui transforment le Kur- I truit rien sans son accord. Il l'interdit<br />
distan en un gigantesque -dortoir en I d~ peur <strong>de</strong> voir. ses « ouaill~s » reve~plein<br />
ciel. L'hiver, hommes <strong>et</strong> bêtes I dlquer un drOIt <strong>de</strong> propnété. MaiS<br />
se tiellJ\ent chaud en bas dans <strong>de</strong>s I « Davut Agha», comme l'appellent<br />
réduits tout noirs. respectueusement les paysans, sait se<br />
Une vieille qui traîne son bidon à I montrer généreux. Il pince les joues<br />
tout p<strong>et</strong>its pas s'arrête <strong>et</strong> crie: « Em- i <strong>de</strong>s p<strong>et</strong>its <strong>et</strong> connaît chacun par son<br />
menez-moi en.",Mlemagne, c'est trop nom. Il fait profiter tout le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> '<br />
dur <strong>de</strong> vivre ici. i) Mais personne, en i sa voiture. U fait un ca<strong>de</strong>au lors <strong>de</strong>s'<br />
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