Bulletin de liaison et d'information - Institut kurde de Paris

Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basm 6zeti
aucun cas .« remplacer» l'Arabie
saoudite, vérita,ble.' « grénier.» \ à
pétrole du moride, tout au. plus
pourrait7il, à terme, contrebalancer
son influence, mais à un prix tel
qu'on peut s'interroger.
Lesréserves irakiennes sont moitié
moins grosses,les champs totalement
endavési •.les accès à la mer
(donc au marché)'limités et contingénts.
Surtout, Bagdad ne pourra
jamais jouer le rôle-clé de producteur
d'équilibre qui a permis aux
Saoudiensdepuis vingt ans de maintenir
tant bien que malles cours du '
brut autour du prix cible de 25 dolo,
lars le baril- prix idéal pour les producteurs
texans...Comme l'a rappelé
récemment le' ministre saoudien
du pétrole, cette position a un ço(lt
Bush et le « piège »saoudien
«LES-AMÉRICAINS n'ont:pas-Ie -énorme.: elle suppose eneffeLde _tendus "en ~
droitdefaire ça / Tout ce qui les i11téresse,
c'est le pétrole. Os nous ont tratant
volant de capacité inutilisée -
conserver en permanence un imporhis
au,ssi. pn a vu le résultat / »"Dans donc d'investir pour garder du '
sa retraite parisienne, l'ancien colonel
du deuxième bureau iranien ne aujourd'hui le seul pays au monde
pétrole «sous le pied ».Riyad est
décolère pas. La croisade anti-Sad~ à:pouv~ir a\lgmenter sa production
dam de Bush junior évoque pour de moitié pratiquement dans l'instant
et répondre ainsi à n'importe
lui de cuisants souvenirS. En 1978,
la révolution iranienne, assure-toil, quelle rupture d'approvisionnea
été orchèstrée en sous-main par .ment ou sursaut de la demande. '
ses homologues américains à seule , Les Irakiens n'en ont ni le potentiel
niles moyens, et ils ne sont pas
fin de remplacer le chah par un
homme lige. Motif? Le pétrole, près de ~esavoir. Depuis vingt ans,
déjà. Lescontrats de partage de production
conclus avec les compament
dégradés que, simplement
leurs équipements se sont tellegnies
internationales arrivaient à pour produire à plein régime
échéance en 1979: après cette date, (3,5millions de barilsljour environ),
l'Iran devenait seul maître de ses deux ou trois ans de travaux seront
réserves. C'est ce que le chah avait nécessaires. Pour porter l'extraction
jusqu'aux 5ou 6 millionssuggé-
voulu.Pour cela, il devait partir...
Cette thèse, pour le moins contestée,
voire paranoiaque, fait sourire il faudra encore quelques années
rés par l'administration américaine,
les historiens. Mais pas les milieux (nécessaires entre autres à la construction
de nouveaUx oléoducs) et
pétroliers, pour qui elle est familière
et terrifiante. Car quelles des sommes qui donnent le tournis.
qu'aient été les arrière-pensées ou Quant 'à égaler les capacités saoudiennes
(I2 millionsdont 8utilisés),
les erreurs des Américains, la suite
est connue : prise de pouvoir de inutile d'y songer. .
Khomeiny, second choc pétrolier, De surcroît, la mise en coupe
guerre, récession mondiale et radicalisation
de l'islam... Ce scénario compagnies américaines n'ira pas
réglée du pétrole irakien par les
catastrophe peut-il se répéter? sans difficulté.Ellesuppose d'imposer
un pouvoir à la botte mais
Curieusement, les professionnels
du pétrole ne Sontpas loin de partager
les appréhensions du vieuxcolopui
de la population, et ausside sou-
«démocratique », donc avec l'apnel
iranien.
mettre la technostructure irakienne
du pétrole, fort patriote, laquelle a
LA PROIE POUR L'OMBRE
développé des liens avec les Français,
les Russes, et les Chinois, tous
«Cette guerre est. motivée par le
pétrole, c'est sar. Mais lequel, pourquoi,
comment? Bush est en train de té, qui n'ont aucune raison de se
trois membres du Conseilde sécuri-
tout chambouler sans savoir où il laisser supplanter sans mot dire...
va », dit un expert. L'idée que les En face de ce gain pour le moins
Etats-Unis, en attaquant Bagdad, incertain, les risques d'une guerre
cherchent, à faire main basse sur sont énormes, le principal étant de
son or noir afin de réduire leur déstabiliser l'Arabie saoudite, coincée
entre ses engagements pro-occi-
dépendance vis-à-vis de l'Arabie
saoudite; patrie d'Oussama Ben dentaux et une population travaillée
par la propagande islamiste
Laden et des terroristes du Il septembre,
fait tiquer les spécialistes. et antiaméricaine. Les"dirigeants
D'un point de vue économique, saoudiens ont tout à perdre dans
cela revient de fait à lâcher la proie cette aventure: leurs alliésdu Golfe
pour l'ombre. Car, quel que soit le (Koweït,Qatar), des tankers, des terminaux
ou des puits, et, au critère retenu, l'Irak ne peut en
pire,
leur pOllvoir.Ce;:aumoment même
. .
où on aura le plus besoin d'eux
pour el11pêcherles cours du brut de
s'envoler, donnant un coup fatal à
l'économie mondiale. Les Américains
nè peuvent l'ignorer.
Pourquoi passent-ils outre? Les
séquelles du Il septembre 2001jus- '
tÎfient une tension avec l'Arabie
..saoudite. Pas le renversement historique
d'une alliance qui remonte à
1945,et dont l'industrie et les finances
américaines ont été si largement
bénéficiaires. En bonne logique,les
Etats-Unis devraient.plutÔt
aider les dirigeants saoudiens à
combattre leurs extrémistes interne~.
Au contraire, on assiste à une
escalade sournoise, Qui,de malen-
fuite~~ QIganiséeJi,_ sur.. investissement
empoisonne chaque jour un peu
plus les relations entre les deux
anciens alliés.
LE COUP DU CHAH
«Les Saoudiens sont totalement
désorientés », assure 'un dirigeant
d'une compagnie. Etde plus en plus
méfiants, car en réalité la dégradation
a commencé avant le Il septembre
2001. Et elle n'a qu'une
explication logique: le pétrole. « Os
cràignent que les Américains ne leur
refassent le coup du chah en 1978 »,
explique le mêmè dirigeant; en'
clair que l'objectif réel des Etats-
Unis soit, non pas d'aner chercher
en Irak d'improbables eldorados,
mais bien de reconquérir par la force
le contrÔle des réserves et des
puits que la « saoudisation » leur a
fait perdre au fil c;lesannées.
n est loin le temps où. Exxon,
Mobil, Chevron et Texaco pilotaient
l'Aramco,la compagnienationale.
L'exPropriations'est faite sans
éclat, au prix de négociations interminables.
Mais, depuis 1990, les
majors n'ont plus aucun intérêt
dans les champs saoudiens. L'étatmajor
de l'Aramco ne compte plus
un seul Américain et les compagnies
achètent leur brut au même
prix que les autres. Bref, les Etats-
Unis se sont fait « sortir» en douceur
du grenier à pétrole., Pis, ils
menacent désormais de s'yvoir supplanter...
par les Européens.
Le prince Abdallah, qui lfuige le
pays depuis la maladie du roi'Fahd,
a en effet lancé,ilya quatre ans, un
nouveau round de négociations
aveclescompagniesinternationales.
Leprojet consisteà mettre en exploitation
du gaz, contenu dans le soussol
de trois zones inexploitées,et de
le transformer afin de stimulerl'économie
locale et de créer des
emplois.Des investissementsgigantesques
- 25 milliardsde dollars -
qui,sitôt annoncés,ont misen ébullition
tous les états-majors. Il s'agissait
ni plus ni moins de reprendre
pied en Arabiesaoudite,avecl'arrière-pensée
qu'après le gaz pourrait
. venir du pétrole... Suivant d'âpres
luttes,trois consortiumsont été présélectionnés,
au printemps 2001,
deux étant pilotés par les majors
(Exxon-Mobil),le troisième par des
européens (Shellet Totalfina).
Les Américains, gouvernement
en tête, raconte un négociateur, ont
exercé des pressions «féroces»
pour emporter l'affaire, tentant de
faire modifier les conditions fixées
par les Saoudiens - relativement
peu favorables aux compagnies.
Sans succès visible.Le second projet
est au point mort et le premier
achoppe toujours sur la rentabilité
espérée (Exxonvoulant, à défaut de
la propriété des réserves, un retour
d..J!u_moins
18%). En définitive, seul le projet
piloté par les Européens semblait
avancer jusqu'à ces derniers jours.
Ce serait évidemmentun revers cuisant
pour les majors américaines:
pour la première fois des « étrangers»
mettraient un pied dans
'« leurs» plates-bandes...
Cette bataille d'intérêts n'explique
pas tout. Maiselle est, assurent
les témoins, à l'origine du refroidissement
des rèlations,entre les deux
pays,:et ce piûsieuts mois' avant le
Il septembre'2001.Jusqu'où l'escalade
pèut-elle se poursuivre ? Les
Etats-Unissont-ils prêts, comme le
redoutent les dirigeants saoudiens,
à leur « faire le coup du chah »,
c'est-à-dire à jouer la déstabilisation
pour mettre en place un gouvernement
« démocratique» à leur
dévotion? Au risque de récupérer à
la place un ayatollah ou un Ben
Laden? Cherchent-ils à provoquer
une révolution de palaisafin de propulser
un prince comme Sultan,
ministre de la défense, réputé proaméricain,
à la place d'Abdanah, le
nationaliste? Ou ces grandes
manœuvres ne sont-elles qu'une
'étape du bras de fer pétrolier qui
iOPposeRiyadet Washington? Pour
cynique qu'elle soit, cette dernière
'hypothèse serait, soriune toute, la
plus rassurante. Car les Saoudiens
'depuis 1945,ont toujours cédé.
Véronique Maurus
,!eMonde
VENOREOI11 OCTOBRE 2002
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