Bulletin de liaison et d'information - Institut kurde de Paris

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RCt'lIC de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basm Özeti TUROUIE •• 102-MARS 1998 .~~'(.]ll'l~.'l ... r'lr[~.:. .....r-l Lendemains de cauchemar PAR KHALIL ATTYAH Rejetée par l'Europe, suspectée par le monde arabo-islamique, confrontée, à l'intérieur, à une montée des périls du fait de l'irrédentisme kurde, de la poussée islamiste et de la corruption généralisée de la classe politique, la Turquie n'en reste pas moins une pièce maîtresse sur l'échiquier moyen-oriental. Après l'abolition du régime de califat par Ataturk, qui D voulait faire de son pays une nation laïque, moderne, Le problème kurde reste entier ... et résolument tournée vers l'Europe, un chroniqueur égyptien, nostalgique de l'empire ottoman, écrivait: "Avec l'empire, la Turquie était le premier pays ml/sulman. Aujolln/'lwi. c/lf' t'.lt Le port du voile, de plus en plus répandu, Inquiète les gardiens du dogme kémallste de laïcité. le dernier des Européens." Trois quarts de siècle plus tard, cette boutade n'a rien perdu de son mordant. Le~ héritiers d'Ataturk n'ont pas encore convaincu l'Europe de leur "européanité" pui~que leur dernière candidature à l' V nion européenne (VE) a été poliment, mais fermement. rejetée par les quinze chefs d'Etat européens réunis en décembre dernier au Luxembourg. Piqués au vif, les dirigeants turcs, qui se disent "laïcs" et viennent d'en administrer la preuve en ordonnant la dissolution du parti islamique du Refah de Necmettin Erbakan - pourtant élu au suffrage universel et qui avait remporté le plus grand nombre de sièges lors des dernières élections parlementaires - n'ont pas eu peur du ridicule en proclamant haut et fort que la vraie raison de ce refus est à rechercher dans la nature même de l'UE qui est, disent-ils, un véritable "club chrétienfermé", Argument qui ne convainc personne, particulièrement quand ill:st avancé par des généraux qui font de l'anti-islamisme à la sauce laïque leur fond de commerce. LES RAISONS PROFONDES DU REPORT - ET NON DU REJET DÉFlNmF - de la candidature turque à rUE sont nombreuses et ne sauraient s'expliquer démagogiquement par un quelconque choc des cultures ou des religions. Il y a d'abord les fameux critères 67
Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basm Özeti kurdes avaient, dans un passé tout récent, connu le même sort. La Haute Cour constitutionnelle d'Ankara n'en est pas à sa première dissolution: depuis 1968, plus de vingt -trois partis politiques ont été bannis, tantôt au nom de la sécurité nationale, tantôt au nom du sacrosaint dogme de la laïcité kémaliste. Dans cette longue liste, le Refah côtoie des marxistes, des nationalistes, des kurdes et des groupuscules d'extrême droite; .. POURQUOI TANT DE SUSPICION ET DE . violence à l'égard de la société civile qui empêche toute démocratisation du régime? L'un' des éléments de réponse à cette question capitale est à chercher dans la perception de la classe dirigeante turque des fragilités internes du pays. A l'entendre, le principal danger qui guette la Turquie, c'est la désintégration, l'implosion interne. Une telle perception a ceci de dangereux qu'elle pousse l'Etat, pàr un réflexe d'autodéfense contre un péril imaginaire, .à commettre les pire atrocités et à s'embourber dans des alliances contre nature. Ainsi, le kémalisme, au nom de la défense de la "citadelle turque assiégée", a systématiquement foulé aux pieds les droits des minorités vivant en Turqllie, .les Arméniens d'abord, victimes d'une politique génocidaire; les Kurdes aujourd'hui, assimilés dans le langage officiel à des "Turcs dè la montag.ne" ou à des "terroristes ". Le conflit avec la Grèce, qui a connu son paroxysme avec l'occupation cie' la partie nord de Chypre en 1975 ,est à .placer dans cette même perception stratégique étriquée. Idem pour le conflit avec la Syrie et de l'Irak sur le partage des eaux de l'Euphrate, qui risque de s'envenimer dans les années.à venir avec l'achèvement de vingt et un barrages géàhts dans l'Est de la Turquie. En refusant de mener une politique réaliste de coopération avec ses deux voisins, Ankara leur a donné l'occasion d'exploiter ses contradictions internes. Le soutien multiforme de la Syrie au PKK est une réaction à la politique de la Turquie en matière de partages des eaux. _b ~::':L:Je ::all1ler le i,~uèll acœplanl Je se concerter reellement sur les enjeux hydrauliques régionaux, la Turquie des généraux a cru bon de jouer la carte israélienne en signant une série d'accords militaires avec Tel-Aviv, quitte à entraîner une accélération de l'aide syrienne, et éventuellement irakienne et iranienne, au PKK et aux islamistes turcs. En voulant punir la Syrie par un rapprochement avec Israël, elle est en train de monter tout le monde arabo-islarnique contre elle. Au dernier sommet de la Conférence islamique à Téhéran, le président turc a dû claquer la porte et regagner son pays tant la réprobation des membres de la conférence à son égard était générale. Repoussée par l'Europe, malyue par les pays arabes voisins, la Turquie, membre important de l'Otan et allié stratégique des Etats-Unis, se trouve aujourd'hui dans une position fort inconfortable. A ce titre, elle ne peut Les barrages de la discorde A l'origine de la guerre souterraine qui oppose la Turquie à ses deux voisins arabes, la Syrie et l'Irak, se trouve le gigantesque complexe hydraulique Ataturk. Ce projet, dont les travaux ont déjà démarré il y a quelques années dans le Sud-Est anatolien, sur les sources du Tigre et de l'Euphrate, comprendra, à son achèvement, vingt et un barrages et dix-sept centrales électriques produisant 8 000 mégawatts. Les eaux inonderont une superficie de 73 000 km 2 sur une hauteur de 179 mètres. 4 100 villages et 5 150 petites localités, pour la plupart kurdes, seront rayés de la carte. La première phase, qui a commencé en 1992, a couvert 8 000 km 2 et noyé 250 villages. Pour remplir le premier barrage construit, les autorités turques ont réduit drastiquement les quantités d'eau allouées à la Syrie et l'Irak, provoquant une 15grave pénurie dans ces deux pays. Dépendant de l'étranger pour sa rien refuser à Washington. Son rôle dans une éventuelle consommation énergétique, la frappeaméricaine contre l'Irak serait capital. Les Etats- Turquie, avec ce projet gigantesque, compte réduire cette Unis pourraient même se servir d'elle comme tête de pont pour désintégrer \'Irak. Désintégration, suivie dépendance, grâce notamment à d'une guerre civile annoncée qui mettrait sur les roules l'électricité générée par les dixsept centrales prévues. Mais les des millions de réfugiés. Au nom du principe de l'ingérence humanitaire, les Etats-Unis saisiront cette tragédie pour imposer, dans le Nord irakien, un mini-Etat . sont pas suffisantes. Ankara envi- considérations économiques ne kurde qui leur soit totalement inféodè. Les généraux sage aussi d'exporter une partie turcs pourront mettre à profit le chaos programmé et de cette électricité et de ces eaux annoncé pour remettre à l'ordre du jour leurs revendications territoriales sur la riche province irakienne de dépens de la Syrie et de l'Irak qui vers les pays arabes et Israël, aux Mossoul, où vivent plusieurs centaines de milliers de crient au hold-up hydraulique. Les Turkmènes et dont le sous-sol recèle de grandes deux pays font valoir que ces deux réserves de pétrole. Ce scénario simpliste risque de fleuves sont internationaux et il n'est pas admis qu'un seul pays, mettre tout le Moyen-Orient à feu et à sang. La Turquie en l'occurrence la Turquie, en dispose à sa guise et en fasse un ins- elle-même ne pourra pas être épargnée. Cet Etat kurde sera, à n'en pas douter, un facteur de désintégration de trument de chantage. toute la région. Mais au-delà des calculs politiques, le projet aura des consé- Il y a cependant une autre voie que le régime turc rechigne encore à suivre, c'est celle de la démocratisation et de la réconciliation avec la.société civile. Le l'environnement, la faune et la quences néfastes sur le climat, courant islamique, qui représente près de 25 % de flore. Il risque surtout d'engloutir l'électorat, ne peut plus être éradiqué de la scène politique. Les élections générales qui doivent se dérouler archéologiques prestigieux, en une région qui comporte des sites cette année seront un test décisif. Interdits de tribune, quelque sorte une partie de la les électeurs du Refah, comme ceux des partis kurdes, mémoire de l'humanité. Plus grave n'auront d'autre choix que de porter les armes. Le syndrome algérien pointe à l'horizon. Mais à la différence secouée par des éruptions sis- encore, la région est régulièrement de l'Algérie, entourée de voisins qui veulent à tout prix miques qui risquent, en cas de rupture des barrages, de provoquer circonscrire l'incendie, la Turquie, mal aimée de tous les pays qui l'encerclent, ne peut attendre d'eux qu'une des inondations indomptables chose: qu'ils jettent de l'huile sur le feu. 0 dans les pays voisins. Cl 68
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