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Bulletin de liaison et d'information - Institut kurde de Paris

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Revue <strong>de</strong> Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro <strong>de</strong> la Prensa-Baszn Öz<strong>et</strong>i<br />

Pendant ce temps, nous engageons la<br />

conversation avec Ihsan Bucak, membre du<br />

comité exécutif local du DYP[parti <strong>de</strong> la juste<br />

voie, dirigé par MmeTansu Çiller]. Bucak est<br />

également prési<strong>de</strong>nt du club <strong>de</strong> foot local Siverek<br />

Spor. Nous l'interrogeons sur les trafics <strong>de</strong><br />

I!!I ..-<br />

Aabri .<br />

drogue <strong>et</strong> d'armes <strong>et</strong> sur "l'après-Susurluk"<br />

~<br />

U R Q U<br />

[allusion à l'acci<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la route qui a révélé,<br />

t 0 I j e<br />

fin 1996, les connexions mafieuses <strong>de</strong> l'ex-<br />

Premier ministre Çiller,notamment avec le clan<br />

<strong>de</strong>s Bucak - voir CI n° J18 du5 décembre 1996J.<br />

Bucak répond sans masquer sa colère: "Si<br />

quelqu'un cultivait <strong>de</strong> la drogue dans son village,<br />

vous croyez que ça seferait avec notre autorisation<br />

?Le vrai coupable, c'est l'Etàt. "Brus-<br />

Présence <strong>de</strong> communautés arabe.<br />

Tu t'interroges sur c<strong>et</strong>te loi incompréhensible:<br />

35 milliards <strong>de</strong> livres suffisent-ils pour<br />

quement, la foule s'agite: le Drej arrive. Un soglu se sont résignés à un prix du sang aussi<br />

cercle d'hommes très <strong>de</strong>nse l'entoure aussitôt. élevé: La partie adverse s'appuyait sur une<br />

Il pose pour la presse, <strong>de</strong> face, <strong>de</strong> prom. La po-' ' mafia qui a pignon sur rue à Istanbul. Dès que<br />

une vie ? Pourquoi d'ailleurs le cadavre d'un<br />

lice lui ouvre un passage, visiblement ,à son je prononce le mot "inafia", l'employé qui s'ocservice.<br />

La cérémonie commence quand le' cupe du café s'empresse <strong>de</strong> se présenter:<br />

homme coûterait-il 55 milliards, alors qu'une'<br />

femme, <strong>de</strong> son vivant,ne vaut pas plus <strong>de</strong> 1milliard<br />

? La colombe chuchote: ."Ici,les gens aient<br />

Drej <strong>et</strong> les chefs <strong>de</strong>s clans arrivent "Ramazan Kara, le père <strong>de</strong>s parràins; père sans<br />

à la maison blanche. Pendant que père, serVeur <strong>de</strong> Clifé <strong>de</strong>s mqfias, 'r'avi <strong>de</strong>faire<br />

leur propre droit si la justice ne les satiifait pas.<br />

l'imam récite,une longue prière, quel- votre connaissance, mac!ame." Ram~zan se<br />

Ce n'est pas comme les autres endroits que tu<br />

qu'un nous chuchote le prix <strong>de</strong> l'a' vante (l'avoir' servi du café à' "plusieurs<br />

connais. Ici, le sang selavt soit avec du sang, soit<br />

paix: "JJ milliardS <strong>de</strong> livres [près <strong>de</strong> mqfieux", à commencer pàr Drej Ali. C'est<br />

avec <strong>de</strong> l'argent. Si les gens ne se vengent pas, ils<br />

.1 million <strong>de</strong> FFJ ont été payés pour if- maintenant le,tour <strong>de</strong> Muzaffer'Cakmak, "le<br />

portent comme une tâche noire sur lefront. "Et,<br />

facer le sang, mais vous ne leferez plùs gralid parrain '<strong>de</strong> la mqfia", selon lui. Il<br />

d'un battement d'ailes, la colombe s'envole vers<br />

avouér à personne. " ", veut plaisanter, mais ceux qui sont à proximité le village <strong>de</strong> Zeynep, où vit wie partie <strong>de</strong>s<br />

Plus' tard, un membre' du clan son,1.très pru<strong>de</strong>nts envers "certains médias" familles arabes <strong>de</strong> la région. Halime, la plus<br />

Seyhvanli, celui <strong>de</strong> la victime, <strong>et</strong> font vite disparaître Ramazan.<br />

belle femme <strong>de</strong> Zeynep, est mariée <strong>de</strong>puis un<br />

confirme le renseignement <strong>et</strong> ajoute: .Les plats sont étalés sur les tapis. Une mul- an à peine. Elle s'est mariée en échange <strong>de</strong><br />

"Ceux qui ont servi d:intermédiaires titu<strong>de</strong> d'hommes plongent leurs cuillères dans 600 millions <strong>de</strong> livres [18000 FF] versés à ses<br />

dans c<strong>et</strong>te qffaire ne serontplusprls au" le riz à la vian<strong>de</strong>. Suivent les discours.: d'abord parents. Ses amies, admirati"es <strong>de</strong>vant sa<br />

sérieux. Ils ne serontplus convoqués le commandant <strong>de</strong> la briga<strong>de</strong> militaire locale,<br />

beauté, soupirent: "Si elleavait épousé un étran-<br />

pour d'autres qffaires. Tout <strong>de</strong> même, puis le préf<strong>et</strong> d'Urfa, enfm les Bucak. La paix<br />

établir un prix du sang aussi élevé!" est copclue, Qui avait tué qui ?Et pourquoi c<strong>et</strong>te<br />

L'argent collecté auprès <strong>de</strong> tous les membres .gran<strong>de</strong> cérémorti.e, qui a coûté plus <strong>de</strong> 1 mildu<br />

clan <strong>de</strong>s Arisoglu sera versé à la famille du liard <strong>de</strong> livres à MuzafTerCakmak -' il est vrai<br />

elan Seyhvanli, dont le fils a été tué. Tout le que cela lui a également servi à consoli<strong>de</strong>r sa<br />

mon<strong>de</strong> est au courant, mais personne ne par- réputation -, se termine-t-elle sans qu'on prolera:<br />

le silence est la langue d'Urfa. Du m'ra nonce une seule fois les noms <strong>de</strong> la victime <strong>et</strong><br />

[cafétrès fort, typique <strong>de</strong> la région] est servi dès du tueur? Plus tard, un membre du clan Seyhla<br />

fin <strong>de</strong> la prière. Le Drej prend place à côté vanli répond à ces questions: "C'estune histoire<br />

d'Ibsan Bucak. Ils se plongent dans une conver- <strong>de</strong>jille. Deux jeunes étudiants se sont battus. I.:qfsation,<br />

comme <strong>de</strong>ux bons amis. Nous nous faire a pris <strong>de</strong> l'ampleur, impliquant lesfamilles.<br />

approchons du Drej pour lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r: "Nes- Mais ne dites à personne que c'était une qffaire<br />

tu pas recherché? Comment as-tu pu venir jus- <strong>de</strong>jille. Ce serait une honte pour lesfamUles !"<br />

qu'ici?" A c<strong>et</strong> instant, yingt têtes au moins se AUrfa, on lave le sang avec <strong>de</strong> l'argent. Le<br />

tournent vers nous, vingt têtes peu bien- fait que <strong>de</strong>ux jeunes gens se poignar<strong>de</strong>nt en se<br />

veillantes. On arrive tout <strong>de</strong> même à se parler: disputant une jeune fille aboutit finalement à<br />

".rai évi<strong>de</strong>mment joué un rôle pour coru:lurec<strong>et</strong>te c<strong>et</strong>te cérémonie qui réunit les plus hautes autopaix,<br />

dit le Drej. Avec l'ai<strong>de</strong> <strong>de</strong>s amis, bien sûr. rités <strong>de</strong> la ville, offre un grand spectacle à la<br />

On vient assez souvent par ici. ns ont la gen- presse <strong>et</strong> rajoute <strong>de</strong>s bons points à la carrière<br />

tillesse <strong>de</strong> nous inviter." Quant à la question <strong>de</strong> politique <strong>de</strong> la dignité locale, Muzaffer Caksavoir<br />

qui sont ces "amis" <strong>et</strong> pourquoi ces puis- mako Celui-ci se lance dans un discours polisantes<br />

familles auraient besoin <strong>de</strong>s services <strong>de</strong> tique. "L'argent qu'on gagne ailleurs, on l'in-<br />

Drej Ali, ou plutôt pourquoi elles accepteraient vestit ici, à Urfa. Vous voyez: nous avons enterré<br />

, sa décision... . JO rnillUuYis dans c<strong>et</strong>temaison, par exemple. Elle<br />

C'est que le Drej collabore avec A<strong>de</strong>m a été construite en trois mois. " En contrebas<br />

. Seyhvanlioglu, qui, dit-on, est le parrain <strong>de</strong> <strong>de</strong> la maison, ou plutôt <strong>de</strong> ce qu'il faut appeler<br />

la mafia du charbon à Istanbul. Et celui-ci avait une forteresse blanche, on voit l'école du viltué<br />

l'homme qui, lors d'un procès, au tribunal, lage <strong>de</strong> Cakmakli. Muzaffer Cakmak la<br />

avait tiré sur Ibrahim TaUises [originaire contemple <strong>et</strong> évoque ses souvenirs d'enfance,<br />

d'Urfa, "Ibo" est la plus gran<strong>de</strong> voix <strong>de</strong> la quand il s'y rendait pieds nus, portant ses soumusique<br />

populaire en Turquie <strong>et</strong> dirige une liers à la main pour ne pas les user. C<strong>et</strong> hiver<br />

chaîne <strong>de</strong> fast-foods kur<strong>de</strong>s ainsi qu'un réseau encore, les enfants du village continueront,<br />

<strong>de</strong> bus interurbains]. On dit donc qu'A<strong>de</strong>m peut-être, à aller à l'école leurs souliers à la<br />

Seyhvanlioglu est soutenu par Ibo <strong>et</strong> le'Drej. main. Et ils le feront parce que chacun rêve<br />

C'est également la raison pour laquelle les Arl- d'être un nouveau Muzaffer Cakmak.<br />

28<br />

ger, safamille aurait exigé pas moins <strong>de</strong> 1milliard,<br />

mais comme on l'a mariée à son cousin... "<br />

Halime parle très peu. Elle explique qu'elle<br />

<strong>de</strong>scend à Urfa quelques fois par an <strong>et</strong> qu'elle<br />

n'est jamais allée plus loin. Quand on lui<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong> si elle n'aurait pas eu envie d'aller<br />

ailleurs, elle répond: "Pour quoi faire ? Que<br />

ferait-on ailleurs ?"Halime <strong>et</strong> les autres jeunes<br />

filles sont pour la tradition, qui consiste à<br />

rémunérer la famille <strong>de</strong> la jeune fille <strong>de</strong>mandée<br />

en mariage: "De toute façon, c<strong>et</strong> argent<br />

nous revient à lajin, <strong>et</strong> nous ach<strong>et</strong>ons ce qu'il<br />

faut pour la maison ou <strong>de</strong> l'or", disent-elles.<br />

"Mais vous ne pouvez pas vous marier à<br />

l'homme <strong>de</strong> votre choix. " Elles rient, timi<strong>de</strong>s:<br />

"Celane sefait pas." Et puis, la voiXtremblante,<br />

Halime dit : "Dans le village, ce serait mal vu,<br />

d'aimer <strong>et</strong>..." Ce serait également mal vu <strong>de</strong><br />

poser <strong>de</strong>s questions sur c<strong>et</strong>te phrase en suspens.<br />

Alors, nous nous taisons.<br />

Une jeune fille, Hülya, avait fait le tour <strong>de</strong>s<br />

chaînes <strong>de</strong> télévision, dans <strong>de</strong>s costumes<br />

arabes bariolés, pour dénoncer la condition<br />

<strong>de</strong>s femmes <strong>de</strong> la région, pour dire qu'elles<br />

étaient vendues, <strong>et</strong> même tuées. La presse à<br />

sensation avait fait d'elle une ve<strong>de</strong>tte d'un jour.<br />

Sans se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r quel est le prix à payer<br />

quand on parle. Les journalistes l'avaient interrogée<br />

sans cesse, <strong>et</strong> elle avait parlé. Elle avait<br />

raconté que, là-bas, les jeunes filles se font<br />

égorger, qu'elles sont vendues, qu'elles aimeraient<br />

faire <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s ... La télévision l'avait<br />

rendue célèbre pendant quinze minutes, avant<br />

<strong>de</strong> la laisser tomber comme un vieux chitTon.<br />

Maintenant, à Urfa, tout le mon<strong>de</strong> parle d'elle.

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