Bulletin de liaison et d'information - Institut kurde de Paris

Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro
de la Prensa-Baszn Özeti
I -
!
co
CFl
CFl
-
Le génocide arménien victime du « négationnisme d'Etat»
LE PREMIER génocide du siècle, celui des ArménienS
en 1915,n'est toujours pas reconnu par
le pays qui l'a commis, la 1\Jrquie. La République
turqUe, héritière du gouve~ement jeune-turc au
pouvoir pendant la prenuère guerre mondiale,
refuse l'idée que celui-ci ait eu l'intention d'extenniner
les Arméniens et rejette le bßan, 5¥périeur
à un miDion de morts, généralement retenu.
«Imaginons un Faurisson ministre, un'
Faurissonprésident, un Faurissongénéral, un Faurisson
ambassadeur, un Faurisson président de la
Commission d'histoire turque », éait l'bistorIen
Pierre Vidal-Naquet. ,
Ce «négationnisme d'Etat» a été au centre du
colloque international intitulé «L'actualité du
génocide arménien -, qui a eu Heu du 16 au
18 avril à la Sorbonne, à Paris, à l'initiative du
Comité de défense de la cause arménienne •.La
date avait été choisie pour commémorer, avec
quelques jours d'avance, la rafle du 24 avrill915
dont a été victime l'blteIHgentsia arménienne
d'Istanbul Celle-ci a donné le slgnaI des déportations
en masse vers les déserts de Syrie et de
MéSopotaqüe, parsemées de massacres tout au
long du chemin. Ceux qui avaient survécu à
cette épreuve sont morts pour la plupart de faim
et de soif ou ont été exécutés, au cours de l'hiver
1915-1916,dans les camps de c~ncentration sommairement
établis, teIs que Delf el-lor, en Syrie.
Void le tableau d'ensemble tracé en 1916 par
l'historien Arnold lbynbee, qui avait été chargé
par le gouvernement britannique d'un rapport
sur la situation des Arméniens dans l'Empire ottoman.
«La façon de procéder étDitsystématique
au plus haut degré. Enfouillant toutes les maisons,
l'une aprês l'autre, ~e chaque ville, ou ~e chaque
village, on réunissaIt toute la population arménienne.
Chaque habitant étDitpoussé da",! la ru.e.
Lorsqu'ils étDient parvenus à une certarne dIStance,
les hommes étDient séparés des femmes et
Le maire d'Istanbul
a été condamné
à dix mois de prison
Il est accuséd'incitation
conduits dans les montagnes, où ils étDient tués à
coups de jUsr1et de baionnette par les soldats ou
par les tribus mrdes que l'on avait appelées pour
aider au massacre. On tmIOyClit lesfemmes, les enfants
et les vieillards sous la garde des soldats les
plus vils - beaucoup de ces derniers avaient été tirés
dë prison à cettejin - vers le lieu de leur demnation
lointaine, leplus souvent le grand désert qui
s'appelle Deir el-Zor et qui se trouve à l'est d'Alep,
dans la direction de l'Euphrate. Ces malheureux,
marchant tDl4ioursà pied. se W1}'Qientsans cesse
chaque jour poussés en avant par les soldats, battus
par eux, ou bien abandonnés à la mort s'ils ne
pouvaient avancer avec la caravane. »
ARCHIVES INAca55IaES
Les rapports des consuls étrangers, en particulier
ceux d'Allema8De et des Etats-Unis (deux
pays qui avalent alors des relations diplomatiques
avec l'Empire ottoman, le premier étant
meme son allié), conftnnent cette description.
Les témoignages des survivants vont dans le
même sens. Mals l'accès aux archives turques est
extrêmement diflidle, et certaines d'entre elles
restent même totalement fermées. Beaucoup de
convoIs sont passés par Alep. Or, constate l'his.
torien français Raymond Kévorldan, les dossie~
de la «sous-direction des déportés» de cette
ville sont toujours inacces51bles.
Ara sarafian, un jeune chercheur américain en
histOire à l'université du Michigan, qui a pu un
'riloment travaßler aux Archives ottomanes d'istanbul,
est désormais interdit ,d'entrée à cellesci.
«La thêse officielle est que les Arméniens
étDient des rebelles prlts à passer du cßté des
Russes [NDLR: alors en guerre avec les Ottomans,
auxquels Us venaient, en janvier 1915,
d'infliger une sévère défaite dans le Caucase J, et
qu'il fallait les éloigner du front. Les autorités
m'ont ainsi permis de consulter les tél/grammes de
« à la haine par discrimination»
'ISTANBUl
« Les mosquées sont nos casernes,
. de notr~ correspondante les minarets nos baionnettes, les
. Signe q~e I offeDSlve des ~- coupoles nos casques, et les croyants
!ions .étaüq~~ contre les militants nos soldats », avait déclaré Recep
Islamistes s,mtenslfie, la Cour. de Tayyip Erdogan, lors d'un discours
sfu'eté de I Etat de Di~arbam: a prononcé en décembre 1997 dans
c?ndamné, mardi 21 a~, le mme la ville sud-anatolienne de Siirt.
d Istanb~, Recep TaYY1p EI;dog~, Comble de l'ironie, la dtation était
à une peme de dix m~:)ls~ e~pn' extraite d'un poème de Ziya Gôsonnement
p~)Ur aV0l! «: ,".clté. le kalp (1876-1924), qui est considéré
pe~p!e à la hal~e par dlscn,!,,"ation comme un des principaux idéorellgreuse,
racIale ou régronale~, logues du nationalisme turc et un
alors .même q~e le procureur .avéllt des précurseurs du kémalisme.
reqUls l'acqUlttement. PlUSieurs
avocats, défenseurs de la laïdté,
s'étaient également prononcés en
faveur de son acquittement, affirmant
qu'aucun crime n'avait été
commis.
PLUSIEURS ARRESTAnoNS
Popùlaire grâce à sa bonne gestion
de la chaotique métropole,
depuis son élection en mars 1994,
Talat Pacha, le ministre de l'intérieur jeune-turc,
ordonnant les déportations, qui illustrent cette
thêse. Mais rien sur lafaçon dont se sont déroulées
ces déportations, qui ont eu lieu partout et pas
Seulement prês du front, ni sur leur résultat », ex.
plique-t-n.
Un historien allemand d'origine turque, Fikret
AdanIr, apporte un éclairage intéressant sur le
refus persistant de la 1\Jrquie de reconnaître le
génocide. L'opinio~ turque continue en effet
d'avoir une mentaHté de victime à propos de la
première guerre mondiale, estimant que le
peuple turc a faDIi dispara1tre dans la 'tourmente
provoquée par la défaite et le démantèlement de
l'Empire ottoman.
Dans ce contexte, la «réinstallation forcée»
des Arméniens est présentée commme une nécessité
de guerre. Le nombre des Arméniens
tués serait dQ avant tout au conflit et aux malheurs
qui l'ont accompagné, ce qui permet
d'évacuer toute culpabilité. En outre, la naissance
d'une dasse bourgeoise en 1\Jrquie est liée
aux spoliations dont ont été victimes les minorités
grecque et arménienne, ce qul rend le sujet
encore plus tabou.
De nombreux partidpants à ce colloque ont
appelé de leurs vœux une extension du champ
de la loi Gayssot de juillet 1990, qui punit la
contestation du génocide perpétré par les nazis
contre les juifs au cours de la seconde guerre
mondiale, afin que celle-ci puisse inclure la négation
du génocide arménien. Tous ont souhaité
la reconnaissance de c!elui-ci par la 1\1rquie.
Mais quelle serait alors l'étape suivante, s'est interrogé
Richard Hovannisian, professeur à l'université
de Californie? Une telle reconnaissance
suffirait-elle par elle-même ou servirait-elle de
base à une demande de réparations ?
Dominique
Dhombres
Recep Tayyip Erdogan semble désormais
avoir des ambitions qui plusieurs villes de 1\Jrquie. «Ils ont
cours de descentes de police dans
dépassent les rives du Bosphore. été pris à leur domicile à 4 heures du
Membre de l'aile« réformiste - du matin par des membres des brigades
Parti de la Vertu (FP) -la formation
politique qui a pris la relève ra », a protesté Erol Yarar, le diri-
antiterroristes et emmenés à Anka-
du Parti de la Prospérité (RP) après geant du groupe. Les seize
sa dissolution par la Cour constitutionnelle
en janvier 1998 -, il est « contribué jinanciùement au déve-
hommes seraient suspectés d'avoir
fréquemment dté comme un des loppement de l'islam politique ».
futurs dirigeants. du mouvement Vendredi 17 avril, près de deux
islamiste en 1\Jrquie.
cents personnes avaient été emprisonnées
dans les villes de Bingöl et
Si la décision du tribunal, une
institution senti-militaire, est approuvée
par la Cour de cassation, pour avoir manifesté contre l'inter-
Batman, dans le Sud-Est anatolien,
M. Erdogan perdrait cependant à diction du port du foulard islamique
dans les bâtiments officiels .
la fois son poste à la tête de la plus
grande municipalité de 1\1rquie, Les autorités ont décrété que les
mais aussi le droit de se présenter personnes arrêtées seraient désormais
empêchées d'obtenir des em-
à des élections. Selon la loi, le ministère
de l'intérieur pourrait d'ailleurs
relever le maire de ses fonc-
ministre de l'intérieur, Murat Baplois
dans la fonction publique. Le
tions par voie administrative, sans sesgioglu, a également annoncé
attendre le verdict de la cour d'appeL
Trois maires islamistes ont dé-
cours des semaines écoulées avait
qu'une opération' R.9licière au
jà été suspendus de cette façon au mené à l'arrestation de nombreux
cours des dernières semaines. membres du Hezbollah, une organisation
islamiste, apparenunent
Lundi dans la nuit, seize
hommes d'affaires, membres de la présente dans le Sud-Est anatolien
Musiad - une association qui réunit
hommes d'affaires et indus-
depuis 1980.
triels de tendance conservatrice et
Nicole POlJe
religieuse -. avaient été arraés au
111